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Cancer et santé publique : les avancées scientifiques de 2020 (3/5)

En 2020, la recherche contre le cancer n'a pas faibli, de même que celle en santé publique. Découvrez huit avancées scientifiques issues des laboratoires de l'Inserm.

National
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La faute aux fibroblastes

Fatima Mechta-Grigoriou Unité 830 Inserm / Institut Curie, Cancer, hétérogénéité, instabilité et plasticité

Marquage fluorescent d’astrocytes en culture. © Inserm / Yasmina Saoudi

Les fibroblastes associés au cancer de type S1, ou CAF-S1, sont des cellules de soutien des tissus abondantes dans certaines tumeurs du sein très agressives. L’équipe de Fatima Mechta-Grigoriou de l’institut Curie à Paris a analysé 19000 CAF-S1 de cancers du sein, cellule par cellule, via la technique single cell. Les chercheurs ont ainsi découvert trois sous-groupes particuliers de CAF-S1, dits clusters 0, 3 et 4. Ceux-ci ont pour caractéristique d’inactiver l’immunité anti-tumeurs. Pire, ils empêchent sa réactivation par les traitements d’immunothérapie. Détectés dans divers cancers (sein, ovaire, poumon, tête-cou) et abondants dans les tumeurs résistantes à l’immunothérapie, ces 3 sous-groupes sur-expriment un marqueur spécifique, identifié et breveté par l’équipe : la protéine ANTXR1. À terme, ce marqueur pourrait contribuer à repérer tôt ces populations cellulaires, afin de les cibler avec de nouveaux traitements.

La technologie single cell permet d’étudier, à haut débit, les caractéristiques moléculaires individuelles des cellules, une par une. 
Fatima Mechta-Grigoriou


Guérilla contre les FAK

Christine Jean Unité 1037 Inserm/Université Toulouse III Paul-Sabatier

Touchant près de 14000 nouveaux Français chaque année, le cancer du pancréas est l’un des plus agressifs et des plus redoutés. Des résultats obtenus par l’équipe de Christine Jean, au Centre de recherche en cancérologie de Toulouse, pourraient aider à mieux le diagnostiquer et le traiter. L’analyse de cellules de soutien des tissus provenant de tumeurs du pancréas, les fameux fibroblastes associés au cancer (CAF), a permis d’identifier dans celles-ci une suractivation de la protéine FAK. Le suivi de 120 patients a révélé que cette suractivation est associée à un décès plus rapide. Chez la souris, l’inactivation de FAK dans les fibroblastes associés au cancer a réduit considérablement la propagation des métastases à d’autres organes. D’où cette nouvelle idée : mesurer l’activité de FAK dans les CAF pourrait aider à identifier tôt les patients à risque de métastases ; ceux-ci pourraient alors être traités de manière plus pertinente via des composés qui inactiveraient la protéine FAK de façon spécifique.

Cluster de cellules cancéreuses du pancréas. © Anne Weston / Francis Cric Institute
Présente dans presque tous les types cellulaires, la protéine FAK (pour focal adhesion kinase) est impliquée dans le contrôle de la prolifération et de la migration des cellules. 
Christine Jean

Le coupable est encore le travail de nuit

Hervé Acloque Unité 935 Inserm / Université Paris-Saclay, Modèles de cellules souches malignes et thérapeutiques

Cellule cancéreuse du sein. © Anne Weston / Francis Crick Institute

Il est bien établi que le travail de nuit augmente le risque de cancer. À présent, de nouveaux travaux dirigés par le groupe d’Hervé Acloque à l’université Paris-Saclay indiquent que la perturbation du rythme circadien lié au travail de nuit favoriserait aussi des cancers du sein plus agressifs, avec dissémination des métastases vers d’autres organes. Pour parvenir à cette observation, les chercheurs ont soumis des souris prédisposées à développer des tumeurs mammaires à une forme de jetlag. L’équipe a noté que 52 % des rongeurs présentaient des métastases pulmonaires, contre 28 % des contrôles. L’analyse des cellules des tumeurs mammaires a alors montré une augmentation de la proportion de cellules souches cancéreuses susceptibles de former des métastases, et une infiltration accrue de cellules produisant la CXCR2 – une protéine qui contribue à l’inactivation de l’immunité anti-tumeur. Autant d’événements propices au développement de métastases.

Le rythme circadien regroupe l’ensemble des événements biologiques qui surviennent de façon périodique toutes les 24 heures, dont le rythme veille/ sommeil. 
Hervé Acloque


IFN‑γ attaque les tumeurs à distance

Philippe Bousso Unité 1223 Inserm / Institut Pasteur, Physiopathologie du système immunitaire

Certaines cellules immunitaires, les lymphocytes T, peuvent infiltrer les tumeurs et détruire les cellules cancéreuses, une par une. Parce qu’elles ont besoin d’un contact direct avec les cellules ciblées pour agir, ce processus de destruction est toujours très localisé. Mais voilà que des chercheurs dirigés par Philippe Bousso, à l’institut Pasteur à Paris, ont découvert que les lymphocytes T peuvent aussi avoir un effet sur la tumeur à distance, via une substance qu’ils sécrètent : l’interféron gamma ou IFN‑γ. Grâce à la technique de microscopie intravitale, qui permet de visualiser chez l’animal vivant le comportement des cellules et des molécules dans une tumeur en temps réel, l’équipe a observé que l’IFN‑γ peut diffuser et affecter des cellules très éloignées des lymphocytes T. L’analyse de cellules de patients atteints d’un cancer de la peau a corroboré chez l’humain cette spectaculaire action à distance. Des recherches qui visent à démultiplier cet effet pourraient ouvrir la voie à de nouvelles immunothérapies.

Lymphocyte T vu par micrographie électronique et colorisé. © NIAID
Découverts en 1957, les interférons – dont il existe trois types – peuvent interférer avec les infections virales, en empêchant la multiplication des virus dans les cellules. 
Philippe Bousso


Des avantages d’un bon statut social

Archana Singh-Manoux Unité 1153 Inserm / Université de Paris

Artère incapable de s’adapter au débit sanguin suite à une modification des enzymes provoquée par le diabète de type 2. © Inserm / U1083 BNM

Un meilleur statut socio-économique est associé à une espérance de vie plus longue, même dans les pays à revenu élevé où il existe un accès universel aux services de santé. L’équipe d’Archana Singh-Manoux, Prix Recherche Inserm 2015, au Centre de recherche en épidémiologie et statistiques (Cress) à Paris a souhaité examiner comment les changements dans les états de santé au cours de la vie génèrent des inégalités de mortalité. En utilisant les données d’une large cohorte, Whitehall II, rassemblant plus de 10000 femmes et hommes qui ont travaillé dans la fonction publique britannique et suivis pendant 30 ans, les chercheurs ont montré qu’un statut socio-économique plus faible augmente le risque de multimorbidité (au moins deux maladies chroniques), de fragilité et d’incapacité (à se laver, s’habiller…). En revanche, le risque de décès après l’apparition de ces affections était similaire dans les différents groupes socio-économiques. Parmi les problèmes de santé étudiés, c’est la multimorbidité qui engendre le risque le plus élevé de mortalité. Ces résultats mettent en évidence la nécessité d’une prévention primaire pour réduire les inégalités sociales de mortalité.

L’analyse a été resserrée sur 6425 membres de la cohorte : des sujets sains, âgés de 50 ans et suivis sur une période de 30 ans. Parmi eux, 611 sont décédés au cours du suivi. 
Archana Singh-Manoux


Quand l’environnement plombe le poids de naissance

Rémy Slama Unité 1209 Inserm / CNRS / Université de Grenoble

Les facteurs environnementaux auxquels la mère est exposée – on nomme cet ensemble l’« exposome » – peuvent avoir des conséquences néfastes sur le développement de l’enfant. Tabac, alcool et pollution atmosphérique, par exemple, sont des facteurs de risque établis. C’est aussi le cas du plomb. Les travaux coordonnés par Rémy Slama, chercheur à l’Institut pour l’avancée des biosciences de Grenoble, dans le cadre du projet Helix sur l’exposome, montrent que le poids des enfants à la naissance diminue d’une centaine de grammes à chaque fois que la concentration sanguine maternelle de plomb double. Ces résultats sont issus de l’analyse d’une cohorte de 1287 paires mère-enfant issues de six pays européens. Les chercheurs ont quantifié une partie de l’exposome chimique de la femme enceinte, soit 131 facteurs environnementaux, grâce à des dosages de biomarqueurs sanguins et urinaires ainsi qu’à des modèles environnementaux. C’est la première fois qu’une étude considère simultanément une part aussi importante des composants de l’exposome.

Restes de plomb exposés au Centre d’histoire sociale
de Haute-Normandie. © Frédéric Bisson Flickr
Par analogie avec les Genome wide association studies (GWAS), qui s’intéressent aux liens entre variations génétiques et phénotypes, cette étude est de type ExWAS, pour Exposome wide association study. 

Rémy Slama


L’IA déduit les causes de décès

Grégoire Rey Centre d’épidémiologie sur les causes médicales de décès (CépiDc), Inserm

Lésions nécrotiques (mort cellulaire) de fibres musculaires constituées de myofibrilles. Coloration trichrome de Gomori. © Inserm / Michel Fardeau

Lorsqu’une personne meurt, un certificat de décès est rédigé et la cause initiale de décès, retenue pour la statistique internationale, doit être définie suivant les règles de l’OMS. En France, cette opération est réalisée à l’aide d’un logiciel expert, Iris. Il affecte un code à chaque maladie impliquée dans la mort, selon la classification internationale, et déduit la cause initiale de décès. Pour les cas complexes, il est assisté d’un codeur expert. Il s’agit donc d’un processus chronophage et sujet à des erreurs qui ont un retentissement sur les statistiques épidémiologiques. Une équipe du Centre d’épidémiologie sur les causes médicales de décès (CépiDc) au Kremlin-Bicêtre dirigée par Grégoire Rey a mis au point un système fondé sur un réseau de neurones artificiels, qui effectue cette tâche avec de meilleures performances qu’Iris, et ce, sans intervention humaine. Ce réseau a été entraîné grâce à l’ensemble des certificats de décès réalisés en France entre 2000 et 2015. Le système atteignait un taux de précision de 97,5 % contre 92,5 % pour Iris. En outre, un tel système pourrait permettre d’homogénéiser les données dans le temps, et à l’échelle internationale.

Le réseau de neurones artificiels a été entraîné sur 8 millions d’observations environ. 
Grégoire Rey


Plus de cas en ville pour la maladie de Crohn

Corinne Gower-Rousseau Unité 995 Inserm / Université de Lille

La maladie de Crohn est une maladie inflammatoire chronique qui affecte le système digestif. On en sait encore peu sur ses causes, mais une chose est certaine, elles sont multifactorielles. De plus, la répartition géographique des personnes atteintes laisse penser qu’elle est déterminée par un ou plusieurs facteurs environnementaux. Des travaux, codirigés par Corinne Gower-Rousseau du Centre de recherche international sur l’inflammation de Lille, montrent en effet que les patients ne sont pas uniformément répartis sur le territoire français. En recensant les quelque 129089 cas identifiés entre 2009 et 2014, les chercheurs ont montré que les malades sont plus nombreux dans le nord-est de la France ainsi que dans certains clusters hors de cette zone. En tout, 16 clusters ont été identifiés. Les analyses des auteurs indiquent qu’une forte prévalence de la maladie de Crohn est associée à un fort désavantage social – accès à moins de services – et à une importante urbanisation.

Coupe histologique du côlon d’un patient atteint par la maladie de Crohn. © Inserm / Céline Deraison
Le cluster du nord-est de la France englobe 35 % des personnes atteintes de la maladie de Crohn en France. 
Corinne Gower-Rousseau

La semaine prochaine : « Des microbes et des machines ». Rendez-vous pour huit nouveaux faits scientifiques marquants de 2020 !

Retrouvez toutes les avancées scientifiques du rapport d’activité 2020 de l’Inserm :