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« L’Inserm, c’est un label de qualité, un label auquel je crois »

Interview de Didier Samuel, président-directeur général de l’Inserm.

National
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Comment vous êtes-vous orienté vers la médecine ?

Didier Samuel : J’ai pensé à être médecin dès l’adolescence. Pendant un moment, j’ai même été tenté par vétérinaire mais j’ai fait un stage qui ne m’a pas vraiment plu. Je n’aurais pas fait médecine, j’aurais été malheureux ! Je comprends pleinement, en tant que doyen encore récemment, la vocation des étudiants en médecine et aussi la déception de ceux qui n’arrivent pas à intégrer ce cursus.

Pourquoi avez-vous choisi l’hépatologie ?

D. S. : J’ai découvert l’hépatologie alors que j’étais externe et ça m’a beaucoup intéressé. À l’époque, les traitements étaient rares et l’espérance de vie des patients courte. Une fois interne, j’ai fait un stage de réanimation dans l’équipe d’Henri Bismuth, chirurgien à l’hôpital Paul-Brousse à Villejuif. C’est là que j’ai rencontré la greffe hépatique : deux semaines après mon arrivée, il a fallu greffer un enfant avec un foie adulte dont le volume avait été chirurgicalement réduit. Ça a été une première mondiale. En tant qu’interne, je me suis occupé de ce jeune garçon avec mon chef en réa. L’opération a été une réelle innovation et un succès puisque, 41 ans plus tard, le patient est toujours en vie et je l’ai suivi jusqu’à présent.

Ensuite, pendant deux ans, j’ai fait la navette entre ce service et celui de Jean-Pierre Benhamou, hépatologue intéressé par la physiopathologie des maladies du foie et à la tête d’une unité Inserm, à l’hôpital Beaujon à Clichy. Puis, je suis devenu chef de clinique chez Henri Bismuth. J’ai ensuite pris un poste de praticien hospitalier, et petit à petit, j’ai créé un service d’hépatologie complet. Au départ, j’étais seul puis l’équipe a grossi et maintenant le service dispose de plus de 50 lits d’hépatologie et de 15 lits de réanimation.

Comment vous êtes-vous orienté vers la recherche ?

D. S. : Le tournant dans ma carrière, et c’est ce que m’a appris Jean-Pierre Benhamou, c’est ma volonté de mieux comprendre les maladies : pourquoi elles arrivent, comment faire pour les éviter et comment mieux soigner les patients. C’est pour comprendre que j’ai voulu adosser la médecine, que je pratiquais, à de la recherche.

Avec Henri Bismuth et Jean-Pierre Benhamou, j’ai créé le premier programme de transplantation pour hépatite fulminante dès 1986 : la transplantation d’urgence.

J’ai aussi beaucoup travaillé sur les nouvelles indications de la greffe. Nous avons repoussé la limite d’âge pour les receveurs, ouvert la transplantation aux cirrhoses d’origine virale, à l’hépatite C, à l’hépatite B et aux cirrhoses alcooliques. J’ai aussi travaillé sur le rejet de greffe, ses mécanismes, sa compréhension et ses traitements.

Une découverte majeure de ma carrière de chercheur a porté sur la récidive des virus des hépatites sur les greffons. À l’époque, j’ai travaillé avec Christian Bréchot, qui était un des premiers dans le monde à faire de la virologie moléculaire sur les hépatites, à l’institut Pasteur à Paris. Avec son chef de laboratoire, Pierre Tiollais, ils faisaient de la détection de l’ADN dû aux hépatites B. Nous avons cherché à comprendre pourquoi le virus revenait. Nous avons ainsi développé un protocole concernant la récidive qui a été une percée thérapeutique : la survie des personnes greffées à trois ans est passée de 50 % à 80 %. Ça a également été le sujet de ma thèse de doctorat d’université en immunologie, car il n’y avait pas de d’école doctorale en virologie à l’époque.

J’ai ensuite voulu structurer cette recherche dans le cadre d’un laboratoire. Au début, j’ai dirigé ce qu’on appelait une « équipe d’accueil universitaire ». Puis j’ai créé, avec Christian Bréchot, une unité Inserm en 2005, l’unité 785, unité mono-équipe dont j’ai pris la direction. On a étendu le champ de notre recherche puis cette équipe Inserm s’est développée. Elle a été recréée en 2015 sous le nom de Physiopathogénèse et maladies du foie (unité 1193). Cette unité Inserm/Paris-Saclay compte aujourd’hui 5 équipes dont une équipe de recherche clinique et translationnelle, que je dirigeais encore avant de prendre mon poste de PDG de l’Inserm.

Quel a été votre souvenir professionnel le plus marquant ?

D. S. : Le souvenir le plus fort a été la première jeune patiente atteinte d’une hépatite fulminante qu’on a transplantée. C’était une enfant de 11 ans. Elle était au Cameroun avec ses parents, qui travaillaient là-bas. Elle a fait une hépatite et elle a été rapatriée à Strasbourg où ses parents habitaient. De Strasbourg, elle a été transférée à Beaujon, où je suis allé la voir. J’ai convaincu Henri Bismuth qu’il fallait la greffer et elle a été transférée à Paul-Brousse. Quand on l’a transplantée, elle était dans le coma, en train de convulser. Deux jours après, elle était en fauteuil.

© François Guenet/Inserm

Pourquoi vous être porté candidat à la présidence de l’Inserm ?

D. S. : Parallèlement à mes activités de médecin-chercheur, j’ai participé à beaucoup de sociétés savantes nationales et internationales. J’ai en particulier pris la direction du Journal of hepatology pendant 5 ans. Il est alors passé au premier rang mondial dans la spécialité.

J’ai aussi toujours participé à la vie universitaire de la faculté, et j’ai été élu doyen de la faculté Paris-Sud, en 2017. J’ai pris part à la transformation de l’université Paris-Saclay.

Il y a un an, j’ai été élu à la tête de la Conférence des doyens de médecine. Comme j’avais une valence recherche forte parmi les doyens, on m’a demandé de prendre en charge la présidence du Comité national de coordination de la recherche (CNCR), qui vise à appuyer la recherche hospitalière.

Toutes ces fonctions m’ont fortement sensibilisé aux problématiques de la recherche nationale. C’est ce qui m’a amené à candidater à la présidence de l’Inserm.

Quelles sont vos ambitions pour l’Inserm ?

D. S. : L’Inserm, c’est un label de qualité pour les unités de recherche, un label auquel je crois. Je veux que cette image de qualité reste et se renforce. L’Institut doit être pleinement reconnu comme le pilote de la recherche biomédicale en France. Les autorités, le monde scientifique mais aussi le grand public doivent percevoir la force et la valeur de l’Inserm.

Beaucoup d’efforts ont été faits ces dernières années pour renforcer cette image auprès du public et je pense qu’ils doivent être poursuivis, d’autant plus que le public, les journalistes, les décideurs, après trois ans de pandémie Covid, s’intéressent plus fortement à la santé.

Adosser la médecine à la recherche est un axe que je veux développer en tant que président de l’Inserm. J’en suis convaincu, on ne fait pas de médecine de qualité sans recherche médicale de haut niveau. Mais pour autant, ce n’est pas parce qu’on met une unité de recherche dans un hôpital, même très proche des cliniciens, que les cliniciens vont forcément faire de la recherche ou que les chercheurs vont aller vers les cliniciens. Les deux mondes ne se rencontrent pas de façon naturelle. Il y a encore besoin d’être proactif.

Par ailleurs, on voit maintenant des chercheurs du monde non médical, des mathématiciens, des ingénieurs qui commencent à essayer de répondre à des questions médicales. C’est une nouveauté : la recherche est beaucoup plus interdisciplinaire et c’est aussi une orientation essentielle à mes yeux.

Que faites-vous pour vous ressourcer ?

D. S. : Je m’intéresse à beaucoup de choses. Quand j’étais jeune, j’ai fait du rugby universitaire. J’ai dû arrêter car ce n’était plus compatible avec ma vie professionnelle… Mais j’ai toujours fait du jogging, j’ai aussi beaucoup joué au tennis. Je n’étais pas très bon mais j’adorais ça ! Maintenant, je fais un peu moins de sport, mais j’aime toujours aller voir des matchs.

J’aime aussi beaucoup notre vie politique, les informations générales. Je lis plusieurs journaux par jour : L’Équipe , Le Monde, Libération, Le Figaro… Mais aussi tous les magazines : ça va de Paris Match au Point en passant par L’Obs et Challenge.

Je lis aussi beaucoup de romans policiers. Par exemple, j’aime Henning Mankell, le suédois, et j’adore Arnaldur Indriðason, il écrit très bien. J’essaie de lire au moins un livre par mois quand je suis hors vacances et, quand je suis en vacances, j’en lis sept, huit.