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Portrait d’Inserm : Françoise Magnin, du clavier à la pipette

Après une première partie de carrière en tant qu’assistante gestionnaire, Françoise  Magnin a réalisé une reconversion professionnelle pour devenir technicienne de laboratoire au sein de l’unité Inserm Physiologie et physiopathologie endocriniennes, située sur le site de la faculté de médecine de l’université Paris-Saclay. Elle revient sur son parcours, et partage les sources de sa motivation au quotidien.

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Quel parcours vous a mené vers le poste de technicienne de recherche ?

Françoise Magnin : À l’origine, j’ai un baccalauréat de secrétariat médical, donc j’étais plutôt éloignée de mes fonctions actuelles ! J’ai rejoint l’Inserm dans une unité de santé publique/ épidémiologie, en tant qu’assistante gestionnaire. Je me suis véritablement rapprochée de la recherche expérimentale après une mobilité interne, au sein de l’unité Inserm Pathogènes et fonctions des cellules épithéliales polarisées, située à la faculté de pharmacie de Châtenay-Malabry. Le laboratoire a dû fermer après quelques années et, hasard de la vie, au même moment, j’étais arrivée à un point de ma carrière où je souhaitais prendre une nouvelle direction.

Dans ce laboratoire, j’avais pris l’habitude d’aller voir ce que faisaient les chercheurs ou les techniciens. Lorsque j’avais le temps et qu’ils avaient un peu de disponibilité, je leur posais des questions sur leurs activités. La fermeture du laboratoire a eu l’effet d’un déclic. Je me suis rendu compte que je ne pourrais pas suivre les chercheurs avec qui je travaillais, et à qui je m’étais attachée. C’est à ce moment que j’ai décidé de devenir technicienne de laboratoire. Je me suis dit : « J’ai cinquante ans, mais je vais tenter. » Mon projet a convaincu par sa cohérence, et j’ai fait le grand saut.

Comment s’est faite la transition, de votre poste de gestionnaire à celui de technicienne ?

F. M. : J’aieu la chance d’être vraiment soutenue en interne. L’Inserm a financé les formations dont j’avais besoin. Je n’ai pas été obligée de prendre un congé de formation comme c’est souvent le cas, et j’ai pu réaliser plusieurs stages d’une semaine ou de quelques jours sur mon temps de travail. Après, j’ai monté un projet professionnel accompagné (PPA). Cela m’a permis d’être à mi-temps pendant quelques mois en tant que secrétaire gestionnaire, et de démarrer l’activité de technicienne à l’hôpital Paul-Brousse à Villejuif. J’ai complété ma formation par six mois à temps plein, au sein de l’unité Signalisation hormonale, physiopathologie endocrinienne et métabolique.

Pourquoi avez-vous souhaité devenir technicienne de recherche ?

F. M. : Le métier de technicienne me passionne car il me donne l’impression de faire quelque chose de nouveau chaque jour, tout en étant plus connectée aux activités de recherche, que je trouve fascinantes. Certes, nous répétons des gestes que nous connaissons bien, mais chaque projet a ses spécificités : la pathologie étudiée, les cellules et les techniques que nous utilisons… Tous ces éléments demandent des adaptations permanentes qui dynamisent le quotidien. En outre, les projets sur lesquels je travaille visent généralement à comprendre des maladies dont souffrent des patients. Cela me motive encore davantage.

Quel accueil vous a‑t-on réservé lors des stages de formation ?

F. M. : Mon profil étonnait, mais plutôt de manière positive. Les techniciens ont l’habitude de former plutôt des étudiants, des jeunes. Donc avec mes cinquante ans, j’imagine que je faisais office de dinosaure. De plus, j’avais un profil de secrétaire, donc j’avais des lacunes scientifiques. Malgré cela, chaque rencontre a été positive. C’était vraiment encourageant, et aussi extrêmement agréable. Cela m’a permis de découvrir le métier sans angoisse.

© Inserm / François Guénet

Comment se sont déroulées les premières semaines après la prise de poste ?

F. M. : Une fois nommée à mon nouveau poste, après avoir franchi toutes les étapes avec succès, c’est là que j’ai douté. Je me suis demandée si j’étais vraiment à ma place. Par exemple, lorsque j’ai été confrontée à des expériences qui ne fonctionnaient pas, je me suis posé beaucoup de questions. En définitive, je dirais que cela fait deux, trois ans que je suis complètement à l’aise. Pourtant j’ai dix ans d’expérience maintenant !

Il faut garder à l’esprit qu’en biologie, beaucoup de paramètres peuvent varier. Parfois les conditions évoluent d’une heure à l’autre, et cela peut conditionner la réussite ou l’échec d’une expérimentation. Il faut rester tout le temps rigoureux, mais il faut également savoir faire la part des choses, car les cellules, c’est du vivant. Même si les protocoles, ou encore notre attention à la propreté du matériel permettent de réduire l’incertitude au maximum, elle demeure, quel que soit votre niveau d’expérience.

Il y a également une pression, car nous avons conscience que si l’on n’arrive pas à générer des résultats, cela représente un coût financier qui peut être très important. Nous le gardons à l’esprit, même si cela ne nous empêche pas de rire lors de certaines expérimentations. On pleure, aussi, mais on rigole bien en laboratoire ! À ce propos, je me rappelle une anecdote lorsque j’étais encore secrétaire. J’avais commandé un produit pour les scientifiques : ce dernier coûtait très, très cher. Plus cher que mon salaire. Le produit arrive, un tout petit tube. Je vais voir mes collègues, et leur explique : « Regardez, ils nous ont vendu un tube vide ! » J’étais prête à appeler le fournisseur pour lui signaler son erreur. Mes collègues me répondent en riant : « Mais non, Françoise, c’est de la poudre, il faut la remettre en suspension. » La poudre était en quantité si faible, qu’elle était collée sur la paroi et était invisible.

Quelles sont vos missions au quotidien ?

F. M. : Notre unité est rattachée à deux tutelles : l’Inserm et l’université Paris-Saclay. Nous collaborons beaucoup avec les cliniciens du service d’endocrinologie et des maladies de la reproduction de l’hôpital Bicêtre, ainsi qu’avec des pédiatres de l’hôpital Robert-Debré. Nos problématiques sont très variées mais toujours liées à l’endocrinologie. Nous construisons une grande partie de nos projets en rapport avec des pathologies identifiées chez des patients.

Concrètement, les médecins ont des cas cliniques et se posent des questions que nous aidons à résoudre. Nous avons par exemple travaillé sur les causes génétiques de l’insuffisance ovarienne primaire, qui conduit à une ménopause prématurée. Actuellement, nos recherches portent sur l’impact de la chimiothérapie sur la réserve ovarienne des femmes, car nous savons qu’elle peut endommager le stock de follicules et poser des problèmes de fertilité après traitement. Mieux comprendre les mécanismes de la gonadotoxicité permettra de développer de nouvelles stratégies pour préserver la fertilité de ces patientes.

Très concrètement,je réalise des expériences sur des tissus ou sur des cellules. La chercheuse avec qui je travaille, Isabelle Beau, propose des projets, par exemple pour étudier la mutation d’un gène, et nous mettons en œuvre les outils et les techniques pour analyser le retentissement fonctionnel au niveau cellulaire. Pour cela, j’utilise des techniques de biologie moléculaire (mutagenèse), de biologie cellulaire (immunomarquage, microscopie), et de biochimie (western-blot, immunoprécipitation…). Au début, je suivais les consignes, maintenant, il y a un véritable échange autour du projet.

Est-ce qu’à votre tour, vous transmettez vos connaissances aux autres ?

F. M. : Tous les ans, nous accueillons de jeunes chercheurs ou médecins. Généralement, ils suivent la partie théorique de leur master d’octobre à fin décembre, puis effectuent leur stage pratique dans notre laboratoire de janvier à fin octobre. Isabelle Beau les encadre au niveau scientifique, et moi au niveau technique. Les médecins ont peu d’expérience pratique de recherche, car ils finissent juste leur internat de médecine. Il faut leur apprendre comment manipuler des pipettes avec précision, comment cultiver des cellules, suivre un protocole, ou encore faire les expériences scientifiques.

Qu’il s’agisse des jeunes chercheurs ou des médecins, tous sont hyper motivés et passionnés. Ils veulent souvent manipuler dès leur arrivée. Oui, mais avant il faut déjà comprendre ce que l’on va faire, et comment. On n’ouvre pas les tubes n’importe où, n’importe comment. Il faut étudier les protocoles, et également faire attention aux produits que l’on manipule. Par exemple, certains produits nécessitent de travailler sous une hotte chimique ou un poste de sécurité microbiologique. Je leur explique comment éviter les erreurs classiques et comment utiliser le matériel de manière optimale. Mais ils m’apprennent aussi beaucoup de choses, notamment au niveau médical. Ce sont des jeunes qui ont envie d’apprendre, ils me tirent vers le haut.

En même temps, j’essaye de les aider à se poser, parce qu’ils veulent que l’expérimentation réussisse tout de suite. Je leur explique que si ça ne fonctionne pas, il ne faut surtout pas désespérer. La recherche peut déstabiliser les cliniciens, car dans leur quotidien, ils travaillent énormément, mais cela débouche généralement sur une avancée claire. En recherche, les cellules peuvent se développer en quarante-huit heures, parfois en soixante-douze heures. Il faut être attentif et garder à l’esprit que certains délais sont incompressibles. Il peut arriver que l’on travaille deux jours, et que l’on n’obtienne pas de résultat. Il faut recommencer et s’interroger sur les causes.

Vous approchez petit à petit de la retraite, est-ce que vous vous y préparez ?

F. M. : Oui et non. A priori j’y serai dans quatre ans. Ce qui est drôle, c’est que lorsque j’étais jeune, je me disais : « Pourquoi les gens qui ont plus de soixante ans ne veulent pas partir ? » Et maintenant, après avoir passé la soixantaine, j’ai du mal à me dire qu’il va falloir que je m’arrête. Nous travaillons dans des conditions qui sont favorables, nous faisons un métier que l’on aime, et surtout, j’apprécie beaucoup le travail avec des jeunes. Il y a toujours un enthousiasme, une envie d’avancer, de trouver un résultat permettant d’aboutir à la publication.

Comment vous ressourcez-vous en dehors du travail ?

F. M. : Je suis très sociable, j’adore les gens mais n’apprécie pas spécialement les activités de groupe, donc j’aime me ressourcer seule ou avec mon conjoint, notamment par la marche. Généralement, je fais mes 12 km chaque week-end. Pendant les vacances, j’aime partir marcher à la montagne pour aller voir ce qui se passe tout là-haut ! Les Alpes, les Pyrénées, le Jura, les Vosges. Parfois sur plusieurs jours, avec la tente ou en refuge. Je me rappelle une randonnée sur plusieurs jours dans les Pyrénées, où nous étions complètement seuls, et où le refuge dans lequel nous avions prévu de passer la nuit avait brûlé. Heureusement qu’il y avait la tente. Les émotions sont intenses, mais l’on est content une fois arrivés. De plus, j’ai le vertige, donc il y a quand même souvent des moments où je me dis : « Mais qu’est-ce que je fais là ? »

Y a‑t-il une figure qui vous a particulièrement marqué dans votre parcours ?

F. M. : J’ai une grande admiration pour Isabelle Beau, la chercheuse avec qui je travaille depuis plus de 22 ans. Elle a toujours été passionnée par la recherche et l’est encore, malgré les défis permanents : la recherche de financements, les évaluations d’unité, l’impératif de publication. Ce n’est pas toujours évident, surtout lorsque l’on travaille sur un type de recherches très spécifiques, dans des domaines eux-mêmes déjà très pointus. Il faut beaucoup de curiosité et croire en ce que l’on fait, ce qui n’est pas si facile. Je pense aussi au directeur de l’unité, Peter Kamenický, qui est professeur d’endocrinologie, travaille dans le service de l’hôpital, dirige l’unité, et enseigne. Ce sont des gens qui n’arrêtent jamais, qui ont des idées, des connaissances sur tout. Je me sens petite à côté. Et malgré cela, ces personnes restent accessibles. À partir du moment où l’on rentre dans leur passion pour leur poser question, ils sont intarissables.

Auriez-vous quelques conseils pour ceux qui souhaiteraient effectuer une reconversion professionnelle ?

F. M. : Connaître des personnes qui appartiennent à l’univers professionnel que l’on souhaite rejoindre rend la transition beaucoup plus simple. Autrement, je ne sais pas comment cela se serait passé. Avoir une connaissance assez précise du fonctionnement d’un laboratoire m’a également été très utile. Par exemple, j’avais visité des pièces de culture de cellules plusieurs fois. De temps en temps, j’apportais le matériel aux collègues techniciens, où je participais à l’installation des laboratoires, dans le cadre de mon rôle d’assistante hygiène et sécurité. En résumé : prenez des contacts, et essayez de vous familiariser le plus possible avec l’environnement qui vous attend.

Le second point, c’est ne pas avoir peur, et peut-être de ne pas trop tarder avant de se lancer. Pour moi cela a été un peu dur au niveau de la théorie car je n’avais pas la formation scientifique correspondante, et à cinquante ans, ce n’est pas évident. Se plonger dans les calculs, approfondir ce qu’est l’endocrinologie, maîtriser l’hormonologie, toutes les techniques, tous les protocoles. Un protocole, c’est une recette de cuisine, mais dont il faut comprendre les termes.

Lorsque vous regardez en arrière, qu’est-ce qui vous rend le plus fier ?

F. M. : Les rencontres faites tout au long de mon parcours. Savoir être à l’aise avec les jeunes, les moins jeunes, les gens qui ont des parcours de formation ou des niveaux différents. Je suis un poisson parmi tout ce monde, et j’arrive à me sentir à l’aise avec tout le monde. Je suis dans le groupe et me sens à ma place. Je crois que j’aime les gens et donc ça se passe bien.Et aussi, ma ténacité, car je n’ai jamais lâché. Si je devais partager un conseil pour tenir bon quand c’est difficile au niveau professionnel, je dirais que le fait de discuter avec des étudiants, de former, cela aide à repartir. Il ne faut pas se poser trop de questions. Réfléchir sur le point de blocage concret, puis repartir, sans trop intellectualiser. De plus, à l’Inserm, j’ai la chance d’aller au travail avec le sourire et de travailler dans de bonnes conditions. Nous sommes écoutés : si l’on n’est pas satisfait de quelque chose au niveau de l’équipe, on peut discuter. Ce n’est pas le cas partout.