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Handicap invisible : favoriser l’intégration professionnelle des personnes atteintes de troubles « dys » et de TDAH

Caroline Huron, spécialiste de la dyspraxie à l'Inserm, et Yann Mikaeloff, neuropédiatre expert en gestion du trouble du déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité (TDAH), explorent les stratégies pour favoriser l'intégration professionnelle des personnes touchées par ces handicaps.

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Les troubles dys sont des dysfonctionnements cognitifs pouvant affecter plusieurs capacités telles que la lecture, le langage, les gestes, l’attention et le calcul. Le TDAH altère généralement les capacités d’attention, de concentration et de régulation émotionnelle.

Comment abordez-vous les troubles du neurodéveloppement et les troubles dys dans votre recherche ?

Caroline Huron : Mes travaux visent à mieux comprendre les mécanismes cognitifs et neurologiques sous-jacents à ces troubles, en particulier la dyspraxie. Je m’intéresse également à leur impact sur le quotidien, et à la manière de favoriser l’inclusion scolaire et sociale des personnes atteintes de trouble dys. Parallèlement à mon activité de chercheuse, j’ai fondé une association, Cartable fantastique, pour aider les enfants dyspraxiques à surmonter les obstacles qu’ils rencontrent dans le cadre scolaire. L’association développe et met à disposition des outils et des ressources pédagogiques adaptés pour faciliter l’apprentissage et l’inclusion scolaire des enfants. 

Yann Mikaelof : Mes thèmes de recherche portent essentiellement sur la parentalité, la psychoéducation, notamment dans le cadre du TDAH. En tant que neuropédiatre et psycho-thérapeute, j’accompagne les enfants, les adolescents et leurs familles, pour les aider à mieux gérer le TDAH de leur enfant, car c’est une situation très difficile à prendre en charge. Nous apprenons aux parents à mieux contrôler leurs émotions et les aidons à effectuer les démarches utiles auprès des écoles ou des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), pour qu’elles puissent faire reconnaître le handicap de leur enfant et bénéficier d’adaptations pédagogiques. Au sein de notre unité, nous accompagnons également des collaborateurs Inserm touchés par un trouble dys, ou qui sont parents d’enfants « dys ».

Au travail, quelles sont les clés pour mieux intégrer une personne touchée par un handicap invisible, et plus particulièrement un trouble DYS ?

Caroline Huron : Avant la prise de poste, il est crucial de réfléchir aux tâches cachées associées au travail. Par exemple, si vous êtes dyspraxique, c’est-à-dire que la coordination des mouvements ou la perception spatiale vous pose des difficultés, et que vous êtes embauché pour un poste de vente, comme celui de vêtements, mais qu’une grande partie de votre travail consiste à plier des vêtements sans que cela soit mentionné dans la fiche de poste, vous aurez du mal à y faire face. Cette tâche cachée repose sur des compétences que votre dyspraxie rend particulièrement difficile à effectuer. Comme il est impossible d’anticiper toutes les tâches cachées, je préconise de réaliser une réévaluation des tâches 15 jours après la prise de poste du collaborateur. Ce court délai est important, car si la personne est en sur-régime sur certaines tâches, au bout d’un mois, elle risque d’être déjà en situation de burn-out.

Yann Mikaeloff : Dans le prolongement de ce que dit Caroline, le niveau de fatigue du collaborateur doit être scruté avec attention. Pour une personne en situation de handicap, un grand nombre d’activités demandent un effort conscient et une activité intellectuelle dense. Cette concentration accrue entraîne davantage de fatigue mentale, facteur de risque pour la santé. La mise en place d’aménagements d’horaires si besoin, ou de moyens de compensation, sont des leviers très importants pour permettre à la personne de prendre ses marques sereinement.

C. H. : Effectivement, aménager l’environnement plutôt que chercher à changer la personne est une stratégie gagnante. Dans ce but, les outils de compensation sont indispensables. Par exemple, un logiciel de correction grammaticale et d’aide à la rédaction comme Antidote fonctionne de manière extrêmement efficace pour compenser les troubles du langage écrit. Paradoxalement, l’intégration professionnelle est parfois plus dure pour les dys plus légers car ils n’ont pas forcément été formés sur ces outils de compensation. J’ai pu l’observer avec un doctorant dyslexique, qui n’utilisait pas spontanément le logiciel Antidote fourni parce qu’il n’avait pas appris à le faire durant sa scolarité alors même qu’il écrivait phonétiquement.

Comment améliorer l’organisation du travail pour la rendre plus agréable et productive pour les collaborateurs en situation de handicap invisible ?

C. H. : L’idée que nous devons tous faire notre travail de manière similaire et égale n’a pas de sens. Chacun a ses forces et faiblesses. La plus-value de l’encadrant repose sur la répartition des tâches. Par exemple, confier à un collaborateur qui a des difficultés exécutives l’organisation des rendez-vous avec les patients sera contre-productif. Tout l’enjeu pour la personne en situation de handicap invisible et son manager consiste à s’appuyer sur les points de force et à contourner les déficits.

Y. M. :  Je connais un collègue chercheur qui présente des symptômes d’hyperactivité. Pour lui, participer à des réunions d’évaluation de 3 heures est un supplice. Cela nous a amené à repenser le format des évaluations : un temps plus concentré, avec des pauses. Cette organisation est bénéfique pour tous, elle améliore la circulation des idées et permet des gains de temps significatifs.

C. H. : Si certaines tâches sont trop centrées sur le trouble dys, on peut par exemple faire des binômes. En plus d’être tout aussi efficaces, ils favorisent la création de liens et l’émulation entre les collaborateurs. Par exemple, je connais une chercheuse qui a des troubles de la spatialisation. La bonne lecture des documents de neuro-imagerie est difficile. En revanche, elle dispose de bonnes compétences en matière d’interprétation des résultats. Par conséquent, le travail d’analyse se fait à deux : l’étape de lecture visuelle et descriptive est réalisée par un collègue, et la chercheuse travaille plus spécifiquement sur l’interprétation. Si l’on joue le jeu, c’est l’environnement global d’entreprise qui peut être amélioré. À ce titre, j’ai le souvenir d’un autre chercheur, lui aussi touché par un trouble de la spatialisation : sans l’aide d’un collaborateur, il ne pouvait pas trouver la cantine. L’équipe a décidé de mettre en place une signalisation dans le bâtiment. Elle profite à tout le monde. 

Y. M. : Il est également important de savoir reconnaître les points positifs chez les personnes atteintes de troubles dys, et de ne pas se focaliser sur leur handicap. Par exemple, les personnes atteintes de TDAH ont une énergie inépuisable, et sont très engagées pour la réussite du groupe, si l’on reconnaît leurs difficultés.

C. H. : Je suis d’accord. Des études ont montré que l’engagement des étudiants en situation de handicap dans leur scolarité était particulièrement élevé, à condition qu’on mette en place des outils de compensation pour leur permettre de le faire. 

Selon vous, vaut-il mieux communiquer sur son handicap dans l’environnement professionnel ?

C. H. : Cela dépend en grande partie du souhait de la personne. Si elle évoque son handicap lors du recrutement ou auprès de son manager, il faut lui demander si elle souhaite que cette information soit communiquée au sein du laboratoire. Le fait de communiquer facilite la mise en place d’aménagements, mais il arrive que certaines personnes ne souhaitent pas le faire, peut-être pour se prémunir d’éventuelles discriminations. Cette prudence est compréhensible, sachant que, dans l’imaginaire collectif, le handicap est encore trop souvent associé à un manque de compétence. 

Y. M. : Disons que dans le cas où la personne a communiqué son diagnostic, des adaptations officielles peuvent être mises en place. De plus, le manager peut ouvertement faire ce qui est recommandé. Dans ces cas-là, il peut par exemple faire une petite présentation du trouble à l’équipe, pour l’expliquer et mettre en avant les forces et aspects positifs qui découlent de ce trouble.

C. H. : Dans le cas où la personne décide de ne pas communiquer sur son handicap, le risque est que les collègues ou le manager ne se rendent pas compte que la tâche n’est pas bien réalisée à cause du trouble. En tant que manager, si l’on voit que quelque chose bloque, le mieux consiste à discuter avec la personne afin d’identifier d’où provient la difficulté, plutôt que de réexpliquer la consigne en pensant qu’elle n’a pas été comprise. Parfois il s’agit juste d’une reformulation. Par exemple, pour une personne atteinte de dyspraxie, le simple fait de dire « avant la virgule » au lieu de « à gauche de la virgule » peut tout changer.

Y. M. : Si le trouble n’est pas déclaré, la formation du manager prend toute son importance. Elle aidera à repérer les phénomènes de compensation et le manager pourra s’adapter. Le management bousculant, c’est-à-dire le « tout de suite, c’est urgent », n’aura que des conséquences négatives. Une règle de base, c’est qu’il ne faut pas acculer une personne qui fait des efforts pour compenser son handicap. Par exemple, s’il y a une réunion de dernière minute, il sera beaucoup plus inclusif d’octroyer à la personne le temps de préparer son ordinateur, et de la laisser corriger son compte-rendu avec son outil d’assistance avant de le remettre. En résumé : être capable de respecter les micro-délais nécessaires pour que la personne puisse réaliser la tâche demandée dans de bonnes conditions. De plus, il a été prouvé que le management autoritaire n’était pas rentable. L’Organisation internationale du travail (OIT) a publié une étude qui montre que 30% du temps de travail est gâché par la gestion des conséquences de la souffrance au travail. La bienveillance est beaucoup plus rentable. Et il y a des formations pour s’améliorer.

Atelier « Silence, on sensibilise votre petit déjeuner »

Le 17 octobre, l’Inserm organise un atelier d’une heure en présentiel, à Paris, pour se former à une meilleure compréhension des troubles du neurodéveloppement et du handicap auditif. L’atelier proposera notamment des mises en situation concrètes. Celles-ci permettront d’acquérir les clés essentielles pour inclure au mieux les personnes en situation de handicap dans l’environnement professionnel.

Les sessions commencent à partir de 9h30 et se terminent à 12h. En raison du nombre restreint de places, l’inscription est obligatoire.

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