Jennifer Bourreau possède une double casquette, technicienne de la recherche au sein du Laboratoire MitoVasc (« Physiopathologie Cardiovasculaire et Mitochondriale » – UMR 1083 Inserm/CNRS/Université d’Angers) et formatrice en expérimentation animale.
Aviez-vous envisagé de travailler dans la recherche médicale dès le départ ?
Je n’ai pas envisagé dès le départ la recherche médicale. J’ai grandi au milieu des animaux, et depuis toute petite, c’est une véritable passion. L’origine de tout mon cursus, c’est d’abord l’envie de travailler auprès des animaux. Le désir de rentrer dans la recherche médicale est venu plus tard. Lorsque j’ai voulu entamer mes études, il a fallu choisir entre deux parcours, dont un plutôt axé recherche. C’est à ce moment-là que j’ai décidé de rejoindre ce domaine.
Quel est votre parcours scolaire et professionnel ?
J’ai un parcours plutôt atypique. Dans un premier temps, j’ai obtenu un BEP (Brevet d’Etudes Professionnelles) « animalier de laboratoire » à l’Ecole de Vendôme, une formation référence en France. J’ai continué avec un BTA (Brevet de Technicien Agricole) pour devenir Technicienne de laboratoire, avec une spécialisation chez l’animal. Au cours de ces quatre années d’études, j’ai travaillé deux étés dans un laboratoire de recherche sur Paris, et un été dans une société privée, comme technicienne animalière, à Angers. À la fin de mon cursus, j’ai rejoint un premier laboratoire privé sur Angers, plutôt axé vétérinaire, pendant deux ans. Lorsque mon contrat s’est terminé, je me suis retrouvée au chômage avant de trouver un emploi au sein d’une animalerie. C’était une expérience enrichissante, qui m’a beaucoup aidé, en particulier pour le conseil sur les animaux, notamment sur leur bien-être et leurs conditions d’hébergement. Par la suite, j’ai travaillé dans un autre laboratoire à Nantes.
En 2005, on m’a proposé un poste à l’Université d’Angers, dans l’ancien laboratoire de physiologie, aujourd’hui nommé MitoVasc. Initialement j’ai été embauchée en CDD, notamment pour mettre en place l’animalerie du laboratoire. Au fil des rencontres, j’ai eu la possibilité de rejoindre une équipe de recherche et d’évoluer adjointe technique vers le statut technicienne de la recherche. Globalement, j’ai travaillé sur des projets médicaux mais aussi spatiaux, en collaboration avec des personnes du CNES. J’ai reçu une proposition afin de dispenser des cours. Il m’a fallu, à 33 ans, obtenir un niveau Licence ; ce que j’ai fait par le biais d’une VEA (Validation des Acquis de l’Expérience). C’était une sacrée aventure ! Après avoir travaillé plusieurs années auprès de chercheurs Inserm, j’ai souhaité m’engager dans la recherche médicale. J’ai passé un concours interne, que j’ai réussi, et j’ai intégré l’Inserm en 2019.
En quoi consiste votre métier concrètement ?
Je suis donc technicienne de la recherche au sein de l’Inserm, plus précisément au sein du laboratoire MitoVasc. À ce titre, je participe à l’élaboration de projets de recherche nécessitant des animaux. Au cours des projets, je m’occupe des animaux : je gère les hébergements, j’interviens dans différents actes chirurgicaux, mais j’aide aussi à l’analyse de données. Aujourd’hui, je me forme aussi à l’électrophysiologie.
Durant ma première année à l’Inserm, j’ai eu l’occasion d’échanger avec Michèle Hays, la responsable formations. Sur ses conseils, et puisque je donnais déjà des cours depuis quelques années, j’ai suivi un enseignement pour devenir Formatrice en Expérimentation animale. J’ai donc cette double casquette technicienne et formatrice. C’est vraiment très enrichissant au quotidien !
Qu’est-ce qui vous motive le plus dans votre métier ?
Je résumerais cette question en 3 idées : Rencontres – Parce que le travail de recherche, c’est indéniable, c’est un travail d’équipe et qui nous amène à collaborer avec énormément de personnes ! Transmettre – Parce que j’ai la possibilité de transmettre mon savoir et mon expertise dans et hors du laboratoire. Et enfin, Évolution des projets – Parce que j’ai eu et j’ai toujours la chance de participer à des projets, de leur conception à leur finalisation. C’est vraiment très intéressant de voir toutes les étapes et de voir que le travail effectué aboutit et finit par payer !
La parité devrait être une normalité.
Qu’est-ce que la parité selon vous ?
Pour moi la parité ça signifie « pareil », « égal ». Dans le contexte du travail, par exemple, on doit tous avoir les mêmes opportunités, indépendamment de notre genre.
Qu’en est-il de la parité femmes/hommes en général et au sein de l’Inserm ?
Au sein du laboratoire MitoVasc, il y a autant de chercheuses que de chercheurs, mais c’est très net, il y a davantage de femmes que d’hommes au niveau du personnel technique. Si on s’intéresse davantage aux agents certifiés Inserm dans le laboratoire, il n’y a que mon Directeur, une collègue chercheuse et moi-même. Ce n’est donc pas un choix de l’Inserm d’avoir autant de femmes par rapport aux hommes. Plus globalement, ce n’est qu’un constat. Toutes les personnes qui sont intégrées aux différentes équipes sont présentes du fait de leurs compétences, de leur expérience et de leur envie commune de travailler dans la recherche. Femmes ou hommes, nous formons tous ensemble un groupe de travail solide.
De manière générale, dans les autres laboratoires dans lesquels j’ai officié, parfois il y avait davantage d’hommes, parfois autant. Mais là encore, c’était la synergie des différentes personnes qui primait, non pas le fait de vouloir à tout prix autant d’hommes que de femmes au sein des équipes. L’important c’est la cohésion et la bienveillance de chacun.
Au cours de votre carrière, avez-vous rencontré des difficultés parce que vous êtes une femme ?
Personnellement, ça ne m’est jamais arrivé. Au contraire, je suis de nature plutôt sociable et j’aime beaucoup aller à la rencontre de nouvelles personnes. Et les rencontres, ça permet d’évoluer ! Lorsque j’ai des projets personnels ou des interrogations, j’ai toujours eu de mon entourage de travail, des personnes, femmes ou hommes, qui sont présentes pour m’orienter ou pour me soutenir. Je n’ai jamais fait face à des comportements déplacés ou sexistes. J’ai peut-être eu de la chance. Néanmoins, dans le domaine de l’expérimentation animale, beaucoup de personnes sont issues des mêmes cursus, comme l’école Vendôme. Des liens se créent au cours des études et restent même au-delà de la formation.
Pour vous donner un exemple, j’ai eu un oral à passer dans le cadre du concours que je poursuis en ce moment. J’ai eu la possibilité d’accéder à cet oral, alors qu’un collègue, pourtant avec un bagage de connaissances similaire, n’a pas été admis. Le fait d’être une femme ne m’a pas été préjudiciable.
Je sais aussi que la maternité peut parfois être source de difficulté pour évoluer. En ce qui me concerne, ma vie personnelle n’a pas impacté ma vie professionnelle. J’ai 2 enfants, j’étais déjà en CDD au moment de mes grossesses, et ça s’est fait sans problème. D’ailleurs, aujourd’hui il y a énormément de dispositifs mis en place pour concilier sa vie de famille et son envie d’évolution.
« Les femmes sont moins à l’aise à l’oral ; c’est un réel frein pour leur évolution ». Qu’en pensez-vous ? Note : cette affirmation provient de l’interview de Mme Rédini, Directrice de recherche Inserm.
C’est vrai que je ne suis pas forcément très à l’aise à l’oral. Je suis même une formation pour m’améliorer, toutefois je ne suis pas aussi mal-à‑l’aise pour voir un frein dans l’oral. Je sais ce que je vaux et ce que je suis capable de faire. En ce qui concerne les oraux, j’ai toujours trouvé dans mon entourage de travail des personnes pour m’entraîner, que ce soient des collègues chercheur(e)s, parmi des collègues techniciennes ou encore le Directeur de mon laboratoire actuel. Finalement, qu’on soit homme ou femme, il ne faut pas hésiter à demander du soutien à ses collègues dans un cas similaire, surtout si l’oral n’est pas notre point fort. Je pense que c’est vraiment dépendant de la personne et de sa personnalité.
A niveau d’études équivalent, pensez-vous que les femmes doivent produire davantage d’efforts que les hommes pour prouver leur légitimité ?
Je ne pense pas qu’une femme doive forcément travailler davantage. Mais les femmes ont à cœur de tout donner pour démontrer que, si elles occupent leur poste, c’est justifié. Finalement si on fait le même métier, c’est parce qu’on a des compétences similaires et autant de valeur qu’un collègue masculin. Les femmes ne devraient être, ni se sentir dévalorisées.
Selon vous, les hommes accèdent-ils plus facilement à des postes à plus hautes responsabilités ?
Honnêtement, je ne pense pas. Si je prends l’exemple des techniciens et techniciennes du laboratoire, parmi ceux qui sont les plus avancés dans les échelons, ce sont majoritairement des femmes. Pour moi, le travail finit toujours par payer. Si on se donne les moyens, il n’y a pas de raisons d’avoir moins de chances qu’un homme pour évoluer.
Un mot de la fin ?
Quelles sont vos ambitions pour la suite de votre parcours ?
J’ai énormément d’idées, mais il faut savoir faire les choses pas-à-pas ! Avant tout, je souhaite finaliser et obtenir le concours d’Assistante ingénieure que je suis en train de passer, et à l’avenir celui d’Ingénieure de recherche. J’aimerai beaucoup m’investir encore davantage dans « l’éthique animale » et pourquoi pas intégrer le Bureau d’Éthique Animale de l’Inserm. Je ne me ferme pas les portes. Et adviendra ce qui adviendra !
Que souhaiteriez-vous dire à des jeunes qui veulent s’engager dans la recherche médicale ?
N’hésitez pas à aller vers les autres. Les rencontres sont aussi enrichissantes sur le plan personnel que sur le plan professionnel. Et finalement soyez curieux ! Surpassez-vous et allez au bout de vos envies !