Le mouvement vers la science ouverte favorise les avancées scientifiques, l’innovation, mais aussi la confiance des citoyens dans les résultats scientifiques. L’open access constitue ainsi un progrès tant pour l’organisation de la recherche que pour la société. Dans le cadre de son plan stratégique et en conformité avec le Plan national pour la science ouverte, l’Inserm contribue à l’évolution des modes de publication et a pour objectif d’accélérer la mise à disposition pour l’ensemble de la société des publications scientifiques issues de ses laboratoires.
Accélérer la transition vers l’open access
L’accès ouvert aux publications scientifiques est un sujet discuté depuis plusieurs décennies. Si la majeure partie de la communauté scientifique s’accorde sur son intérêt, voire sa nécessité, peu d’actions ont réellement fait progresser cette pratique. C’est dans une volonté de rupture et d’accélération du passage vers l’accès ouvert que le Plan S a été annoncé en 2018, deux mois après le lancement en France du Plan national pour la science ouverte.
Constituée en septembre 2018, la cOAlition S regroupait initialement une douzaine de financeurs européens dont l’Agence nationale de la recherche (ANR). Elle a notamment été rejointe par le Wellcome Trust, le Fonds Gates et l’OMS. Le Plan S, élaboré par la cOAlition S, a été construit autour de dix règles principales (voir encadré). L’une d’entre elles est l’obligation de publier tous les travaux scientifiques issus de la recherche financée par les fonds publics nationaux ou européens dans les revues ou sur les plateformes conformes au principe de l’open access. Les licences ouvertes, appelées Creative Commons (ou CC), existent sous plusieurs versions et permettent de gérer la mise à disposition libre des données. Effectif depuis le 1er janvier 2021, le Plan S exige ainsi que toutes les publications issues de recherches financées par des membres de la cOAlition S soient rendues disponibles immédiatement et gratuitement sous licence ouverte (CC BY 4.0 de préférence).
Une première version jugée trop abrupte
Annoncée en septembre 2018, la première version du Plan S était volontairement « coup de poing ». Certaines mesures, comme l’open access immédiat sans aucun délai d’embargo ou encore l’exclusion des revues hybrides (revues sous abonnement mais proposant une option open access payante) avaient ainsi été jugées abruptes. À cet égard, cette première version du Plan S avait suscité beaucoup d’interrogations dans la communauté de recherche, notamment sur les points suivants :
- le délai très court pour mettre en œuvre le Plan S ;
- l’absence de revues et de plateformes de qualité dans certains domaines de la recherche qui répondraient aux exigences du Plan S ;
- la perte de « liberté académique » de publier dans les revues de son choix ;
- la capacité de financer l’open access.
Cette première version fut jugée « hors sol », inapplicable et, de fait, manquant sa cible. Comme on peut l’imaginer, les critiques ont été encore plus alarmistes, voire virulentes, de la part de certains éditeurs de la littérature scientifique.
Après consultation ouverte, un Plan S plus souple
Consciente des critiques et des craintes que pouvait inspirer cette première version du Plan S, la cOAlition S a organisé une consultation en ligne pour recueillir des réactions et des propositions. Plus de 600 contributions (universités, sociétés savantes, éditeurs, chercheurs…) de 40 pays ont été analysées. Elles ont permis d’élaborer en mai 2019 une nouvelle version du guide d’application du Plan S.
Si l’objectif global du Plan S demeure identique, plusieurs aménagements en font désormais un plan réaliste et applicable. Parmi les mesures les plus importantes :
- le délai d’application a été repoussé d’un an, au 1er janvier 2021 ;
- le dépôt de manuscrit auteur accepté (MAA) dans une archive ouverte (de type HAL) est désormais reconnu comme une des voies de conformité au Plan S, à condition que le MAA soit sous licence CC-BY et disponible immédiatement, sans délai d’embargo ;
- le soutien de la cOAlition S aux nouvelles initiatives ou modes de publication est affiché (modèle « diamant », par exemple). Il est précisé que, le cas échéant, les frais de publication de l’accès ouvert sont couverts par les bailleurs de fonds et non par les chercheurs ;
- le financement de publications dans des revues hybrides n’est plus exclu d’office. Il reste possible à condition que ces journaux fassent partie d’accords dits « transformants » (publish and read, par exemple) et transparents, possiblement conclus jusqu’à la date limite de fin 2024 ;
- le besoin de révision des modes d’évaluation de la recherche – notamment en début de carrière des chercheurs – est également identifié et nécessite de poser de nouvelles règles internationales d’évaluation.
Des droits d’auteur préservés
En juillet 2020, les membres de la cOAlition S annoncent le lancement d’une « stratégie de conservation des droits » pour sauvegarder les droits de propriété intellectuelle des chercheurs et permettre le dépôt immédiat des articles scientifiques dans des archives ouvertes, qui est une des voies pour se conformer au Plan S. La cOAlition S a ainsi informé les grands éditeurs et les sociétés savantes de cette nouvelle règle.
L’Association des éditeurs privés (STM) a néanmoins exprimé sa « préoccupation » portant à nouveaux l’argumentaire sur le champ des libertés académiques. Dans une réponse directe et solide, la cOAlition S rejette ce raisonnement arguant que bien au contraire, « la stratégie de rétention des droits rétablit des libertés académiques séculaires ».
Cette mesure est importante car la non-cession des droits aux éditeurs permet aux auteurs de disposer librement de leur manuscrit auteur accepté (MAA), et éventuellement même de la version éditée, et de les mettre à disposition immédiatement. Elle permet en outre aux auteurs de publier dans les revues de leur choix, y compris celles disponibles encore uniquement par abonnement. La critique du Plan S s’appuyant sur une certaine idée de la “liberté académique” devient alors sans fondement.
Enfin, pour faciliter le choix des revues pour la soumission des travaux, la cOAlition S a mis en place un outil d’identification de journaux compatibles avec les principes du Plan S.
Vers une généralisation ?
Le Plan S ne concerne que les publications issues des travaux financés sur contrats de recherche publics. Mais l’évolution du Plan S suggère que plus rien ne s’oppose vraiment à l’adoption progressive de ces principes notamment par les États dont les agences nationales de financement de la recherche sont membres de la cOAlition S. Leur généralisation pourrait même aboutir à l’éclosion d’un nouveau standard de publication scientifique.
Le Plan S, jugé à son lancement comme trop abrupt et inadapté, a peut-être donné l’ultime impulsion qu’il fallait pour amener les éditeurs à admettre le bien-fondé d’une science ouverte et disponible pour tous. Si l’on peut en juger par les récentes déclarations de plusieurs grands éditeurs (Elsevier, AAAS éditeur de Science…), les esprits évoluent vite et certains se déclarent prêts à s’accorder avec les exigences du Plan S.
Les dix principes du Plan S
- Les auteurs conservent les droits d’auteur sur leur publication sans aucune restriction. Toutes les publications doivent être publiées sous licence ouverte, de préférence sous la licence Creative Commons Attribution CC BY. Dans tous les cas, la licence demandée doit répondre aux exigences définies par la Déclaration de Berlin.
- Les organismes de financement assureront conjointement l’établissement de critères et d’exigences rigoureux pour les services que doivent fournir les revues et les plateformes en accès libre et de haute qualité.
- Si de telles revues ou plateformes de haute qualité n’existent pas encore, les organismes de financement inciteront, de manière coordonnée, à les mettre en place et soutiendront ces efforts ; un soutien sera également apporté aux infrastructures de libre accès lorsque cela sera nécessaire.
- Le cas échéant, les frais de publication en libre accès sont couverts par les organismes de financement ou les universités, et non par des chercheurs individuels ; il est reconnu que tous les scientifiques doivent pouvoir publier leurs travaux en libre accès même si leurs institutions disposent de moyens limités.
- Lorsque des frais de publication en open access sont appliqués, leur financement est standardisé et plafonné (en Europe).
- Les organismes de financement demanderont aux universités, aux organismes de recherche et aux bibliothèques d’aligner leurs politiques et stratégies, notamment pour assurer la transparence des dispositifs en place.
- Les principes ci-dessus s’appliquent à tous les types de publications savantes, mais il est entendu que la date du 1er janvier 2021 pour atteindre le libre accès pour les monographies et les livres peut être dépassée.
- L’importance des archives ouvertes pour l’hébergement des résultats de la recherche est reconnue en raison de leur fonction d’archivage à long terme et de leur potentiel d’innovation éditoriale.
- Le modèle « hybride » de publication n’est pas compatible avec les principes ci-dessus.
- Les organismes de financement veilleront à ce que les recommandations ci-dessus soient appliquées et sanctionneront les pratiques qui s’en éloignent.