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Portrait d'Alexandre Loupy

Portrait d’Inserm : Alexandre Loupy

Faisons connaissance avec Alexandre Loupy, professeur de néphrologie et d’épidémiologie à l’hôpital Necker-Enfants malades et directeur de l’équipe Recherche en transplantation d’organes au Centre de recherche cardiovasculaire de Paris (Parcc).

National
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Enfant, rêviez-vous d’être médecin ?

Alexandre Loupy : Je suis originaire de l’île de la Réunion. Le fait de passer beaucoup de temps dans la pharmacie de ma mère a peut-être suscité mon attrait pour la médecine. Dès l’âge de douze ans, j’ai décidé de devenir médecin. Paradoxalement, c’est aussi à ce moment-là que j’ai arrêté de travailler à l’école ! La frénésie de travail arriverait bien assez vite avec le cursus de médecine. À 18 ans, j’ai rejoint la faculté de médecine de Bordeaux. Mon souhait le plus cher était de terminer mon cursus et de rejoindre mon île natale pour y exercer. C’est une époque où je m’intéressais exclusivement aux cours de médecine dispensés à la faculté, sans entrevoir les possibilités et la puissance de la recherche scientifique à laquelle je n’avais pas été initié. 

Aujourd’hui, je reste très attaché à la Réunion mais je suis heureux à Paris. J’ai beaucoup de sollicitations pour aller travailler à l’étranger, surtout aux États Unis, mais je les refuse car je crois en la capacité de la France à développer des projets ambitieux et innovants et à produire une recherche compétitive.

Pourquoi avoir choisi la néphrologie ?

A. L. : J’ai décidé de suivre un internat diversifié afin de devenir interniste et réanimateur. J’ai eu la chance de travailler dans des services parisiens d’excellence et je me suis rendu compte que la néphrologie était une approche intéressante de la médecine interne. J’ai été particulièrement sensible à l’aspect intellectuel de cette discipline et à ses multiples composantes qui la placent au carrefour de nombreuses spécialités médicales. 

À quel moment avez-vous eu le déclic de la recherche ?

A. L. : À la fin de mon cursus de néphrologie, j’ai passé un semestre d’interne dans le service de Christophe Legendre à hôpital Necker, puis j’ai effectué un master 2 de recherche en biologie cellulaire sous la direction de Pascal Houillier. Cette époque a été un tournant dans ma carrière. Grâce à la transplantation et à des cohortes de patients extrêmement bien caractérisées, j’ai entrevu la possibilité de faire une recherche intégrative chez l’humain. Enfin, ma rencontre avec Xavier Jouven, à l’Hôpital européen Georges-Pompidou, a été déterminante pour ancrer mon parcours dans la méthodologie et la statistique. 

Portrait d'Alexandre Loupy
Le bureau de l’équipe Paris Transplant Group © Inserm / François Guenet

En 2017, j’ai été lauréat du programme Atip-Avenir, ce qui m’a permis de constituer mon équipe et de développer ma thématique au sein du Centre de recherche cardiovasculaire, renforçant ainsi mon sentiment d’appartenance envers l’Inserm. Ainsi, en 2017, est née l’équipe Paris Transplant Group. Nous développons une approche populationnelle et de la transplantation d’organes (rein, cœur, poumons, foie) à l’aide d’outils méthodologiques qui font appel aux techniques statistiques classiques et à l’intelligence artificielle. Cette approche nous a permis d’obtenir des résultats dans la caractérisation du rejet d’organe et l’optimisation d’attribution des greffons.

Quelle est votre vision de la recherche ?

Portrait d'Alexandre Loupy
« Grandir sur une île cosmopolite m’a permis de développer une recherche collaborative axée sur la diversité.»
© Inserm / François Guenet

A. L. : J’ai soutenu deux thèses : l’une en biologie cellulaire, l’autre en épidémiologie et en biostatistiques. Je me suis rendu compte qu’il existait des oppositions conceptuelles entre la science fondamentale et la science des populations, qui vont parfois à l’affrontement ouvert. Ma double casquette m’a permis de me rendre compte que la « vérité » se trouve certainement au milieu. Au lieu de les opposer, je tente de réunir ces approches dans mes projets, dans une vision intégrée et multidimensionnelle, en mettant l’accent sur de grandes collaborations internationales.

Je crois aussi que ma vie réunionnaise a influencé ma méthode de recherche actuelle. Grandir sur une île cosmopolite, avec un grand mélange de cultures, m’a permis de développer une recherche collaborative axée sur la diversité. C’est une force majeure et une grande source d’inspiration, qui permet à l’équipe de progresser, de se dépasser et d’innover.

Une journée type d’Alexandre Loupy ?

A. L. : Je suis toujours heureux de retrouver les membres de mon équipe, et reconnaissant d’exercer le plus beau métier du monde. Grâce aux financements Recherche hospitalo-universitaires et H2020, je consacre une plus grande partie de mon temps à la recherche pour atteindre mes objectifs. Hors crise sanitaire, et du fait de la nature collaborative de ma rec​herche, ma journée type se déroule bien souvent dans des aéroports !

Vous dites aujourd’hui « faire de la médecine différemment », qu’entendez-vous par là ?

A. L. : Au lieu d’assurer des consultations médicales classiques, je développe des outils qui permettent d’optimiser la décision médicale et d’améliorer la prise en charge des patients. Récemment, nous avons développé le système iBox, le premier algorithme universel de prédiction du risque de perte du rein greffé et de réponse au traitement immunosuppresseur. Cet outil permet d’améliorer non seulement le suivi des patients, mais aussi d’optimiser le développement de nouvelles thérapies en réduisant significativement la durée des essais cliniques.

Je dirais qu’une transition s’opère dans la pratique classique de la médecine. À présent, des « médecins hybrides », formés à la médecine clinique et à l’intelligence artificielle, élaborent des algorithmes destinés au soin et au bien-être des patients. C’est l’approche de « clinicien augmenté par la machine » que nous avons l’ambition de faire qualifier par les agences, et que nous voulons disséminer dans le soin. C’est gratifiant de constater que l’Inserm croit dans cette démarche et la soutient.

Y a‑t-il un objet qui vous accompagne au quotidien ?

Portrait d'Alexandre Loupy
La boîte à smartphones
© Inserm / François Guenet

A. L. : Une multitude d’objets plutôt qu’un en particulier ! Sur mon bureau, il y a plein de souvenirs qui me rappellent les voyages et les rencontres que j’ai faits grâce à la recherche et à la médecine. D’autres, comme mes diplômes, m’évoquent le prestige du milieu académique… mais aussi la compétition infernale nécessaire pour se maintenir au plus haut niveau !

Pour l’anecdote, j’ai aussi construit une boîte à smartphones. Avant chaque réunion, chacun y dépose son portable. Je suis contre l’usage des téléphones en réunion : ce sont de véritables objets de déconcentration qui rendent le travail collectif moins efficace quand chacun est ailleurs ou consulte ses notifications !

Vous avez récemment été récompensé par le prestigieux prix Terasaki. Qu’avez-vous ressenti ?

« Recevoir le Prix Terasaki est aussi un pied de nez aux sceptiques, qui doutent des approches multidimensionnelles. »
© Inserm / François Guenet

A. L. : L’histoire de ce prix est intéressante. Paul Terasaki est un éminent scientifique d’origine japonaise qui est venu à Paris faire un post-doctorat dans le laboratoire de Jean Dausset, pionnier de la recherche française en immunohématologie et Prix Nobel de médecine. Terasaki s’est ensuite lancé dans le développement de tests de typage tissulaire pour les donneurs et les receveurs de transplantation d’organes. Le test a été adopté comme norme internationale pour le typage des comptabilités d’organes. Aujourd’hui, beaucoup de personnes ont bénéficié d’une transplantation grâce à cette technologie. Ironie du sort, Paul Terasaki est décédé en 2016 d’une insuffisance rénale, sans avoir pu bénéficier d’une transplantation, lui qui avait consacré sa vie à cette discipline.

Le prix Terasaki de la société américaine d’histocompatibilité et d’immunogénétique n’est pas un prix pour lequel on fait acte de candidature. Nous sommes choisis par nos pairs. Je ne m’y attendais pas, et ça a été un honneur et une grande fierté de le recevoir. Avec mes équipes, nous avons été récompensés pour nos travaux transdisciplinaires qui ont permis de mieux caractériser le rejet de greffe, et de faire évoluer sa classification internationale. C’est aussi un pied de nez aux sceptiques, qui doutent des approches multidimensionnelles. Ils affirment que nous avons une vision panoramique, mais qu’au fond nous ne sommes experts en rien. 

Votre domaine de recherche s’est-il adapté à la crise du Covid-19 ?

A. L. : Je pilote actuellement une étude menée dans 22 pays et dédiée aux conséquences de la pandémie de Covid-19 sur la transplantation d’organes. Nous avons constaté une quasi-interruption des programmes de greffe lors de l’arrivée de la crise en France. Certains pays n’ont pas eu la même approche. Ce sont ces disparités et leurs conséquences que no​us souhaitons mesurer. Cette étude permettra de comparer les différentes méthodes de gestion du prélèvement d’organe et des transplantations en temps de crise. Grâce à ces données qualifiées, nous réalisons des modèles mathématiques pour optimiser les décisions de santé publique. 

Que diriez-vous à un étudiant qui souhaite s’engager dans la même voie que vous ?

A. L. : Il ne faut pas faire de la recherche pour cocher une case dans son parcours médical en y voyant uniquement un passage obligé pour accéder à un poste hospitalo-universitaire. En tant que directeur d’équipe, je suis très vigilant sur les motivations intrinsèques des candidats. Pour devenir un médecin-chercheur, il faut réellement apprendre deux métiers, avoir la passion pour moteur, la fibre de la précision et une forte dose d’engagement et de persévérance. Parfois les étudiants ont une quête d’immédiateté dans l’obtention de résultats, ils apprennent très vite que ce n’est pas le cas ! Cela en décourage certains et au contraire renforce d’autres candidats.

Enfin, j’essaie d’impulser une dynamique collective positive dans mon équipe. Nous avons réussi à créer dans l’unité, au fil des années, une ambiance de start-up avec un management horizontal, et une certaine dose de verticalité toujours nécessaire. Je crois que cette approche représente un vecteur d’innovation et de développement des talents personnels. En tant que chef d’équipe, je suis fier de pouvoir contribuer à l’éclosion de nouveaux talents.

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