Diplômée d’un brevet d’études professionnelles agricoles (BEPA) animalier de laboratoire, d’un brevet de technicien agricole (BTA) animalier de laboratoire Amandine Gautier intègre en 2016 l’Institut de biologie moléculaire et cellulaire (IBMC) de Strasbourg. Habituée à travailler sur les murins, elle se forme dès son arrivée sur les moustiques avec l’équipe de recherche, et plus particulièrement auprès de Julien Soichot, assistant ingénieur. Elle occupe désormais le poste de technicienne éleveuse d’insectes.
L’environnement de travail d’Amandine est l’insectarium de l’IBMC, un bâtiment de 1 250 m2 inauguré en 2018. Elle intervient plus spécifiquement dans la partie dédiée à l’élevage et à l’infection des moustiques. Les principaux pensionnaires du secteur d’Amandine ? Des moustiques du genre Anopheles, l’espèce capable de transmettre le paludisme. « L’insectarium héberge également des moustiques du genre Aedes, vecteurs des virus de la dengue, Zika et Chikungunya », précise l’éleveuse.
L’accès à la zone Moustiques de l’insectarium est très règlementé. Avant de pénétrer dans la nouvelle extension, inaugurée en 2018, Ludivine Ramolu, responsable de la plateforme, a fait visiter les locaux à Amandine et l’a sensibilisé sur les risques et les règles de prévention à respecter.
Pour accéder à cette dernière, Amandine badge puis entre dans un sas de sécurité froid, s’équipe de sabots ou surchaussures, puis d’une blouse et d’une charlotte. À la sortie du sas, un filet d’air froid est diffusé durant une minute pour endormir un potentiel moustique qui aurait réussi à arriver jusque-là. Amandine précise que les moustiques de la zone élevage ne peuvent pas l’infecter car ils sont exempts de pathogènes humains.
Avec son binôme Nathalie Schallon, Amandine a plusieurs missions. La principale est l’élevage et le maintien des lignées de moustiques qui permettront aux chercheurs de tester de nouveaux moyens de lutte contre le paludisme. « En fonction des besoins de l’équipe, constituée d’une vingtaine de personnes, j’adapte ma production. » Chaque bac contient en moyenne 150 larves qui évoluent dans de l’eau osmosée (grâce à un système ultra-performant de filtrage). Amandine les nourrit deux fois par jour.
Une fois les larves devenues nymphes, Amandine les récolte pour les placer dans des cages métalliques pourvues de filet type moustiquaire afin que les moustiques puissent émerger. Ceux-ci sont élevés dans des chambres climatiques maintenues à 27 °C avec une humidité de 70 % reproduisant les conditions naturelles des zones intertropicales où ils vivent habituellement.
Amandine nous précise que « seule la femelle pique les vertébrés car elle a besoin de sang pour produire ses œufs, qu’elle pondra ensuite à partir de 48 heures sur une surface d’eau. Le mâle, lui, se contente du nectar dans la nature. » Pour nourrir les moustiques, Amandine reproduit le nectar avec une solution d’eau additionnée de sucre en poudre et s’occupe des repas sanguins nécessaires à la production des œufs de la femelle moustique.
Pour mener à bien cette mission d’élevage, Amandine doit faire preuve de rigueur pour éviter les contaminations entre lignées qui peuvent fausser les expériences scientifiques. « Nous devons être irréprochables lors des manipulations. Les œufs étant très petits, les croisements entre lignées doivent être empêchés, pour cela il faut travailler une lignée à la fois, nettoyer son plan de travail à chaque changement de lignée et prendre son temps. Comme je travaille sur du vivant, je dois aussi faire preuve de flexibilité. Enfin, je dois avoir le sens de l’organisation car je dois m’adapter aux plannings des chercheurs et des post-doc qui me sollicitent » précise la technicienne.
En plus de sa mission d’éleveuse, Amandine Gautier accueille les nouveaux arrivants et leur fait visiter l’insectarium. Elle leur apprend l’évolution de l’œuf au moustique, la différence entre mâle et femelle, la vérification de la température et de l’humidité des box mais aussi les règles de sécurité et les bonnes pratiques. « Il est important que les nouveaux recrutés soient formés sur le fonctionnement de la partie élevage car des astreintes peuvent intervenir pour chaque membre de l’équipe », précise Amandine.
Profitant du réchauffement climatique, les moustiques sont de plus en plus nombreux à nous envahir l’été. Pour Amandine Gautier, le plus efficace reste de supprimer les points d’eau stagnantes dans les jardins, comme les coupelles de plantes, les pots de fleurs ou encore les piscines pour enfants car « sans eau, la femelle moustique ne peut pas pondre. »
À cette seconde mission, s’ajoutent l’entretien des locaux, les demandes d’achats et la gestion des stocks de l’insectarium. Une fois par an, Amandine réalise également l’inventaire des équipements du laboratoire auprès du responsable achats et immobilier de sa délégation régionale. Pour elle, « cet inventaire est nécessaire car les investissements pour l’achat de ces équipements sont importants. Ces biens sont destinés à être conservés de manière durable. L’inventaire est donc essentiel pour assurer la conservation, le suivi et le bon entretien de ces derniers. »
Épanouie dans ses fonctions, Amandine espère évoluer à l’Inserm dans les prochaines années en passant les concours internes pour devenir assistante ingénieure.
Equipe Réponses immunitaires chez les moustiques vecteurs
La directrice d’Amandine, Stéphanie Blandin, dirige l’équipe Réponses immunitaires chez les moustiques vecteurs. Grâce aux lignées élevées par Amandine, l’équipe étudie les capacités de neutralisation des pathogènes. La directrice de recherche explique : « Les moustiques ne sont pas de simples aiguilles qui transmettent les pathogènes, ils les combattent activement. Chez certains moustiques, le développement des pathogènes est même complètement bloqué tôt après leur infection, ce qui rend ces moustiques incapables de transmettre la maladie. Nous visons à comprendre les mécanismes moléculaires qui sous-tendent les interactions moustiques-pathogènes, et à identifier les bases génétiques de la sensibilité des moustiques. Nous développons également de nouveaux outils pour modifier génétiquement les moustiques – on parle de transgénèse – afin d’étudier ces interactions moustiques-parasites, mais aussi afin d’exploiter ces connaissances. » L’objectif à terme ? Envisager la production de moustiques incapables de transmettre la maladie aux humains.