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Semaine européenne pour l’emploi des personnes handicapées #1

​Découvrez le témoignage de Sébastien, chercheur​​

National
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Sébastien est chercheur à l’Inserm. Il a intégré l’Institut par la voie contractuelle directe, une voie de recrutement dédiée aux personnes en situation de handicap.


Vous êtes chercheur, sur quelles thématiques travaillez-vous ?

Je suis à la fois pharmacien et biostatisticien. Mes recherches portent sur les méthodes statistiques appliquées à l’analyse des données observationnelles en recherche clinique sur les maladies chroniques, et, en particulier, sur le syndrome d’apnée du sommeil. J’ai passé ma thèse et mon post-doctorat au sein de laboratoires Inserm et j’ai donc naturellement continué à travailler pour l’Institut par la suite.


Votre handicap a‑t-il des incidences sur votre quotidien au travail ?

Je suis sourd profond de naissance. La surdité implique des difficultés de communication qui nécessitent la mise en place de méthodes alternatives pour s’informer et échanger. Je suis appareillé et implanté (sur une oreille) depuis janvier 2013. Cependant, je reste très dépendant de la lecture sur les lèvres pour comprendre mes interlocuteurs. Ainsi, une discussion téléphonique reste laborieuse et ma préférence va naturellement vers une rencontre physique ou une visioconférence. Cela prend donc davantage de temps pour construire des relations, d’autant plus que les personnes entendantes ne se représentent pas aisément les conséquences de la surdité. L’instauration d’un échange prend parfois du temps.


Quelles ont pu être les conséquences de votre handicap sur votre parcours et/ou dans le milieu professionnel ?

La première conséquence sur mon cursus a été le choix d’une filière courte, car je craignais de ne pas pouvoir suivre un cursus universitaire. Ainsi, j’ai commencé par un BTS d’analyses biologiques. Cette orientation m’a permis de faire mes premiers pas dans la recherche et de comprendre qu’il m’était possible d’aller plus loin. J’ai poursuivi mon parcours sous forme de défis successifs. Chaque défi me rassurait sur ma capacité à m’inscrire dans un cadre collectif, et me prouvait aussi qu’il est possible, étant sourd, d’avoir un parcours universitaire.

La deuxième conséquence est la difficulté dans l’apprentissage d’une langue étrangère qui nécessite un investissement plus important, notamment pour la lecture labiale. Ma thèse a été l’occasion de travailler sur cet aspect, tant à l’écrit qu’à l’oral avec deux présentations en anglais dans des congrès internationaux. Devenir bilingue à l’oral reste un défi sur lequel je travaille encore.


Comment avez-vous eu connaissance de la voie contractuelle directe ? Qu’avez-vous pensé de cette procédure de recrutement ?

Je connaissais déjà cette possibilité de recrutement dans la fonction publique. À l’Inserm, il m’a été proposé de poser ma candidature à l’issue de ma thèse. J’ai trouvé qu’il s’agissait d’un exercice exigeant, pour lequel il fallait démontrer ses compétences et son projet. Ceci est rassurant car ce n’est pas basé sur le handicap, mais bien sur le projet scientifique porté au sein du laboratoire.

Le mot du membre de jury

Il peut être compliqué pour les personnes en situation de handicap de se présenter au concours de droit commun. Elles refusent souvent d’évoquer leur handicap, de peur que cela puisse les freiner dans leur évolution professionnelle. Or, le handicap peut impacter la production scientifique et donc le dossier qui sera présenté pour accéder au concours. Par exemple cela peut occasionner des difficultés quotidiennes ou entraîner des absences parfois longues et ainsi impacter le nombre de publications malgré un niveau scientifique remarquable.

Le recrutement par voie contractuelle permet de partir du postulat selon lequel les personnes qui vont être auditionnées sont en situation de handicap. La prise en compte de leur activité scientifique est soumise à modulation en termes de publications, de recherche de financements et de projets. L’adaptation au poste de travail est également importante. Le fait de pouvoir en parler permet d’anticiper. C’est un sujet qui ne serait pas nécessairement évoqué dans le cadre d’un concours de droit commun.

Dans les auditions auxquelles j’ai pu assister, j’ai été frappé par la qualité des dossiers reçus. C’est comme si le handicap poussait les personnes à se surpasser. Je le constate également dans le cadre de mes activités d’ophtalmologue et président du comité scientifique d’une association de patients parfois malvoyants. Certains patients atteints d’une myopie forte ne se considèrent pas en situation de handicap. Ils vont déployer des moyens extraordinaires pour compenser leur handicap. Au travail, ils vont par exemple apprendre par cœur leur présentation plutôt que de lire leurs diapositives. Ce sont des stratégies de compensation impressionnantes, que la plupart des personnes qui ne souffrent pas d’un handicap auraient beaucoup de difficultés à mettre en œuvre.

Le recrutement par la voie contractuelle permet ainsi d’intégrer parmi les membres du personnel des personnes en situation de handicap, souvent à l’origine d’une production scientifique de haut niveau.

C’est une vraie richesse pour l’Inserm de s’engager pour l’emploi des personnes handicapées.

Professeur Nicolas Leveziel, chef du service d’ophtalmologie au CHU de Poitiers​, Unité Inserm 1084