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Concours handicap : « La qualité scientifique l’emporte sur tous les autres critères »

L’Institut est engagé de manière active pour développer le recrutement de personnes en situation de handicap. Chantal Housset, cheffe d’équipe Inserm au Centre de recherche Saint-Antoine à Paris, et Sylvain Richard, ancien directeur adjoint de l’unité Inserm Physiologie et médecine expérimentale du cœur et des muscles (PhyMedExp) à Montpellier, partagent leurs expériences de jury de concours handicap.

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Vous étiez membres d’une CSS. Quelles ont été vos motivations à intégrer un jury de concours handicap ?

Sylvain Richard : Trois motivations m’ont poussé à rejoindre un jury de concours handicap. Tout d’abord, j’ai eu la chance de suivre une formation de sensibilisation au handicap organisée par la délégation régionale il y a plusieurs années. J’ai beaucoup apprécié le format et la tonalité, à la fois sérieuse, ludique et pédagogique. Ensuite, avant d’intégrer un jury de concours, j’avais déjà participé au recrutement et à l’accueil d’une personne en situation de handicap au sein de mon unité. Enfin, le dernier levier de motivation est plus personnel : j’ai des personnes atteintes de surdité profonde dans mon environnement. Je suis donc sensibilisé depuis longtemps au handicap. 

Chantal Housset : J’ai une grande estime pour l’évaluation de l’Inserm. J’ai moi-même passé le concours de recherche Inserm en 1993 et je garde l’excellent souvenir d’une évaluation juste. À titre plus personnel, cela m’a paru important de prendre conscience de ce qu’implique le handicap au quotidien. Être jury de concours handicap a d’ailleurs changé ma vision de la « normalité ». Je n’avais pas un a priori particulièrement favorable vis-à-vis du handicap dans le domaine de la recherche mais cette expérience de jury a complètement bouleversé ma vision du handicap. Toutes les rencontres avec les candidats ont été des expériences fascinantes. Ce sont de grands scientifiques qui ont dû se battre certainement plus que les autres. Je garde un souvenir particulièrement ému de l’entretien avec Thomas Marissal. Son enthousiasme et sa conviction m’ont profondément marquée.

Quelle est la composition d’un jury de concours handicap ? 

S. R. : Le jury est composé d’au moins une douzaine de scientifiques car il faut que toutes les disciplines de recherche des candidats soient représentées. Le nombre d’experts peut donc être pondéré par le nombre de candidats. C’était un nouvel enjeu personnel mais mon expérience de membre ou de président de jury de concours, en CSS ou pour des recrutements sur des chaires d’excellence, m’a été utile pour ce nouveau défi. Je tiens à souligner la grande attention de l’Inserm pour permettre le bon déroulement des concours handicap. Tout est cadré en amont, ce qui est très confortable pour les membres du jury. 

C. H. : Une des spécificités du jury du concours handicap est également la présence de la mission handicap pendant les auditions. Elle assiste à toutes les épreuves pour expliquer les modalités du concours et veiller aux aménagements d’épreuves, le cas échéant. 

Avant les oraux, la mission explique les spécificités liées aux handicaps, notamment pour répondre aux interrogations des nouveaux membres de jury. Sa présence est discrète, professionnelle et très rassurante. 

Quels dispositifs sont mis en place afin que l’épreuve orale se déroule dans les meilleures conditions ? 

S. R. : Le candidat est invité à exprimer ses besoins dès l’inscription aux concours. Ensuite, les services des ressources humaines organisent les aménagements nécessaires pour les épreuves. Par exemple, pour les personnes en situation de surdité ou d’autisme, la communication verbale peut être plus compliquée. Le jury doit alors s’adapter, faire éventuellement appel à un interprète en langue des signes, noter les questions par écrit… Cet aménagement permet au candidat de mieux se concentrer et, par conséquent, cela favorise la communication et les échanges avec le comité. Des aménagements sont également prévus pour les personnes atteintes de handicaps physiques. 

Les critères d’évaluation sont-ils les mêmes que pour les concours « classiques » ? 

S. R. : Le respect et la souplesse sont indispensables. Le jury est sensibilisé au fait de ne pas poser de questions inappropriées au candidat, comme, par exemple, sur l’origine ou la nature de son handicap. À chaque début d’audition, il est cependant proposé au candidat de présenter les conséquences de son handicap sur sa carrière et son parcours scientifique, mais il n’y a aucune obligation. Par exemple, nous avons pu être surpris que des candidats de très haut niveau scientifique effectuent leur post-doctorat au même endroit que leur doctorat. Certaines personnes avec un handicap auditif profond peuvent avoir besoin d’être rassurées par un environnement de travail stable avec une bonne communication. La relation de confiance nouée avec leur manager et leur équipe peut donc motiver leur choix de ne pas aller à l’étranger. D’autres post-doc doivent effectuer des soins à l’hôpital de proximité avec une équipe de soignants qui les suit depuis des années. En tant que membre de jury, nous ne devons donc pas considérer le manque de mobilité comme un critère discriminant.

C. H. : Les candidats sont jugés sur les mêmes critères, exigeants, que pour les concours classiques. Certains membres de jury siégeant pour la première fois à un concours handicap sont préoccupés par le poids de celui-ci dans l’évaluation. En tant que membre d’instance d’évaluation, ils ont l’habitude de comparer les niveaux scientifiques mais la prise en compte du handicap est une composante qui leur est inconnue. C’est alors aux « anciens » membres du jury de les rassurer. Ce qui est extraordinaire, c’est que dès que le concours débute, la dimension handicap passe très rapidement au deuxième plan. La qualité scientifique l’emporte sur tous les autres critères.

Y a‑t-il un accompagnement particulier pour les non-admis ? 

S. R. : Un compte rendu est effectué pour chaque dossier. Comme pour tout autre concours, il doit être construit dans la bienveillance, le respect et la franchise. Je pense qu’il faut mentionner ses axes de progrès à un candidat non admis afin qu’il s’améliore pour les prochains concours ou entretiens. Je n’ai jamais eu l’occasion de recevoir un appel d’un candidat non retenu mais j’aurais été bien volontiers ouvert à lui expliquer le choix du jury. 

C. H. : La recherche est par essence une activité compétitive. Chaque candidat doit comprendre pourquoi il n’a pas été admis à un concours, et les personnes en situation de handicap peut-être plus que les autres. J’ai été récemment contactée par un directeur d’unité qui voulait des explications sur la non-sélection d’un des membres de son équipe. J’ai pris le parti de faire un retour directement au candidat, ce qui a été très apprécié.

Voyez-vous des choses à améliorer sur la politique handicap de l’Inserm ? 

S. R. : Les efforts de l’Institut sur la politique handicap sont remarquables. J’ai néanmoins été malheureux de constater que bon nombre de candidats se présentaient à l’oral avec une préparation insuffisante vraisemblablement liée au manque de soutien et d’accompagnement. J’aimerais aussi que des formations obligatoires de sensibilisation au handicap soient déployées à plus grande échelle au sein des laboratoires. Comprendre le handicap permettrait de mieux travailler ensemble et d’éviter l’isolement de certains chercheurs en situation de handicap. Nous avons tous une bonne dose d’humanité en nous qui a parfois besoin d’être un peu réveillée… 

C. H. : Il faut davantage inciter les agents à déclarer leur handicap. Certains peuvent être réticents, et l’acceptation n’est pas toujours la même, surtout pour des handicaps qui arrivent en cours de carrière suite à un accident ou à une maladie. Déclarer sa reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH) est pourtant indispensable. Cela permet à la personne en situation de handicap d’évoluer dans un environnement de travail adapté et aux encadrants d’adopter des mesures appropriées comme, par exemple, des autorisations d’absences spécifiques pour suivre des soins médicaux ou des aides au transport dans certaines situations. 

Aller plus loin 

La mission handicap, en collaboration étroite avec les responsables des ressources humaines, la médecine de prévention et les assistants de service social, propose un suivi personnalisé et la mise en place de compensations du handicap selon les besoins des agents reconnus travailleurs handicapés (aménagements du poste, des horaires, aides techniques ou logicielles…).

Deux voies de recrutement sont ouvertes aux chercheurs en situation de handicap. La voie contractuelle spécifique et les recrutements par concours, pour lesquels des aménagements de déroulement des épreuves sont prévus.

La notion de handicap recouvre des réalités très diverses : il existe autant de handicaps que de personnes concernées. Faire reconnaître son handicap, c’est se donner la possibilité de compenser les difficultés quotidiennes qu’il peut entraîner. Dans le monde du travail de manière générale et à l’Inserm en particulier, c’est permettre à l’employeur d’en tenir compte afin de garantir des conditions de travail et d’évolution professionnelle adaptées.