Enfant, rêviez-vous de faire de la recherche ?
Adrian Coutteau Robles : Mes parents, tous deux biologistes marins, ont sans doute suscité mon intérêt pour la recherche dès ma plus tendre enfance. Petit, je me souviens que ma mère me sensibilisait déjà à la biologie à l’aide de dessins. En grandissant, mon souhait de faire une thèse s’est concrétisé et je me suis orienté vers les neurosciences, un domaine que je trouve très intéressant et énigmatique.
Vous êtes né en Belgique, avez grandi en Espagne et vous faites désormais votre thèse en France. Comment êtes-vous arrivé à l’Inserm ?
A. C. R. : Je suis né à Gand, ville du nord-ouest de la Belgique. Alors que j’avais cinq ans, nous avons déménagé en Andalousie, plus précisément à Cadix. J’y ai effectué ma scolarité jusqu’au bac et j’ai ensuite intégré l’Université Pablo de Olavide à Séville pour y étudier les biotechnologies. En Espagne, la licence se déroule en quatre années, dont une que j’ai réalisée à Rennes dans le cadre du programme Erasmus, avant de revenir à Séville pour suivre un master en neurosciences et physiologie. C’est à ce moment-là, lors d’une conférence scientifique, que j’ai fait la connaissance de Xavier d’Anglemont de Tassigny, qui a fait son doctorat au centre de recherche Lille neuroscience et cognition. Cette rencontre fut déterminante car après avoir échangé avec lui, j’ai décidé de postuler pour faire une thèse dans ce même laboratoire avec la docteure Ariane Sharif dans un domaine qui me passionne : la neuroendocrinologie. Cela fait maintenant trois ans que je suis doctorant au sein de l’équipe Développement et plasticité du cerveau neuroendocrine.
Quel est votre projet de recherche actuel ?
A. C. R. : Notre laboratoire a pour objectif de décrypter le dialogue neuroendocrinien qui s’opère entre le cerveau et la périphérie. Dans le cadre de mon projet de thèse, j’ai caractérisé l’expression d’une voie de signalisation cellulaire (Hippo pathway). J’étudie son impact sur les propriétés de certaines cellules souches que l’on trouve notamment dans l’hypothalamus du cerveau adulte. Cette petite zone cérébrale est le chef d’orchestre de la reproduction, du sommeil, du métabolisme énergétique et d’autres fonctions vitales. Les cellules qui sont l’objet de toute mon attention sont les tanycytes, une sous-population de cellules épendymogliales constituant la porte d’entrée de certaines molécules du sang au cerveau.
Vos semaines se ressemblent-elles ?
Adrian Coutteau Robles : Il y a des semaines où mes tâches sont très variées : manipulations à la paillasse, suivi de formation, quantification au microscope de fluorescence… Puis d’autres où je me concentre sur une seule tâche, comme la préparation d’échantillons ou la découpe de cerveaux de rongeurs. Mes journées sont aussi différentes selon que je travaille avec les souris ou sur des cultures cellulaires. J‘ai apprécié transmettre ma passion de la science et de la recherche aux quelques étudiants que j’ai eu l’occasion d’encadrer et j’ai trouvé cela très gratifiant.
Le rythme d’une thèse est éprouvant et ne laisse pas beaucoup de temps aux loisirs. J’ai toujours beaucoup aimé faire du sport, en particulier du basket, que je pratique depuis mes 6 ans. J’aime aussi faire de la photographie, que ce soit des portraits ou des paysages mais surtout dans l’environnement urbain. Ma compagne m’a aussi fait découvrir le yoga et le Pilates, ces activités m’aident à décompresser après de longues journées de travail.
Vous travaillez dans un milieu multiculturel, cela vous plaît-il ?
A. C. R. : Mon éducation multiculturelle m’a permis de développer une affection particulière pour l’international. Au sein du centre dans lequel je travaille, je suis entouré de personnes venant du monde entier, de l’Italie à l’Algérie en passant par le Brésil ou le Chili. Travailler dans cet environnement me permet d’enrichir ma culture personnelle et de m’ouvrir à d’autres perspectives. De plus, cela me donne l’occasion d’apprendre de nouvelles langues comme l’italien et l’allemand. Mon expérience en France me fait découvrir un autre quotidien, d’ailleurs tout le monde me dit que je me suis bien acclimaté, car je râle beaucoup !
Vous avez beaucoup voyagé. Quelle est votre ville préférée ?
A. C. R. : Séville et Gand restent mes deux villes références dans le monde. Elles représentent mes origines et je m’y sens chez moi dans l’une comme dans l’autre. Ce sont de très belles villes, chacune a son style différent, elles sont très étudiantes, avec un côté artistique important tout autant qu’une grande culture scientifique. J’y ai vécu des expériences inoubliables et je crois que je ne pourrai jamais en préférer une à l’autre.
Comment envisagez-vous l’après-thèse ?
A. C. R. : J’ai une grande soif de découverte. Après ma thèse, j’aimerais poursuivre la recherche dans le secteur privé. J’ai hâte de découvrir un autre pays comme l’Allemagne ou la Suisse. Par ailleurs, je reste ouvert à un poste plus lointain, en Asie par exemple.
Selon vous, quelles sont les qualités pour se lancer dans la recherche ?
A. C. R. : Je dirais qu’il faut avant tout être passionné. Il faut être aussi patient et savoir gérer la frustration lorsqu’on n’obtient pas le résultat souhaité. J’ai fait du proverbe préféré de ma mère, La paciencia es la madre de la ciencia, « La patience est mère de la science », mon dicton au quotidien. J’ai beaucoup évolué lors de ces trois ans de doctorat, j’ai appris beaucoup de choses et peut-être l’une des plus importantes est de bien m’organiser pour optimiser mon temps. Le débat fait également partie de la recherche et de la science, je dirais donc qu’une autre qualité pour être chercheur est d’avoir l’esprit critique, envers les autres mais aussi envers soi-même.