Répondre aux épidémies infectieuses dans le monde

Chikungunya, Ebola, mpox, H5N1, Covid-19… De multiples agents pathogènes ont déclenché, déclenchent ou déclencheront des épidémies. La réponse de l’Inserm à ces crises s’appuie sur son agence interne dédiée, l’ANRS Maladies infectieuses émergentes (MIE), qui coordonne la recherche pour prévenir, détecter et contrôler des maladies infectieuses émergentes et ré-émergentes, sur notre territoire et dans le monde.

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Une des principales leçons tirées de la pandémie de Covid-19 est qu’il faut anticiper de manière proactive les crises sanitaires liées aux maladies infectieuses. À travers son agence dédiée, l’ANRS Maladies infectieuses émergentes (MIE), l’Inserm anime, coordonne et finance la recherche en matière de lutte contre ces pathologies, émergentes et ré-émergentes.

« L’agence finance la recherche, fondamentale, clinique et en santé publique, soit tout le continuum, et la coordonne pour éviter les redondances. Elle s’ouvre de plus en plus à l’approche “Une seule santé”, qui intègre tous les aspects de la santé humaine, animale et environnementale, ainsi qu’à la santé mondiale », présente son directeur Inserm, Yazdan Yazdanpanah.

Surveiller les épidémies

L’un des rôles de l’ANRS MIE est de se préparer aux crises sanitaires liées à des maladies infectieuses et, pour ce faire, de réaliser le suivi des épidémies qui se déclarent en France et dans le monde. C’est tout l’objet du dispositif Émergence. « Né de la crise liée à la Covid-19, il vise à financer et à coordonner la recherche sur des agents pathogènes émergents », commence Armelle Pasquet-Cadre, responsable Inserm du pôle Réponse aux épidémies, au département Stratégie et partenariats de l’ANRS MIE. « Nous sommes au service de la santé publique et pouvons alerter les décideurs politiques ou organiser la réponse en matière de recherche à une crise épidémique. » Le dispositif Émergence a en effet pour vocation de faciliter des études inédites sur des agents pathogènes à l’origine d’une flambée épidémique, en France ou ailleurs.

En 2024, trois cellules étaient ouvertes pour les virus du H5N1, ou « grippe aviaire », de l’arbovirose Oropouche et du mpox, qui sévit en Afrique centrale, notamment en République démocratique du Congo. Leur ouverture répond à un arbre décisionnel. S’agit-il d’un événement inhabituel en matière de volume, de clinique, de lieu ? Y a‑t-il un manque de connaissance sur le pathogène ou au contraire des contre-mesures efficaces et disponibles ? Quels sont les impacts de la maladie sur le plan clinique (gravité, séquelles…) et sociétal (déséquilibre d’un système de soin, stigmatisation d’une population…) ? « Pour mpox en Afrique subsaharienne par exemple, la contamination précédemment décrite se faisait par contact de l’animal à l’humain et donc se limitait aux zones de contacts avec la faune sauvage. Mais le mode de transmission est devenu sexuel, ce qui entraîne une diffusion beaucoup plus importante et a étendu l’épidémie à plusieurs pays », indique la responsable.

Cet arbre décisionnel détermine aussi le degré d’urgence, de 0 à 3, allant de la simple veille à l’animation scientifique, puis au lancement de projets de recherche. « Le niveau 1 a par exemple permis de réaliser rapidement des prélèvements en faune sauvage afin d’évaluer le réservoir animal du virus Marburg dans le Sud », note Armelle Pasquet-Cadre.

Et d’ajouter : « Le niveau 2, activé notamment pour l’épidémie de mpox multi-pays, nécessite, lui, de passer par des appels à projets, avec des financements de plus grande ampleur. »

Quant au niveau 3, il n’a été attribué à ce jour qu’à l’épidémie de Covid-19, dans le dispositif antérieur à Émergence.

Tout le champ des recherches couvert

La surveillance des épidémies passe évidemment par l’amélioration des connaissances des maladies infectieuses, ce qui mobilise de nombreuses équipes Inserm. Les projets de recherche dans ce domaine sont soutenus financièrement par l’ANRS MIE, via des appels à projets. En 2024, il y en a eu plusieurs, dont un sur les pathologies historiquement traitées par l’agence : VIH/sida, infections sexuellement transmissibles, hépatites virales et tuberculose.

« Sur ce dernier thème, l’appel a particulièrement bien fonctionné avec plus de 180 projets soumis », commente Yazdan Yazdanpanah. Dans le cadre du programme et équipement prioritaire de recherche (PEPR) Maladies infectieuses émergentes, un appel doté de 13 millions d’euros visait des projets d’envergure, interdisciplinaires et multipartenaires. Il se concentrait sur trois groupes de pathologies prioritaires :

  • les arboviroses, dues à des virus transmis par des moustiques, moucherons ou tiques (chikungunya, dengue…)
  • les fièvres hémorragiques virales (Ebola, fièvre de Lassa, fièvre de Marburg…)
  • les viroses respiratoires (grippes, pneumopathies).

Un troisième appel à projets, Fellowship programme 2024, était dédié aux jeunes doctorants, avec des bourses notamment fléchées sur la modélisation des maladies infectieuses et les arboviroses. Le dernier appel de l’année 2024, ReCH-MIE, concernait des projets de recherche clinique hospitaliers. Et le directeur de l’agence de compléter : « Nous avons également lancé un appel à projets commun sur la thématique de la tuberculose avec le South African Medical Research Council, une première avec un pays partenaire africain. »

Un soutien national

L’ANRS MIE monte d’ailleurs en puissance sur des missions stratégiques à l’international. Partenaire privilégié de l’Organisation mondiale de la santé en matière de VIH, d’hépatite et d’infections sexuellement transmissibles dans les pays à revenu faible et intermédiaire depuis 2022, l’agence a travaillé à devenir un de ses centres collaborateurs, sur les filovirus (Ebola, Marburg…), en 2024. L’agence dédiée de l’Inserm est également impliquée dans la stratégie nationale d’accélération Maladies infectieuses émergentes de France 2030, pour laquelle elle pilote le PEPR Maladies infectieuses émergentes, un des premiers volets de la stratégie.

Avec une enveloppe initiale de 700 millions d’euros sur cinq ans, cette stratégie annoncée en 2021 vise à renforcer les capacités de la France à anticiper, à prévenir et à répondre efficacement aux crises sanitaires futures en s’appuyant sur l’innovation, la coordination interdisciplinaire et la résilience des infrastructures nationales. « Une stratégie qui entend assurer le continuum de la recherche à l’industrialisation jusqu’à l’accès du patient à des contre-mesures médicales », précise sa coordinatrice Anne Jouvenceau.

La journée dédiée organisée en septembre 2024 à Montpellier « a mis en lumière les acteurs du monde de la recherche et les avancées d’ores et déjà réalisées ». L’événement a ainsi évoqué les plateformes de démonstration et de validation de contre-mesures. Parmi les quatre retenues :

  • Emergen 2.0 assure la surveillance génomique et la recherche autour du coronavirus SARS-CoV‑2, étendue à d’autres pathogènes émergents
  • OPEN-ReMIE prépare et organise la recherche clinique interventionnelle dans les hôpitaux
  • I‑Reivac Émergence conduit des essais vaccinaux

Trois projets que l’ANRS MIE et l’Inserm coordonnent, financés à hauteur de 44 millions d’euros au total. Il a aussi été question durant cette journée de la formation. « On parle beaucoup d’innovation et de recherche mais sans les compétences, il n’y a pas d’innovation durable », rappelle Anne Jouvenceau. Grâce à l’appel à manifestations d’intérêt Compétences et métiers d’avenir, l’État soutient divers projets. Trois écoles universitaires de recherche ont donc été créées avec des thématiques sur les maladies infectieuses émergentes et « Une seule santé », pour un budget total de 17 millions d’euros. L’Inserm est partenaire de deux d’entre elles :

  • la formation EID@Lyon, qui fêtait en juin 2024 sa première promotion de diplômés « Agir et innover contre les maladies infectieuses émergentes »
  • l’University of Toulouse Graduate School of Emerging Infectious Diseases

Ces structures formeront de futurs spécialistes des maladies infectieuses émergentes, spécialistes qui viendront peut-être renforcer les capacités de l’Inserm à œuvrer contre les futures épidémies.


Un article issu du rapport d’activité 2024 de l’Inserm.