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L’Inserm met en place un congé menstruel

Les agentes de l’Inserm disposent désormais d’une autorisation spéciale d’absence (ASA) en cas, notamment, de règles douloureuses. Claire Watremez-Vescovi et Sandra Meziani, de la direction des ressources humaines, et Maude Le Gall, chercheuse et responsable syndicale, reviennent sur la mise en place de ce dispositif.

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Qu’est-ce que le congé menstruel et qui est concerné ?

Sandra Meziani : C’est une autorisation spéciale d’absence (ASA). Toutes les agentes de l’Inserm, quels que soient leur statut ou leur ancienneté, peuvent en bénéficier. Elles peuvent ainsi s’absenter jusqu’à une journée par mois en cas de menstruations incapacitantes, de douleurs liées à la ménopause ou à la périménopause. C’est une ASA, ce congé est donc sans impact sur la rémunération.

Claire Watremez-Vescovi : Les personnes concernées adressent un justificatif médical, valable un an, à leur pôle RH, et préviennent leur responsable hiérarchique qu’elles ont accompli cette démarche. Le jour où elles en ont besoin, elles peuvent prendre une journée ou une demi-journée : il leur suffit alors de prévenir leur responsable en mettant le pôle RH en copie. Cela peut avoir lieu le jour même, car il n’y a pas de délai de prévenance. Les responsables et les ressources humaines sont évidemment tenus à la confidentialité.

Maude Le Gall : Il faut ajouter que ce dispositif est couplé à des possibilités élargies de télétravail. L’Inserm recommande aux responsables hiérarchiques d’accepter des demandes de télétravail exceptionnelles en lien avec un congé menstruel. Car, si la phase la plus douloureuse des règles peut faire l’objet d’une journée de congé, les jours suivants peuvent aussi être pénibles. Poser une ASA puis reprendre le lendemain en télétravail permet vraiment de vivre au mieux cette période.

Maude Le Gall est directrice de recherche Inserm au Centre de recherche sur l’inflammation (unité 1149 Inserm) à Paris et membre du syndicat SNCS-FSU. © Inserm

Pourquoi proposer ce nouveau dispositif ?

Claire Watremez-Vescovi : Il m’a paru important de prendre en compte la santé des femmes et de lever des tabous sur les règles. Ce qui m’a inspiré, ce sont les Canal Détox sur la santé des femmes et la communication de l’Inserm sur ce domaine de recherche, notamment depuis le lancement du programme et équipement prioritaire de recherche (PEPR Santé des femmes, santé des couples) piloté par l’Institut.

Maude Le Gall : C’est aussi une revendication de longue date des syndicats pour établir une véritable égalité professionnelle. L’endométriose et les dysménorrhées (les règles douloureuses) font partie des processus qui engendrent une forte inégalité professionnelle. Jusqu’à présent, la seule solution pour les femmes qui ont des règles douloureuses, c’était de poser des congés. Pour certaines, cela peut aller jusqu’à 15 jours par an pour gérer ces douleurs !

Claire Watremez-Vescovi : Il y a aussi le cas de femmes qui vont travailler en prenant des médicaments codéinés pour calmer la douleur…

Maude Le Gall : Je suis responsable d’une équipe essentiellement féminine. Jusque-là, quand mes doctorantes ne pouvaient pas venir au labo, je leur proposais de télétravailler. Grâce au nouveau dispositif, elles seront officiellement en ASA. Elles n’auront plus cette pression de devoir un peu travailler alors que c’est difficile. Et puis, ce congé est aussi une vraie reconnaissance de la douleur des femmes.

Sandra Meziani : Oui, car au-delà des dysménorrhées, le dispositif concerne aussi les femmes qui souffrent de douleurs liées à la ménopause ou à la périménopause.

Maude Le Gall : C’est une façon de lever un autre tabou. Les femmes qui atteignent un certain âge peuvent être victimes de moqueries, alors que la périménopause peut engendrer une vraie souffrance encore mal connue.

Claire Watremez-Vescovi (à gauche) est responsable du service des affaires sociales et juridiques de la direction des ressources humaines (DRH) de l’Inserm. Sandra Meziani (à droite) est juriste à la DRH de l’Inserm. © Inserm

Comment ce dispositif a‑t-il pris forme ?

Claire Watremez-Vescovi : Sandra a étudié la partie réglementaire. Puis, avec le soutien des organisations syndicales, j’ai porté le projet auprès du directeur des ressources humaines et de la direction générale.

Sandra Meziani : J’ai fait un état des lieux de la réglementation en vigueur. J’ai notamment étudié deux propositions de loi sur le sujet : la proposition de loi relative à la prise en compte de la santé menstruelle et celle sur la reconnaissance de la santé menstruelle et gynécologique dans le monde du travail déposées en 2023. Elles ont été abandonnées avec les changements de gouvernement mais elles étaient très abouties. J’ai aussi comparé les initiatives de certaines collectivités territoriales, comme Lyon, Saint-Ouen ou Nantes, et celles d’entreprises privées. Puis, j’ai regardé ce qui se faisait en Espagne qui a adopté une loi sur le sujet il y a deux ans.

Claire Watremez-Vescovi : Nous avons travaillé environ un an sur ce projet. Nous nous sommes fixés sur une journée mensuelle de congé, car c’est ce qui se fait dans les entreprises et les collectivités locales où le congé menstruel est déjà en place. Nous avons aussi voulu harmoniser la procédure avec les autres ASA, notamment sur la question du justificatif médical.

On a demandé aux organisations syndicales si elles ne craignaient pas qu’un dispositif de ce type puisse être stigmatisant pour les agentes. Elles nous ont prévenu qu’il y aurait sûrement à faire de la pédagogie. Mais, comme il s’agit de lever des tabous, nous nous sommes dit : « Allons‑y ! »

Maude Le Gall : Au départ, les organisations syndicales étaient pour un dispositif sans justificatif médical. Nous avons vu deux problèmes à cela. D’abord, obtenir un rendez-vous médical n’est pas toujours simple. Et puis, il y a la méconnaissance que certains médecins ont de ces questions. À présent, je considère que, grâce à ce dispositif, les femmes pourront voir un médecin une fois par an pour parler de leur santé gynécologique, et ça c’est très positif !

Claire Watremez-Vescovi : Vous avez raison. Beaucoup de femmes considèrent que c’est normal de souffrir et ne vont pas consulter. Alors que dans bien des cas, il existe des traitements.

Maude Le Gall : Ces dernières années, les organisations syndicales ont beaucoup débattu de ce problème de stigmatisation. Heureusement, les plus jeunes en parlent plus facilement. Elles nous disent : « C’est quoi le problème d’en parler ? »

Qu’est-ce que le congé menstruel représente pour un organisme dédié à la santé comme l’Inserm ?

Maude Le Gall : C’est une décision en phase avec les travaux de l’Institut. L’Inserm a montré que près de 2 millions de femmes sont touchées. Nous avons aussi établi que 90 % des femmes sont susceptibles d’avoir un jour des règles douloureuses, qu’une femme sur deux déclare en souffrir régulièrement, et que, pour 30 %, les règles ont un impact sur leur travail. Avoir des chiffres aide à prendre conscience des problèmes.

Claire Watremez-Vescovi : C’est à nous de mettre en pratique ce que l’Inserm porte auprès des pouvoirs publics. L’endométriose est à présent reconnue comme une maladie, et les travaux sur la prise en compte de la douleur contribuent à faire évoluer les mentalités.

Sandra Meziani : En plus, une proposition de loi comme celle sur le congé menstruel s’accompagne d’une étude d’impact qui s’appuie sur les travaux des chercheurs. La recherche contribue ainsi à faire avancer la législation.

Peut-on dire que l’Inserm est précurseur ?

Maude Le Gall : Dans la fonction publique d’État, oui. À présent, les syndicats essaient de faire passer la même chose auprès des autres établissement public à caractère scientifique et technologique (EPST). Le précédent de l’Inserm aide nos collègues. D’autant que c’est un facteur d’attractivité et de fidélisation pour les établissements.

Claire Watremez-Vescovi : C’est le résultat d’une vraie collaboration entre les syndicats et l’établissement. Ça montre comment, en travaillant ensemble, on peut mettre en place des mesures satisfaisantes pour tout le monde.