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Recours aux animaux à des fins scientifiques : vers un centre 3R français

Comment rendre l’utilisation des animaux dans les activités de recherche plus éthique ? En mettant en pratique les principes « 3R » : Replacement, Reduction & Refinement, soit remplacer, réduire et améliorer l’emploi d’animaux dans l’expérimentation.

National
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« On observe depuis les années 1990 une évolution de la sensibilisation des chercheurs à la question de l’utilisation des animaux à des fins scientifiques, note Brigitte Rault, responsable du Bureau éthique
et modèles animaux (BEA) à l’Inserm. Celle-ci suit finalement l’évolution de la société sur ce sujet. Ainsi, si le respect des animaux a toujours constitué une préoccupation au sein de la recherche biomédicale, cet intérêt est encore plus prégnant chez les jeunes générations de chercheurs. » Pour accompagner cette évolution, l’Inserm, comme les autres grands instituts de recherche français, s’est adapté très tôt. Faisant suite aux mesures énoncées en 1992 par Hubert Curien, alors ministre de la Recherche, l’Institut s’est doté d’un Bureau de l’expérimentation animale, intégré en 2016 au groupe Organismes, modèles et ressources
du pôle Infrastructures. « Cela a permis de faire bouger les lignes, notamment en ce qui concerne la réglementation, poursuit Brigitte Rault. La directive européenne de 2010, qui reprend les bases du 3R, s’est avérée particulièrement importante. »

3R ? Cette démarche, qui se décline en trois grands principes, vise d’une part à réduire le nombre d’animaux utilisés dans la recherche, d’autre part à les remplacer – quand c’est possible – par d’autres modèles expérimentaux, et enfin à limiter au maximum les effets négatifs des recherches sur les animaux. « Nous avons déployé des efforts considérables pour faire connaître et comprendre ces principes à nos personnels, en proposant notamment des formations avec nos partenaires académiques, reprend Brigitte Rault. Un accompagnement est indispensable pour que les chercheurs puissent décliner les textes réglementaires en application, en les adaptant à la réalité du terrain. Mais déployer cette campagne de sensibilisation chacun de son côté n’était pas le plus pertinent, ni le plus efficace. »

Une première tentative de C3R avortée

L’Inserm et le CNRS unissaient déjà leurs forces pour préparer des directives communes, destinées à leurs équipes qui travaillent souvent ensemble au sein des unités mixtes de recherche. Passer
à l’échelle supérieure était pourtant indispensable. « En 2018, nous avons vu émerger le besoin d’une structure nationale, légitime et référente, qui assurerait un rôle de promotion et de support pour la diffusion des 3R », retrace la responsable du BEA. La conception d’un tel organisme avait déjà été tentée une dizaine d’années plus tôt : créé en 2007, le groupement d’intérêt scientifique (GIS) Francopa avait en effet pour ambition de constituer un centre 3R français. Mais, faute de moyens, il s’est concentré
sur les aspects relevant de la validation des méthodes en toxicologie. « Face à la pression de la société,
les décideurs n’ont pas toujours réagi avec suffisamment d’énergie,
regrette Thierry Galli, directeur de l’institut thématique Biologie cellulaire, développement, évolution de l’Inserm. Quant aux chercheurs, leur préoccupation principale est de mener des études selon les meilleurs standards internationaux, sans multiplier les contraintes. Peut-être y avait-il aussi la nécessité de s’inspirer d’un premier modèle de structure nationale, pour montrer qu’il était possible et indispensable de centraliser la question de l’expérimentation animale et des 3R. » Cet exemple sera donné grâce à la création du NC3Rs (National Center for the Replacement, Refinement and Reduction of Animals in Research), au Royaume-Uni en 2004, et dont l’action a rapidement fait ses preuves. 

Plus tard en France, le monde de la recherche et le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation (Mesri) décident de lui emboîter le pas. Un groupe de travail est mis sur pied fin 2019, avec pour mission d’élaborer un document de propositions décrivant les objectifs du futur C3R français, sa structure juridique et sa gouvernance, ses relations avec les organisations existantes, et son budget. Sous la direction de Thierry Galli, le groupe rassemble des responsables du CNRS, du CEA, de l’institut Pasteur, d’INRAE et du Gircor – le groupe interprofessionnel de réflexion et de communication sur la recherche, qui rassemble des établissements publics et privés
pour mener des actions de communication vers le grand public sur l’expérimentation animale.

Une structure déjà inscrite dans la loi de programmation de la recherche

« Ce groupe de travail s’est appuyé sur les premières réflexions menées par les BEA. Nous les avons
complétées avec plus de 75 questionnaires réalisés auprès d’acteurs de la recherche publics et privés, en France et à l’étranger
 », précise Thierry Galli. Les réunions se poursuivent jusqu’en mai et,
en juillet 2020, le rapport est remis au Mesri. L’amendement qui acte la création du centre 3R dans la loi de programmation de la recherche est quant à lui voté dès septembre 2020. Il reprend largement les préconisations du groupe de travail. « Avec l’exemple du Royaume-Uni et sous l’impulsion de la Commission européenne, les centres 3R se sont multipliés en Europe ces dix dernières années, note Serban Morosan, directeur de l’unité Phénotypage du petit animal à l’Inserm et chargé de mission Europe pour l’Inserm dans le domaine de l’expérimentation animale. Cela peut donner le sentiment que la France est en retard, mais ce n’est pas tout à fait vrai. Car au sein des laboratoires, les 3R sont déjà appliqués depuis longtemps dans la plupart des projets de recherche. L’inscription dans la loi de la création du C3R est cependant une excellente nouvelle, car elle officialise cette démarche. Nous attendons maintenant de savoir quels moyens lui seront alloués. » Cette question est encore en discussion entre les organismes de tutelle du futur C3R (Inserm, CEA, INRAE, CNRS, institut Pasteur, Inria, IRD, Commission de la recherche et de l’innovation, Udice) et le Mesri. « Nous démarrons avec une implication volontariste des partenaires publics », prévient Thierry Galli. 

De la formation à la communication en passant par l’ingénierie

Ses missions justement, quelles seront-elles ? D’abord, répertorier les formations existantes autour des 3R et développer cette offre pour y intégrer, notamment, les nouveaux dispositifs (tissus in vitro, organoïdes…). « Plus le C3R sera solidement établi, mieux on formera nos étudiants et nos chercheurs », selon Serban Morosan. Ensuite, le centre fournira un service d’ingénierie de projets aux chercheurs,
pour les aider à bâtir leurs études en s’appuyant sur des moyens 3R. « Disposer par exemple d’une base
de données centralisée qui recense toutes les méthodes complémentaires, pour un chercheur, cela n’a pas de prix
 », explique le directeur d’unité.

Par ailleurs, le centre sera chargé d’inciter à l’échange de lignées d’animaux et au partage des résultats négatifs de la recherche, pour éviter le lancement de projets redondants. « Le conseil scientifique du C3R aura la capacité de valider des mini-publications sur des expérimentations, qui ne seront pas publiées dans des revues scientifiques, mais offrent un intérêt sur le plan de l’avancement des 3R », précise Thierry Galli. Le centre devrait également jouer un rôle d’agence de financement de projets, pour des études qui n’engendrent pas des avancées biomédicales de manière directe, mais qui ouvrent des perspectives pour l’expérimentation animale – comme la mise au point de nouveaux modèles expérimentaux répondant aux critères de la règle des 3R. Enfin, il assurera la communication sur les principes 3R auprès de la communauté scientifique et du grand public.

Une contribution aux ambitions européennes

« Les missions du C3R sont compatibles avec celles des autres organismes, estime Thierry Galli. En ce qui concerne la communication par exemple, nous agirons pour expliquer l’intérêt des 3R tandis que le Gircor continuera à axer ses actions sur l’intérêt de l’expérimentation animale en général. » Une charte de transparence, signée en février 2021 par l’Inserm notamment, vient compléter ce dispositif. « Des réorganisations restent à effectuer dans les missions des différentes organisations impliquées dans l’expérimentation animale qui graviteront autour de ce nouveau centre, prévient Serban Morosan. Cette démarche se fera avec bon sens, dans un objectif de complémentarité. » La mise en place du C3R français s’inscrit également dans une optique européenne, puisque tous les pays de l’Union ou presque ont développé leur propre structure, ou sont engagés dans cette démarche. « Il existe un effet boule de neige entre les pays européens, et depuis un peu plus d’un an, un réseau européen des C3R s’organise, révèle Serban Morosan. De plus en plus d’acteurs s’engagent, avec une forte motivation à bien faire et à partager les bonnes pratiques. » Au sein de ce réseau, le C3R français aura bien sûr toute sa place à prendre. Il devrait voir le jour en 2021 et être hébergé à l’école vétérinaire de Maisons-Alfort, un lieu chargé d’histoire où l’on apprend aux étudiants à prendre soin des animaux. Tout un symbole. 

Une charte de la transparence, pour améliorer la communication vers le grand public

S’engager à expliquer pourquoi, quand et comment les animaux sont utilisés à des fins
de recherche scientifique : voilà en quelques mots l’objectif de la Charte de transparence
sur le recours aux animaux à des fins scientifiques et réglementaires en France
que l’Inserm et une trentaine d’autres organismes, publics comme privés, ont signé
en février 2021. « C’est un outil complémentaire au C3R, note Serban Morosan. La charte de transparence était attendue par la communauté scientifique mais aussi par le grand public. »

La charte se décline en quatre points :

  • expliquer les raisons et les conditions du recours aux animaux à des fins scientifiques et réglementaires
  • diffuser l’information auprès du grand public et des médias ;
  • faciliter les échanges d’information avec le grand public et les médias ;
  • produire chaque année un document sur les progrès en matière d’information du public

Cet article est issu de la partie Enjeux de la recherche du rapport d’activité 2020.