Pouvez-vous résumer votre parcours ?
Chimiste de formation, j’ai été initié à la recherche à l’École normale supérieure, avec un passage par l’université d’Oxford. J’ai toujours été fasciné par les découvertes scientifiques. La recherche m’a profondément nourri, mais je me suis graduellement rendu compte que je m’épanouirai davantage dans des postes en prise avec le temps court, dans l’administration de la recherche plutôt que dans la poursuite d’une recherche individuelle. Après ma thèse à l’université Paris Descartes à l’interface avec la biologie et un post-doctorat, j’ai donc passé le concours du Corps des mines afin de m’orienter vers la politique publique.
En 2017, j’ai été appelé au cabinet du Premier ministre en tant que conseiller technique pour la recherche et l’innovation. J’ai alors travaillé sur un très large panel de problématiques, de la science ouverte aux investissements d’avenir, en passant par la mise en place des « universités européennes ». Je garderai un souvenir particulier du plan Intelligence artificielle, et des discussions autour de la future loi de programmation de la recherche, dont une étape essentielle vient d’être franchie. J’ai surtout beaucoup apprécié les sujets de recherche biomédicale sur lesquels je me suis fortement mobilisé, par goût et aussi car les enjeux l’exigeaient, notamment en matière de santé publique. L’actualité de cette crise sanitaire sans précédent nous le rappelle sans détour…
Travailler au cabinet du Premier ministre est très intense et assez unique. On a l’impression que l’on peut changer les choses. Il faut sans arrêt rendre des arbitrages complexes malgré les incertitudes, et surtout – c’est, je pense, le plus important – il faut savoir ce pour quoi on se bat. De ce point de vue, les choses sont claires pour moi : il n’y a pas de grand pays sans recherche forte et les enjeux majeurs qui se présenteront à l’humanité feront toujours plus appel à la science.
C’est pour cela que je suis particulièrement heureux de rejoindre aujourd’hui l’Inserm en tant que directeur de la stratégie et de la prospective. En intégrant les équipes du premier institut de recherche biomédicale en Europe, je peux contribuer à ces défis stimulants dans un environnement scientifique exceptionnel, et dans un collectif de travail de milliers de personnes dont l’expertise et l’implication sont reconnues.
Pouvez-vous nous parler de votre arrivée à l’Inserm dans le contexte de la crise sanitaire ?
Ma prise de poste s’est faite dans un contexte qui a rapidement été très perturbé par la pandémie. Tout est arrivé très vite… Le confinement a été prononcé deux semaines après mon arrivée, c’est donc dans l’espace virtuel que j’ai d’abord rencontré une grande partie de mes collègues, souvent sur des sujets très urgents ! Cette crise a profondément bouleversé nos modalités de travail en commun. La solidarité a, par exemple, permis de transcender les barrières institutionnelles ou organisationnelles habituelles. J’ai été très impressionné par l’élan de la communauté scientifique pour contribuer à apporter des solutions à cette crise sans précédent. On a tous déployé des trésors d’inventivité pour nous adapter, parfois en bricolant un peu, et essayer de faire face collectivement à cette situation inédite. Pour ma part, cette expérience a été riche d’enseignement, sur l’immense qualité des personnels de l’Inserm mais aussi à l’inverse, je dois l’avouer, sur l’importance des échanges informels quotidiens – rien de plus efficace parfois qu’un café partagé pour trouver une solution… C’est pourquoi je suis heureux de renouer petit à petit des relations de travail en présentiel.
Qu’est-ce que l’Inserm représente pour vous ?
L’Inserm est en quelque sorte un retour à mes premières amours. Mais je n’aurais jamais pensé qu’attiser ma curiosité sur la production d’aminoglycosides chez les Streptomyces me conduirait ici aujourd’hui ! La santé se trouve au confluent de mon histoire personnelle, de mes intérêtsscientifiques et de mes convictions. Je suis convaincu qu’il s’agit d’un sujet essentiel où se joue notre avenir commun. Je me retrouve d’ailleurs très bien dans la devise de l’Inserm : « la science pour la santé ».
Après m’être battu pour mettre la recherche au cœur de l’agenda politique, j’ai souhaité être plusproche des chercheurs et des projets qu’ils mènent.
La crise sanitaire que nous traversons actuellement contribue à mettre en lumière la dimension clé decet immense enjeu citoyen qu’est la science, qui doit nous permettre de mieux comprendre le monde qui nous entoure et contribuer à apporter les solutions dont nous avons besoin. Les défis sont innombrables : lutte contre les maladies, changement climatique, alternatives aux phytosanitaires, vieillissement de la population… En ce sens, le rôle de l’Inserm est majeur.
Après cette pandémie mondiale, pas un seul gouvernement ne pourra faire l’économie d’un investissement important dans la recherche biomédicale. Je crois d’ailleurs que le grand public prend progressivement conscience de notre rôle stratégique. On n’a jamais autant parlé de science ! Je m’en réjouis et j’espère que cela suscitera des vocations auprès des jeunes.
Pouvez-vous nous parler de vos missions au sein de l’Inserm ?
En tant que directeur de la stratégie et de la prospective, je vais contribuer à définir les orientations de l’Inserm en matière de politique scientifique, de positionnement institutionnel et de partenariats. Je suis notamment en charge de développer des outils de pilotage permettant de faciliter les choix stratégiques et de mieux accompagner nos chercheurs.
2020 est une année importante pour l’Inserm puisque c’est l’année où l’on va élaborer le contrat quinquennal de l’établissement avec ses tutelles, à la suite d’une évaluation par le Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (Hcéres) et à la vaste consultation qui a donné le plan stratégique 2020 – 2025. Il faudra aussi tirer le bilan de cette crise. Qu’est-ce qui a marché ? Que peut-on améliorer ? Il y a enfin de beaux projets en préparation, sur la bioproduction ou les données de santé, par exemple. Sur ces sujets que je connais pour partie, et sur d’autres que j’ai hâte de découvrir, je mettrai au service de l’équipe les compétences développées au fil de mon parcours.
Mon ambition est de prendre une part active dans les réflexions menées par l’Inserm pour préparer son futur, que l’on espère à la hauteur de sa belle histoire. Mon poste vient d’être créé, nous allons donc apprendre en marchant. Ce qui compte pour moi, c’est de me rendre le plus utile possible à la stratégie collective.