Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Pascal De Santa Barbara : J’ai été recruté comme chercheur à l’Inserm il y a presque 20 ans suite à un stage postdoctoral effectué aux États-Unis. Je suis actuellement directeur de recherche dans le laboratoire « Physiologie et médecine expérimentale du cœur et des muscles » à Montpellier, plus communément appelé PhyMedExp. Je co-dirige avec Sandrine Faure, directrice de recherche CNRS, une équipe de 18 personnes. Sur un plan plus personnel, j’ai la chance d’être l’heureux papa de 3 grands garçons.
Sur quoi portent vos travaux de recherche ?
PDSB : J’étudie les mécanismes qui contrôlent le développement du muscle lisse digestif pendant la période embryonnaire en utilisant un modèle animal un peu particulier : l’embryon de poulet. Je cherche à savoir si ces mécanismes sont altérés ou impliqués dans plusieurs pathologies digestives : maladies rares, cancer, obésité. Cette approche a pour objectif de proposer un diagnostic ciblé sur le muscle lisse digestif afin de développer des approches thérapeutiques efficaces.
Quel est le jour de votre vie professionnelle que vous aimeriez revivre ?
PDSB : De nombreuses journées ou étapes m’ont permis d’avancer dans mon travail. Le métier de chercheur par définition est un métier fait d’aventures renouvelées, avec des portes qui s’ouvrent, des chemins à suivre qui permettent d’aller toujours de l’avant. Plutôt que de vouloir revivre un jour donné de ma vie professionnelle, aussi formidable soit-il, j’espère surtout vivre d’autres grands moments d’effervescence dans les années à venir.
Quel est le cliché chez les chercheurs…qui n’en est pas un selon vous ?
PDSB : J’ai participé récemment au projet de médiation scientifique « Speeding arrow » porté par l’unité de service montpelliéraine Genopolys (Inserm, CNRS, Université de Montpellier). Ce projet est tourné vers les lycéens et l’un de ces objectifs est d’aborder le sujet de l’expérimentation animale. Certains jeunes nous ont fait remarquer que de manière générale les chercheuses et les chercheurs étaient trop sérieux et un peu déconnectés de la société. J’espère sincèrement que ce n’est qu’un cliché car en tant que chercheur nous avons une mission de transmission des connaissances vers les citoyennes et citoyens, une mission de lutte contre la désinformation. Avec les dérives que nous avons vécues pendant la crise sanitaire, nous devons plus que jamais être connectés à la société.
Qui vous inspire dans votre sphère professionnelle ?
PDSB : Un ensemble de talentueux chercheurs et chercheuses que j’ai pu rencontrer au cours de ma carrière tels que le Pr. Philippe Berta, mon directeur de thèse, mais aussi les Prs. Jacques Demaille, Drucilla Jane Roberts, Patricia K. Donahoe, et Jacques Mercier. Ils m’ont transmis la passion de la recherche, la persévérance et la bienveillance. Ils m’ont surtout permis de m’épanouir en tant qu’Homme et en tant que chercheur, en me faisant confiance, en me laissant libre de tester différentes hypothèses et finalement en me donnant l’opportunité de développer et de fédérer une équipe de recherche autour des thèmes qui me sont chers.
De quelle réalisation êtes-vous le plus fier ?
PDSB : J’ai créé une équipe de recherche dont l’objectif est, à partir de la biologie du développement, de mieux comprendre les pathologies digestives. Il y a plusieurs années, j’ai rencontré l’association française des patients atteints du syndrome de pseudo obstruction intestinale chronique ou POIC. Cette maladie rare dont les formes pédiatriques sont les plus graves touche une centaine d’enfant en France. Elle est caractérisée par un transit intestinal anormal empêchant l’alimentation des patients. Une assistance nutritionnelle est alors nécessaire. J’ai été immédiatement admiratif du travail effectué par les bénévoles, la plupart étant des parents d’enfants atteints de ce syndrome.
Je me suis promis alors que mon équipe mettrait tout en œuvre pour mieux comprendre cette maladie rare qui à l’époque était orpheline de cliniciens, de chercheurs et de diagnostics. Nous avons au fil du temps tissé des liens forts avec les enfants et leurs parents. Au cours des dix dernières années, nos travaux ont participé à une meilleure compréhension de la physiopathologie du syndrome POIC et permis de mobiliser en France des cliniciens sur le sujet. Tout cet élan a abouti en 2021 à la publication par un consortium d’experts d’un Programme de soin de santé (PNDS) sur le syndrome POIC par la Haute Autorité de Santé. En tant que chercheur fondamentaliste, ce résultat concret et collectif est ma plus belle réalisation.
Quelle chanson vous met de bonne humeur pour commencer votre journée de travail ?
PDSB : Pas une chanson, mais plutôt les chansons d’un groupe mythique, les Rolling Stones. J’écoute ça avec un peu de nostalgie parfois. Mais je me nourris surtout de l’énergie dégagée par leurs morceaux et du vent de liberté sous-jacent pour continuer à avancer, être audacieux, surmonter les écueils et aller plus loin dans mon travail.
Si vous pouviez être quelqu’un d’autre le temps d’une journée, qui aimeriez-vous être ?
PDSB : Je me glisserais je crois dans la peau d’un sportif de haut niveau pour réaliser quelques prouesses, c’est vrai, mais également pour me servir de ma notoriété afin de mobiliser du monde autour de cette cause qui m’est chère : les patients POIC.
J’ai une petite préférence pour le décathlonien montpelliérain Kévin Mayer, un athlète au grand cœur, incroyablement performant dans de nombreuses disciplines. Il est un peu à l’image du chercheur qui, avec ses multiples casquettes, tente de relever ses défis s cientifiques.
Que contient votre liste de vœux pour ces 5 prochaines années ?
PDSB : Paix, solidarité, santé et savoir !!! La paix, c’est vrai, peut paraitre un peu « tarte à la crème » mais considérant le contexte international actuel nous avons grandement besoin d’un apaisement des tensions. La solidarité parce qu’ensemble on va plus loin. A l’échelle d’une équipe de recherche par exemple, l’alchimie entre les personnels investis est nécessaire, voire vitale pour développer des études complexes.
Être en bonne santé naturellement pour profiter de la vie, mais également mettre cette vitalité au service des projets que je mène en recherche fondamentale et translationnelle. Et in fine produire de la science, des connaissances, du savoir pour éclairer le débat public sur les questions de santé à une époque où tout va trop vite et parfois un peu de travers.