Réglementation et démarche
La prévention du risque chimique est inscrite dans le Code du Travail qui s’applique à nos activités. On peut résumer les 3 principes de base de la prévention du risque chimique par :
- la limitation de l’utilisation des substances ou des préparations dangereuses (mélanges) et la substitution des produits les plus dangereux par des produits ou des techniques pas ou moins dangereux ;
- la limitation du nombre de travailleurs exposés à leurs effets ;
- la mise en place de mesures préventives collectives et individuelles adaptées au(x) danger(s) des produits.
Au niveau de l’unité, il est important de vérifier les obligations particulières (déclarations, autorisations de détention) pour certains produits tels que les précurseurs de drogues, les produits classés comme stupéfiants ou psychotropes, les médicaments à usage vétérinaire mais aussi les toxines (toxine botulinique…) et enfin les produits chimiques à l’état particulaire.
La démarche complète de prévention du risque chimique suit les 7 étapes suivantes :
- supprimer le risque : substitution de produits par des substances pas ou moins dangereuses
- réduire : réduire le nombre de personnes exposées, limiter les quantités …
- protéger : avec des équipements de protection collective (EPC tels que sorbonne, hotte), complétés par des équipements de protection individuels (EPI)
- vérifier : par les contrôles des équipements et par des mesurages si nécessaires (atmosphère)
- analyser les accidents et incidents pour éviter qu’ils ne se reproduisent
- former et informer : la hiérarchie, le personnel, les stagiaires
- effectuer une surveillance médicale appropriée (cf partie suivi médical)
Dangers des produits
Les dangers liés aux produits chimiques peuvent être classés en trois catégories :
Dangers physico-chimiques
Ce sont les produits inflammables, comburants (pouvant provoquer des incendies), explosifs, corrosifs pour les métaux, sous pression…
Dangers pour la santé
Ils sont beaucoup plus nombreux. Ce sont les produits corrosifs, irritants, mortels, toxiques, nocifs, cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction, mais aussi sensibilisants ou narcotiques. Depuis 2008, des dangers « spéciaux » sont recensés comme par exemple la toxicité spécifique pour certains organes cibles. Une bonne partie de ces dangers peut se combiner.
Les effets peuvent apparaître longtemps après l’exposition (substances cancérigènes) ou à distance du point de contact (toxicité oculaire du méthanol). On distingue ainsi :
- la toxicité aigüe, à la suite d’une seule exposition ;
- la toxicité chronique à la suite d’expositions répétées ;
- la toxicité locale, n’affectant que le point de contact, dans le cas d’une brûlure par exemple ;
- la toxicité systémique, à distance du point de contact, pouvant toucher un autre organe ou l’organisme entier.
Voies d’exposition | Incidence |
---|---|
Inhalation | La plus fréquente en milieu professionnel Accidentelle ou chronique Question cruciale : Le produit peut-il être inhalé ? |
Ingestion | Accidentelle, en principe improbable (pratiques de travail) |
Cutané ou oculaire | Accidentelle (projections) ou défaut de protection |
Dangers pour la santé – Caractéristiques de l’exposition
Dangers pour l’environnement
Ce sont les produits qui ont une toxicité particulière pour l’air, l’eau, le sol ou encore la flore et la faune lorsqu’ils sont rejetés dans l’environnement.
Classification des produits : étiquetage et information
L’étiquetage est basé sur les dangers identifiés par les dispositions du règlement européen CLP (Classification, Labelling, Packaging). Il est basé notamment sur les pictogrammes de danger, losanges d’avertissement avec liseré rouge, qui ont remplacé les pictogrammes carrés sur fond orange.
La classification permet d’identifier les dangers que peuvent présenter les produits chimiques en raison de leurs propriétés physico-chimiques, des effets sur la santé et sur l’environnement.
Attention !
- Un pictogramme peut se rapporter à plusieurs effets indésirables et ne suffit pas à identifier les risques.
- Il convient de reconnaître les produits les plus toxiques pour l’homme identifiés par les deux pictogrammes suivants :
Les pictogrammes sont complétés par des « mentions de danger » codées en H, qui renseignent sur la nature des effets possibles du produit.
Exemple de l’acétonitrile (solvant utilisé en HPLC) :
- H225 : liquide et vapeurs très inflammables
- H302 : nocif par ingestion
- H312 : nocif par contact cutané
- H332 : nocif par inhalation
- H319 : provoque une sévère irritation des yeux
Ces informations se retrouvent synthétisées sur l’étiquette des produits chimiques.
Exemple d’étiquette pour le formaldéhyde (source INRS) :
Un autre document peut renseigner l’utilisateur sur les risques des produits : c’est la Fiche de données de sécurité (FDS) que l’utilisateur peut demander au fournisseur du produit acheté et qui est détenue par l’unité.
L’outil Agir propose une liste d’environ 1200 produits chimiques utilisés dans les laboratoires, avec les données sur les dangers déjà renseignées.
Pour aller plus loin :
- Des informations sur les produits peuvent être obtenues par les fiches toxicologiques de l’INRS : 326 fiches détaillées et mises à jour régulièrement.
- Le site de la European CHemical Agency (ECHA) permet d’accéder à la classification et l’étiquetage des produits.
Produits courants en laboratoire
Il n’est pas rare de trouver plusieurs centaines, voire plusieurs milliers de références de produits chimiques dans un laboratoire de l’Inserm. On essaie parfois de les regrouper par familles (exemples) :
- Les alcools : éthanol, méthanol, isopropanol
- Les solvants organiques : DMSO, acétone, chloroforme, acétonitrile, hexane, phénol
- Les fixateurs : formaldéhyde, xylènes, glutaraldéhyde
- Les acides : acide chlorhydrique, acide sulfurique, acide acétique
- Les bases : soude, ammoniaque
- Les colorants : bromure d’éthidium, bleu trypan, bleu de méthylène, rouge ponceau
- Les désinfectants : eau de javel, peroxyde d’hydrogène, formaldéhyde
Parmi ceux-ci, certains reviennent cependant de manière régulière dans les modes opératoires des expérimentations.
Fiches pratiques des produits chimiques dangereuxles plus utilisés en laboratoire
L’Inserm, en partenariat avec l’Institut Pasteur Paris, a conçu des fiches pratiques sur les produits les plus courants utilisés en laboratoires. Elles récapitulent les dangers principaux des produits et les mesures de prévention à appliquer lors de leur manipulation.
Cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction (CMR)
Les substances cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction (CMR) font l’objet d’une attention particulière en raison du caractère insidieux, différé et irréversible des dangers qu’ils représentent pour la santé humaine.
Les CMR sont caractérisés par la possibilité d’effets :
- possibles même à faible dose et non dépendant de l’intensité et de la durée d’exposition (danger dit « sans seuil »),
- retardés, dont l’apparition des dommages longtemps après l’exposition,
- irréversibles, notamment du fait de la modification possible du matériel génétique,
- en fonction de la susceptibilité individuelle (dépendants de la personne).
Les CMR sont répertoriés en 3 classes en fonction des preuves scientifiques de leurs effets délétères :
- Catégorie 1A : agents chimiques que l’on sait être CMR pour l’homme ;
- Catégorie 1B : agents chimiques CMR chez l’animal, forte présomption pour l’homme ;
- Catégorie 2 : agents chimiques préoccupants mais dont les effets CMR ne sont pas avérés pour le moment.
Le Code du travail impose des règles particulières de manipulation des CMR.
*L’évaluation des risques est la première étape de toute démarche de prévention. Les résultats de cette évaluation ainsi que les actions de prévention mises / à mettre en œuvre sont retranscrits dans le document unique telles que la sensibilisation/formation, la recherche de substitution, le choix des équipements de protection collective, le choix des équipements de protection individuelle, le cas échéant, le suivi médical…
Les mesures de protection collective (travail en vase clos, captage des polluants à la source) doivent être prioritairement envisagées et à privilégier sur les équipements de protection individuelle.
Des mesures de protection individuelle adaptées doivent être mises en place :
- si aucune protection collective n’est techniquement possible
- en complément des autres mesures visant à éliminer ou réduire le risque si celles-ci ne sont pas suffisantes.
Ainsi après avoir identifié et localisé le risque en particulier dans les expérimentations, il doit être rechercher une substitution des ces produits. Cette recherche, quelque soit le résultat doit être renseignée dans le Document Unique d’Evaluations des Risques.
*La substitution est un axe prioritaire de la prévention des risques professionnels. On trouvera ci-dessous un tableau proposant des substitutions pour quelques produits CMR couramment utilisés en laboratoire.
TOXIQUES | MOINS TOXIQUES |
|
---|---|---|
Benzène | C1A, M1B | Cyclohexane |
2‑mercaptoéthanol | (R2f) Corr | DTT 1,4‑dithiotréitol (moins corrosif) |
Chloroforme | C2, R2d | 1,1,1‑trichloroéthane (mais Oz) |
Diméthylformamide DMF | R1B | (N‑méthyl-2-pyrrolidone), DMSO (solub), pentane (extract) |
Dichlorométhane | C2 | Cyclohexane (extraction lipides) |
Dichlorure de cobalt | C1B, M2, R1Bf | Sels de fer / Etuve (dessiccation) |
Formaldéhyde / Paraformaldéhyde | C1B, M2 | Peroxyde d’hydrogène (désinfection) / Formol (liquide) |
n‑Hexane | R2f, neurotox | Pentane, heptane, cyclohexane |
Toluène | R2d | Xylène |
Trichloréthylène | C1B, M2 | Acétonitrile |
Acide borique (tampon TBE) | R1Bfd | Acide acétique (tampon TAE) |
(f : fertilité, d : descendance)
Si la substitution n’est pas possible, la manipulation des CMR doit s’effectuer en système de vase clos, pour exemple :
Si cela n’est techniquement pas possible, il s’agit de mettre en place les mesures de prévention visant à réduire le risque CMR au niveau le plus bas possible, en suite de l’évaluation des risques d’exposition aux CMR, dont le résultat et le plan d’action doivent être formalisés dans le document unique.
Il est à privilégier pour la pesée de poudres ou pulvérulents CMR, la mise à disposition et l’utilisation de postes de pesée sécurisée (PPS)
ou de postes de sécurité cytotoxique (PSC)
Pour les liquides CMR, l’utilisation de sorbonnes en fonctionnement est requise.
En cas d’absence ou d’impossibilité technique de mise en œuvre de ces équipements de protection collective, il est impératif de prendre attache auprès de votre Conseiller de prévention ou Assistant de prévention en vue de :
– Faire l’analyse du poste de travail et l’évaluation des risques
– Rédiger la notice de poste qui doit être établie pour chaque poste de travail ou situation de travail exposant les travailleurs à des agents chimiques dangereux y compris CMR, afin de mettre en œuvre les mesures de protection découlant de l’évaluation des risques.
Pour aller plus loin :
Une liste relativement exhaustive et régulièrement mise à jour peut être consultée sur le site de l’unité de Prévention du risque chimique du CNRS.
Nanomatériaux
À l’Inserm, les nanomatériaux sont utilisés ou fabriqués à des fins diagnostiques ou thérapeutiques, ainsi que manipulés pour des études toxicologiques.
On entend par « nanomatériau » un matériau naturel, formé accidentellement ou manufacturé contenant des particules libres, sous forme d’agrégat ou d’agglomérat, dont au moins 50 % d’entre elles présentent une ou plusieurs dimensions externes se situant entre 1 nm et 100 nm.
Ces particules peuvent se présenter sous différentes formes :
- Liquide (en suspension)
- Poudre
- Solide (agrégats, agglomérats ou nanocomposites formés de particules incorporées sur une matrice inerte)
Leur toxicité potentielle pour les manipulateurs est mal connue et dépend de la nature des matériaux, de leur quantité et de leur forme physique. Elle pose cependant question car généralement :
- la réactivité d’un produit chimique est augmentée s’il se trouve à l’état nanoparticulaire ;
- sa petite taille facilite sa pénétration dans l’organisme.
Certaines situations de travail exposent davantage les expérimentateurs. Le risque à considérer en priorité est l’exposition aux formes inhalables. Dans les activités de laboratoire à l’Inserm, les produits sont généralement sous forme liquide, ce qui minimise ce risque. C’est donc sous forme de poudre ou d’aérosol que la situation est à évaluer avec le plus de détail.
Les produits sous forme nanoparticulaire doivent d’abord être recensés au laboratoire (ce n’est pas la partie la plus facile).
Ensuite, les étapes à risque doivent être identifiées et l’évaluation du risque réalisée au cas par cas. En l’absence de réglementation spécifique et de connaissances précises, il est recommandé de manipuler les nanomatériaux avec les mêmes moyens de prévention que les CMR.
En savoir plus
À l’Inserm, un recensement annuel au niveau national, relayé par les conseillers de prévention dans chaque délégation régionale, permet de suivre l’évolution de l’utilisation des nanomatériaux et de répondre aux exigences d’inventaire du Ministère de la transition écologique.
Bien choisir son équipement de protection collective (E.P.C.)
La suppression ou la substitution d’un agent chimique dangereux ou d’un procédé dangereux, par un produit ou procédé non ou moins dangereux, s’impose chaque fois qu’elle est techniquement possible. Elle reste l’action de prévention prioritaire à envisager notamment pour les agents CMR.
A défaut, il est nécessaire de mettre en place des mesures de prévention visant à réduire le risque à la source par la mise en place en priorité de mesures de protection collective telles que :
- Les systèmes de ventilation / aération au poste de travail (locaux à pollution spécifique) visant à baisser la concentration des polluants au plus bas
- Le travail en vase clos ou système clos permettant le confinement maximal des produits ou procédés
- Les captages des polluants à la source consistant à aspirer les polluants émis au plus près de leur point d’émission.
Les équipements de protection collective (EPC) visent à limiter ou à confiner le risque afin de protéger les professionnels des risques d’atteinte à leur santé ou à leur sécurité en réduisant le risque de pollution dans l’environnement de travail.
Leur efficacité de fonctionnement (entretien et vérification des installations, mesurage des polluants) doit être évaluée régulièrement par le biais des maintenances préventives et des contrôles périodiques obligatoires.
Si les mesures de protection collective pour éliminer ou réduire le risque sont insuffisantes ou techniquement impossible, des équipements de protection individuelle devront être mis à disposition des professionnels susceptibles d’être exposés.
Stockage et déchets chimiques
Le stockage des produits chimiques et le traitement des déchets chimiques répondent à des obligations réglementaires (Code du travail, de la santé publique, de l’environnement).
Stockage
Les obligations concernent à la fois la conception des locaux et leur ventilation, leur résistance au feu ou encore la prévention des débordements et des déversements.
On définit 3 niveaux de stockage principaux :
- Produits en cours d’utilisation, sur les paillasse et étagères :
- pas de volume de produits excédant 1 à 2 journées de travail ;
- pas de stockage excessif sous les sorbonnes, au risque de voir leur efficacité diminuer ;
- Stockage intermédiaire (ou tampon) : en armoires sécurisées (anti-feu, ventilées), réfrigérateurs sécurisés pour produits inflammables et volatils ;
- Stockage principal à long terme : en local dédié (magasin central), stockage sécurisé à l’extérieur du laboratoire le plus souvent.
Il existe aussi des règles pour le rangement à l’intérieur du stockage. Elles visent à ne pas mélanger les familles de produits en tenant compte des incompatibilités, dans la mesure du possible, entre les produits corrosifs, les toxiques, les inflammables, les acides et les bases, etc.
Pour en savoir plus :
- Une liste plus détaillée des incompatibilités fait l’objet d’une publication INRS.
- Le livret Inserm Stockage et élimination des produits chimiques à télécharger ci-dessous vous permet de retrouver les règles de stockage des produits neufs et des déchets, illustrées par des exemples.
Le livret Stockage et élimination des produits chimiques aide les unités dans leur démarche de gestion des produits chimiques. Il présente les aspects pratiques, normatifs et réglementaires pour permettre aux assistants de prévention et à tout le personnel du laboratoire qui manipule des produits chimiques, de contribuer au maintien d’un stockage optimal et à l’élimination correcte des déchets chimiques.
Déchets
Les déchets font partie du protocole de recherche.
Le traitement des déchets est régi par le Code de l’Environnement. Aucun déchet chimique ne doit être considéré comme banal. Les déchets issus de produits chimiques divers sont eux-mêmes des produits chimiques dont la toxicité est parfois moins connue que le produit d’origine. Ainsi le rejet à l’évier notamment est interdit en l’absence d’accord avec le gestionnaire de réseau.
L’enlèvement des déchets chimiques est réalisé obligatoirement par une entreprise spécialisée qui fournit les contenants, les étiquetages appropriés et les consignes de tri. Selon les cas, les laboratoires traitent directement avec le prestataire ou avec l’hébergeur qui centralise la collecte et l’élimination des déchets.
En principe pour les déchets chimiques :
- les déchets solides sont mis dans des conteneurs hermétiques (de type seaux ou fûts) ;
- les déchets liquides sont triés par familles fonctionnelles dans des bidons en polyéthylène (qui doivent être conformes) et étiquetés correctement ;
- les emballages souillés par les produits toxiques sont des déchets spéciaux regroupés dans des conteneurs dédiés ;
- les produits non utilisés ou les produits périmés ont aussi une filière ad-hoc ;
- quelques produits ont un processus de traitement particulier (acide picrique).
Dans tous les cas, avant enlèvement, les déchets doivent être recensés, triés (en tenant compte des incompatibilités) et étiquetés (étiquetage spécial). Ils doivent être stockés dans des locaux dédiés et séparés des produits neufs. Attention également lors du regroupement des déchets dangereux aux incompatibilités !
Il convient en outre de veiller à ce que les enlèvements des déchets soient réguliers.