Pouvez-vous vous présenter ?
Émilie Tourneur : Docteur en biologie de formation, j’ai été recrutée en 2018 en tant que chargée des formations à caractère scientifique à la direction des ressources humaines de l’Inserm. Depuis janvier, je suis également adjointe au responsable du Bureau des formations scientifiques et de soutien à la recherche.
Avant ma prise de poste à l’Inserm j’ai travaillé pour un cabinet de conseil RH spécialisé dans l’accompagnement des profils issus de la recherche. Mes compétences scientifiques, ma connaissance « terrain » de la vie au laboratoire et mon expérience en ressources humaines me permettent de répondre le plus finement possible aux besoins des personnels de recherche comme des fonctions supports.
Notre équipe, composée de dix personnes, a pour objectif d’accompagner les agents, tout au long de leur carrière, par le développement de leurs compétences en tenant compte des évolutions de l’environnement professionnel et de la recherche. Par exemple, nous organisons tous les ans des ateliers Inserm consacrés aux technologies et aux thématiques émergentes des sciences de la vie et de la santé.
Jean-Philippe Auger : Diplômé d’un master d’ingénierie informatique, je suis entré à l’Inserm en 2006. Depuis 2016, je suis responsable régional des systèmes d’information (RSI) à la délégation Inserm Nouvelle-Aquitaine. Avec l’administrateur du système d’information, nous sommes deux dans ce service déconcentré du DSI. Responsable du déploiement de la politique nationale du Département des systèmes d’information (DSI), j’assure l’animation et la coordination des démarches informatiques de ma circonscription.
J’ai en charge la responsabilité du réseau informatique, la politique de sécurité des systèmes d’information, la conduite des projets de réseaux, et l’étude des contrats de maintenance. Je dois également m’assurer que l’information institutionnelle circule auprès des agents de la circonscription (campagne de renouvellement de mot de passe, mises à jour…).
En tant que RSI, je fais également beaucoup d’animation de réseaux : avec les prestataires qui assurent la maintenance des ordinateurs, avec les correspondants informatiques désignés dans chaque unité de recherche et avec les partenaires externes, ce qui induit une adaptation à des milieux disparates.
Depuis que je travaille à l’Inserm, j’ai dû faire face à des situations compliquées comme l’incendie d’un bâtiment Inserm en mai 2018 qui a entraîné la relocalisation d’une équipe de quinze personnes. Mais l’épidémie de Covid-19 est la plus grande crise que mon service a eu à gérer.
En cette période de crise sanitaire, quelle est la priorité de travail de votre équipe ?
Émilie Tourneur : Au départ, nous faisions essentiellement de la gestion de crise : au lieu de programmer et de construire des formations, comme en temps normal, nous devions gérer les annulations et les éventuels reports auprès des prestataires (formateurs externes, hôteliers, lieux d’accueil…).
Cela va engendrer un report de la charge d’activité et de notre plan de formation sur le second semestre voire sur 2021. Une grande problématique subsiste : à quel moment les agents accepteront-t-ils de revenir à Paris pour suivre une formation ?
En parallèle de la gestion du plan de formation prévu, nous avons tout de suite réfléchi aux actions que nous pourrions mettre en œuvre pour accompagner les agents durant cette période. Ce télétravail massif peut provoquer des situations d’inconfort et même de souffrance, nous faisons au mieux pour outiller les personnels à y faire face.
Le réseau formation s’est mobilisé pour recenser des mooc afin que les pôles formation des délégations puissent proposer aux agents qui le souhaitent de tirer parti de ce temps de travail en distanciel pour monter en compétences.
Nous travaillons sur une offre de formation en e‑learning mais nous proposons également des formations spécifiques résonnant avec le confinement. Par exemple, nous proposons troiswebinaires destinés à aider les encadrants à restaurer une dynamique de travail avec leurs doctorants. Les retours sont très positifs avec plus de 200 inscrits en deux semaines. Nous avons donc décidé rapidement d’étendre cette offre de formation sur les outils de travail à distance à tous les agents.
Nous avons aussi eu l’idée d’organiser des formations pour aider les managers durant cette période de télétravail massif. Comment mettre en place un suivi pertinent avec ses équipes ? Quelle communication adopter ? Comment accompagner au mieux son équipe tant sur le plan professionnel que vis-à-vis des difficultés personnelles qu’ils peuvent rencontrer ? Ce cycle de formation managers sera composé d’un webinaire mais aussi d’ateliers d’échanges en plus petits groupes afin d’aborder les problèmes concrets que chacun peut rencontrer.
Jean-Philippe Auger : En ma qualité de responsable, je fais partie de la cellule de crise de la délégation régionale et nous avons mis en place un plan de continuité des activités. Comme les autres chefs de service, dès survenance de la crise, j’ai participé à la cellule de crise opérationnelle afin de mettre en œuvre les mesures nécessaires à la continuité de service ainsi qu’à l’accessibilité des données de la délégation régionale.
Le confinement a impliqué d’équiper en urgence le personnel et d’accompagner la transition vers le télétravail massif. Mon équipe s’est adaptée pour assurer la flexibilité et la disponibilité du système d’information nécessaire au bon déroulement des activités de télétravail.
Même si certains agents ont pu voir leur environnement de travail perturbé (personnel installé selon des dispositions particulières à cause de maladies chroniques ou travail journalier sur deux grands écrans), les utilisateurs ont apprécié de retrouver leur interface de travail familière avec une solution de liaison sécurisée par VPN (virtual private network).
Une autre problématique est survenue : certains agents d’unités mixtes travaillent sur des réseaux dont nous n’avons pas la maîtrise. Il a fallu entrer en contact rapidement avec les partenaires pour mettre en place une politique conjointe.
En cette période de crise, nos priorités sont donc l’assistance aux utilisateurs en télétravail et la robustesse du système d’information pour limiter au maximum les interventions physiques sur site.
Même si l’anticipation fait partie de notre quotidien, le plus grand défi pour notre service a été de penser le télétravail à grande échelle ainsi que les effets de bord, les impondérables techniques, et les détails bloquant le télétravail au quotidien.
Heureusement, le DSI a mis en place des outils pour faciliter notre travail comme la prise en main à distance ou encore le déploiement de 27 000 comptes Teams pour parer à la surcharge de notre service de visioconférence.
Comment votre équipe s’organise ?
Émilie Tourneur : Depuis le confinement, nous assurons tous le travail à distance. Pour ma part, j’ai aménagé un bureau entre mon armoire et mon lit et je jongle entre trois écrans !
Au début ce n’était pas facile de se familiariser avec les bons réflexes de télétravail. Nous avons convenu ensemble que nous devions être réactifs au même moment trois heures par jour, pour notamment les points de suivi et réunions, et nous organisons le reste de notre temps de travail en fonction de nos contraintes personnelles.
Afin de rompre l’isolement et de maintenir une dynamique d’équipe nous nous sommes aussi emparés d’outils de « e‑convivialité. » Par exemple, tous les vendredis après-midi nous nous réunissons en équipe autour d’une machine à café virtuelle : cela permet à tout le monde de partager s’il le souhaite ses questionnements, son ressenti, ses difficultés.
C’est un temps d’échange que nous n’avions pas formalisé en présentiel, mais je pense que nous devrions le maintenir au moins dans les premières semaines suivant le déconfinement, une autre période « particulière » que nous vivrons ensemble…
Jean-Philippe Auger : Les premiers jours du confinement ont été très chargés : nous étions présents sur site pour mobiliser et distribuer le matériel informatique aux agents pas encore outillés.
Nous étions aussi énormément sollicités sur des interventions liées aux conséquences du télétravail comme les problèmes de box personnelles, les mauvaises connexions au domicile, l’utilisation de Teams…
Durant cette période, il nous a fallu mettre de côté la conduite de projet pour assurer essentiellement de la prise en main à distance et de l’accompagnement (pédagogie sur l’utilisation des ordinateurs et logiciels).
Depuis que tous les agents de la délégation sont outillés et opérationnels, mon collègue et moi pouvons faire du télétravail, même s’il arrive que nous devions nous rendre sur site pour intervenir physiquement sur certains équipements.
Afin de subvenir à un besoin urgent au niveau de la hotline, le DSI a renforcé son centre de service pour gérer les appels des médecins qui avaient des problèmes sur l’application CertDc, qui sert à déclarer les causes de décès
Depuis une semaine environ, nous arrivons enfin à dégager du temps pour reprendre les projets en cours et préparer le plan de reprise d’activités de l’après-confinement : il va falloir gérer le volet technique sans oublier la composante humaine.
Au sortir de la crise, pensez-vous que certaines choses vont évoluer ?
Émilie Tourneur : Je pense qu’il y aura un avant et un après. Cette situation a forcément eu un impact sur les équipes et leur mode de fonctionnement car nous avons tous pris des habitudes différentes, vécu les choses différemment et dû nous adapter. Il faudra qu’on s’accommode à nouveau à « l’après ». Les formations et webinaires sont ainsi utiles pour « armer »les managers à préparer le retour à la normale.
Jean-Philippe Auger : L’autonomie des utilisateurs dans les usages numériques est très importante dans la gestion de notre activité, la surcharge d’appels dans les premières semaines était conséquente.
Nos collaborateurs ont pris conscience que, parfois, relire une documentation qu’on leur a fournie au lieu de nous téléphoner directement nous fait gagner un temps précieux, et renforce leur autonomie.
Nous tenons aussi à saluer la vigilance de nos utilisateurs sur la cybersécurité. Ils nous font systématiquement remonter les mails de spam et les tentatives de phishing, particulièrement nombreux en cette période propice aux cyber menaces. Il va falloir conserver ces bonnes pratiques lors du retour au travail.
Je pense aussi que nous allons gagner en fluidité sur certains processus et circuits de validation : par exemple, le confinement a accéléré la mise en place de la signature électronique, première étape vers un projet global de e‑parapheur.
Enfin, nous devrons probablement anticiper des demandes de télétravail plus nombreuses. J’étais moi-même peu enclin à adopter ce mode de travail mais je me suis rendu compte qu’il me permet d’avoir des temps focalisés sur l’avancement de projets et une productivité accrue.
Crédits photos : François Guénet / Inserm