Depuis deux ans, le département Système d’information (SI) a engagé une véritable transformation, pouvez-vous en dessiner les grandes lignes ?
Sammy Sahnoune : En 2019 nous avons réorganisé le département dont les missions et le fonctionnement étaient devenus obsolètes. Nous avons simplifié son organisation, pour la rapprocher des métiers de l’Inserm en créant cinq domaines : investigation clinique, informatique scientifique, support, management de la donnée et outil collaboratif, et en redéfinissant les missions des informaticiens en région pour gagner en réactivité.
En complément, nous avons déployé un centre de services d’une vingtaine de personnes. Cette équipe propose une assistance de proximité dans toutes les délégations, et son rayon d’action sera bientôt étendu aux laboratoires.
Dès novembre, un portail qui offre une large gamme de services numériques sera ouvert à tous les agents de l’Inserm. Ce « guichet unique » permettra notamment de déposer et de suivre ses demandes, de bénéficier d’une assistance par une prise en main à distance, de mettre à jour ses logiciels, de solliciter les services du SI.
Priorité à l’harmonisation des réseaux, à la mise en place d’un annuaire unique et au cloud
Pour assurer la transition vers un système d’information plus moderne et plus fiable, nous avons donné la priorité à l’harmonisation des réseaux, à la mise en place d’un annuaire unique, à la virtualisation et à l’augmentation de la capacité de stockage dans le cloud. Reconstruire nos infrastructures est une stratégie à deux niveaux, car leurs fondations sont un socle minimal pour répondre rapidement aux besoins des utilisateurs et offrir des services à nos laboratoires.
Reconstruire les infrastructures : concrètement, qu’est-ce que ça implique ?
Sammy Sahnoune : À l’Inserm, nous n’avons pas un réseau mais des réseaux. Ils sont constitués d’équipements hétérogènes et en partie obsolescents, aux paramétrages très divers. Nous réorganisons cette architecture dans sa globalité, pour mieux la maîtriser, la sécuriser et la simplifier. Tout d’abord au niveau national, puis dans nos délégations, avant de l’étendre aux laboratoires.
Nous consolidons l’hébergement, assainissons les réseaux et centralisons les services
Nous devons aussi retrouver la maîtrise de nos data centers nationaux, à Villejuif et au Centre informatique national de l’enseignement supérieur (Cines) à Montpellier. Nous pourrons ainsi assainir des infrastructures devenues ingérables, mais surtout garantir la qualité et la continuité de services, gagner en performance et proposer de nouveaux services notamment aux laboratoires.
Nous disposons maintenant d’une solution commune à tous les sites de l’Inserm pour sécuriser notre réseau. Elle sera complètement déployée d’ici fin 2021 : pare-feu, VPN, filtrage des URL, antivirus, anti-malware… Les plateformes VPN sont, elles, déjà opérationnelles depuis le confinement.
En outre, nous sommes en train d’acquérir de gros volumes de stockage et une plateforme de virtualisation destinés à l’ensemble de l’Inserm, notamment aux chercheurs. Dès à présent, nous finalisons le service Ibox (Nextcloud) qui offrira, à la mi-2021, jusqu’à 100 Go de stockage à huit mille ingénieurs et chercheurs.
Nous allons profiter de l’initiative de labellisation des data centers en régions, lancée par le ministère de la Recherche. Une fois ces centres régionaux identifiés, nous passerons des conventions nationales sur une base commune. Les laboratoires seront invités à y transférer leurs serveurs, tout en en gardant la gestion. Puis, à terme, nous envisagerons leur infogestion. Cela permettra de supprimer de nombreuses petites salles informatiques dont la gestion est chronophage.
Fusionner les treize annuaires de l’Inserm
Par ailleurs, l’Inserm dispose de treize annuaires gérés de treize manières différentes. Nous souhaitons créer un seul annuaire en reprenant dans un premier temps les annuaires d’Île-de-France et du siège à partir de novembre 2020, puis ceux des régions courant 2021. L’objectif est de permettre à chaque agent d’accéder à tous les services du SI de l’Inserm avec son identifiant de l’annuaire.
Où en est le projet de dématérialisation à l’Inserm ?
Sammy Sahnoune : Plusieurs outils sont en cours de déploiement pour numériser l’ensemble des processus de gestion. Nous avons mis en place un outil de gestion électronique de documents (GED) pour le domaine financier. Début 2021, l’ensemble des structures Inserm pourront utiliser cette GED pour leur propre usage. Le siège et les délégations utilisent aussi le e‑parapheur, et le e‑courrier sera progressivement développé. Et pour proposer à nos laboratoires des outils uniques de gestion (Sifac et Geslab) à l’horizon 2023 – 2025, nous construisons un partenariat avec l’Agence de mutualisation des universités et établissements (Amue).
En parallèle, les équipes SI développent la plateforme InsermLab qui, dès 2021, remplacera et étendra les fonctionnalités de la BIR (le répertoire des structures, des équipes et des personnels de l’Institut). InsermLab offrira un référentiel unique ainsi qu’une cartographie des structures de recherche et des personnels associés. Une autre plateforme à l’échelle de tout l’Inserm, Moyen d’aide au pilotage (MAP), sera livrée fin 2022 pour favoriser un pilotage transversal.
Quels services sont spécifiquement dédiés à la recherche ?
Sammy Sahnoune : Notre plan d’orientation stratégique 2025, en droite ligne avec le plan national pour la science ouverte, apporte une attention toute particulière à l’ouverture des données. Avec l’évolution des techniques de recherche et de la puissance de traitement, ainsi qu’avec le faible coût de stockage, nos organisations croulent sous les données. Nous en produisons un volume énorme, aujourd’hui très peu partagé et dont une partie est peu exploitée. En conséquence, soit leur coût de gestion croît fortement, soit ces données ne sont plus gérées : leur pérennité est menacée, faisant peser un risque sur l’intégrité scientifique des publications qui en découlent. L’enjeu est de faire de cette profusion des données une opportunité en transformant nos pratiques : structurer les données et les partager pour mieux exploiter notre patrimoine informationnel. De la même façon, une réflexion est à mener sur les traitements (langage de programmation et algorithme) : outils communs, partage, réutilisation, sécurité, pérennité…
L’Environnement numérique du chercheur (ENC) est au cœur du cycle de vie de la donnée
Pour répondre à cet enjeu, nous proposons aux chercheurs un écosystème complet d’outils et de services : l’Environnement numérique du chercheur (ENC). Grâce à ce dispositif, un chercheur pourra, dans le même environnement de travail, utiliser son cahier de laboratoire électronique, partager un jeu de données, demander un DOI, être assisté pour établir son plan de gestion de données (DMP), générer ses métadonnées et utiliser des outils de traitement. Le cahier de laboratoire électronique sera adapté à cet environnement : au plus près du cycle de vie des données, il en constituera le noyau.
Nous travaillons également à une infrastructure unique et de grande envergure pour nos cohortes. Certifiée « hébergeur données de santé » et conforme au référentiel de sécurité du Système national des données de santé (SNDS), elle sera proposée par le domaine investigation clinique du DSI dans le cadre du projet SI France Cohortes. Son infrastructure physique est en place au Cines et l’installation de tous les logiciels, actuellement en cours, se poursuivra jusqu’au premier trimestre 2021. Nous améliorons également l’efficacité des certificats de décès dématérialisés, et accompagnons les équipes de recherche pour le traitement de ces données.
Un mot de conclusion ?
Sammy Sahnoune :Tous ces chantiers sont significatifs d’un changement d’échelle du SI de l’Inserm qui nous engage dans une dynamique nouvelle au bénéfice de la recherche biomédicale.
Je tiens particulièrement à remercier les équipes qui ont travaillé pour engager l’Inserm sur cette nouvelle voie. Je leur suis très reconnaissant pour leur implication. Elles ont fait avancer ces chantiers, alors même qu’elles étaient mobilisés pendant le confinement, pour aider au bon fonctionnement du travail à distance. Elles ont notamment mis en place Teams, la nouvelle solution collaborative pour tout l’Inserm, en un temps record.