Âgée de 122 ans lors de sa disparition en 1997, Jeanne Calment détient toujours le record de longévité. Au cours de ses dernières années, le démographe Jean-Marie Robine – Cermes3 et U1198 – et le gérontologue Michel Allard – fondation Ipsen – ont suivi la doyenne de l’humanité dans le cadre d’une enquête intitulée « À la recherche du secret des centenaires » conduite tout au long des années 1990.
Une étude pionnière
Pour mener leur étude, les chercheurs ont inauguré un protocole posant comme préalable la vérification des âges. Leur enquête sur l’état de santé et la qualité de vie de personnes très âgées a introduit les questionnements et les méthodes les plus modernes de l’épidémiologie dans l’étude du grand âge. 1300 médecins aidés par des enquêteurs thérapeutiques ont ainsi suivi quelques 900 centenaires à toutes les étapes de l’enquête :
- les sujets fournissaient un extrait de naissance afin de vérifier leur âge ;
- ils remplissaient un cahier de santé ;
- avec l’accord des sujets, les médecins pratiquaient des examens de santé, comme des prises de sang ;
- les médecins et les enquêteurs rencontraient les centenaires tous les six mois et consignaient dans un cahier les observations sur leur état de santé.
Le cas Jeanne Calment
Dans le cadre de cette enquête, Karen Ritchie – neuropsychologue (Inserm U1061) – a suivi de près Jeanne Calment en mettant en place des tests adaptés à son âge.
Lors de 30 interviews de 30 minutes, la centenaire a répondu aux questions et évoqué des souvenirs. Ainsi les chercheurs ont-ils pu tester son cerveau et prouver son âge supposé. Ils ont également démontré qu’à 118 ans, elle avait l’activité cognitive d’une personne de 80.
La multiplication des tests a par ailleurs permis à Jeanne Calment de réapprendre des choses oubliées et regagner des capacités cognitives. Une partie de l’étude portant sur ses antécédents – quelques 62 ancêtres directs sur cinq générations – a aussi établi la longévité remarquable des membres de cette famille.
Des données sous-exploitées
Malheureusement cette étude pionnière a été peu exploitée. De nombreux colloques ont porté sur la démarche mais pas sur les résultats de cette enquête. Les travaux d’Allard et Robine ont servi de matériau à un ouvrage publié en 2000 (1) mais n’ont pas fait l’objet de publications scientifiques et les données de l’étude n’ont pas été analysées de manière approfondie.
Grâce au dépôt des archives – dossiers Inserm, enregistrements, originaux ou copies permettant de valider les âges des sujets, etc… – il sera désormais possible de numériser ces documents en vue d’un traitement moderne des données. Ainsi rendues accessible par le travail des archivistes ces informations pourront être facilement consultées.
Les archives de l’Inserm
La conservation des documents de l’enquête sur les centenaires des années 1990 illustre de manière emblématique la mission de valorisation du patrimoine historique et scientifique menée par le service des archives de l’Inserm.
Ce service met également des moyens documentaires et humains ainsi que des outils à la disposition des laboratoires et des services administratifs pour traiter tous les types de documents constituant des archives publiques conservées pour des raisons à la fois juridiques et patrimoniales.
(1) Michel Allard, Jean-Marie Robine. Les centenaires français. Étude de la fondation Ipsen. 1990 – 2000. Rapport final. Serdis éditions, Ipsen. 2000
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