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Femmes / hommes : sommes-nous égaux face au traitement de la douleur par la morphine ?

Est
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La perception et l’intégration de la douleur sont des phénomènes extrêmement complexes influencés à la fois par le fond génétique des patient​.es, l’âge, le sexe, le contexte socio-économique, les comorbidités et les traitements associés. Dans ce contexte, il est nécessaire de développer des traitements et des thérapies qui prennent en compte l’individu à part entière afin d’améliorer la prise en charge de la douleur.

Depuis plusieurs années, des études ont mis en évidence l’existence de différences entre les femmes et les hommes face à la douleur et aux traitements.

En effet, la prévalence de la douleur chronique est supérieure dans la population féminine (~35%) que masculine (~28%) et la consommation d’antalgiques est supérieure chez la femme. Les utilisateurs.trices d’antalgiques opioïdes faibles comme la codéine ou le tramadol sont, par exemple, majoritairement des femmes (~58%) en 2015. Les substrats biologiques à l’origine de ces différences restent cependant peu connus.

Yannick Goumon, chargé de recherche Inserm, Florian Gabel (doctorant), et leur groupe de recherche au sein de l’Institut des Neurosciences Cellulaires et Intégratives (unité propre du CNRS) se sont intéressés à cette question et plus particulièrement aux différences liées au sexe dans la réponse à la morphine en utilisant un modèle murin. Leurs résultats illustrent l’importance de considérer le sexe comme une variable biologique dans les études pré-cliniques et cliniques afin d’améliorer la prise en charge de la douleur chez la femme.

Ces résultats sont publiés dans la revue British Journal of Pharmacology datée du 8 février 2022.

Le traitement de la douleur, un enjeu de santé publique

La douleur, et en particulier la douleur chronique, représente un problème de santé publique majeur à travers le monde. La prévalence de la douleur chronique avoisine 30 % de la population adulte française, avec un coût économique de plusieurs dizaines de milliards d’euros. En plus d’être invalidante, cette dernière est très souvent associée à un nombre important de comorbidité comme des troubles de l’anxiété et la dépression.

Les douleurs aiguës et chroniques sont traitées par différents antalgiques en fonction du type et de l’intensité douloureuse. La morphine, antalgique de référence, est un alcaloïde produit par le Papaver somniferum qui est utilisé depuis plusieurs millénaires pour soulager la douleur sévère. Ses effets résultent principalement de l’activation des récepteurs opioïdes de type µ en partie localisés dans la moelle épinière, ainsi que dans des zones cérébrales impliquées dans le traitement de l’information nociceptive. Chez les mammifères, la morphine est métabolisée majoritairement dans le foie pour produire principalement un dérivé : la morphine-3-glucuronide (M3G) qui est pronociceptive (i.e., provoquant une douleur). Par conséquent, le métabolisme est à l’origine d’un équilibre entre les quantités de morphine qui créent une forte analgésie et les quantités de M3G qui s’opposent aux effets de la morphine.

Des disparités chez les femmes et les hommes

Les études réalisées sur les effets de la morphine chez la femme et l’homme sont conflictuelles du fait de l’hétérogénéité des populations considérées. En effet, on distingue autant d’études qui suggèrent que l’analgésie est meilleure chez la femme que chez l’homme, que d’études qui indiquent le contraire. A l’opposé, chez les rongeurs, la vaste majorité des articles publiés indique que les femelles sont moins sensibles à la morphine et que le développement des effets secondaires, et notamment de la tolérance antinociceptive (i.e. diminution de l’effet analgésique d’une dose de morphine donnée après une administration chronique) est influencée par le sexe.

Découverte d’un dimorphisme sexuel dans le métabolisme au sein du système nerveux central

Le groupe de Yannick Goumon dont Florian Gabel a utilisé un modèle de souris mâles et femelles adultes, permettant l’étude d’une population homogène d’individus. Leurs travaux ont mis en lumière, pour la première fois, un métabolisme central de la morphine in vivo chez la souris, et plus particulièrement, au sein de régions clefs dans le traitement de l’information nociceptive. Les données présentées mettent également en évidence un dimorphisme sexuel important dans ce métabolisme central. À la vue des effets induits par la morphine et son métabolite prédominant, la M3G, les auteurs suggèrent que ce dimorphisme sexuel pourrait participer à la variabilité liée au sexe observée dans les effets antinociceptifs de la morphine. Les différences entre les femelles et les mâles dans la tolérance antinociceptive, un des effets secondaires de la morphine, sont également au cœur de l’étude. Néanmoins, ces dernières ne semblent pas être influencées par le dimorphisme sexuel observé dans le métabolisme de la morphine.

Ces résultats démontrent que le dimorphisme sexuel existant dans le métabolisme, en particulier au sein du système nerveux central, est une source potentielle de variation des effets de la morphine. Plus globalement, cette étude illustre l’importance de considérer le sexe comme une variable biologique dans le développement d’antalgiques destinés au traitement de la douleur en clinique.

Ces travaux ont été réalisés au sein de l’Institut des Neurosciences Cellulaires et Intégratives (unité propre 3212 du CNRS) dans l’équipe Signalisation nociceptive dans la moelle épinière, avec le soutien du plateau technique de Spectrométrie de Masse des Petites Molécules de Strasbourg (PSMPM) | https://inci.u‑strasbg.fr/

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