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Elles sont l’Inserm 2021 #3 – Portrait d’Armelle Bonet-Kerrache

Occitanie Méditerranée
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Quel est votre parcours professionnel ? Qu’est-ce qui a suscité votre curiosité pour les sciences ?

Armelle Bonet-Kerrache : Je crois que j’ai toujours aimé apprendre, et les sciences m’ont permis d’assouvir ma curiosité. J’ai un parcours un peu singulier. J’ai passé un baccalauréat D « sciences naturelles », et fais ensuite un DEUG en géologie, une licence de physiologie végétale, une maîtrise de physiologie animale, et un DEA Biologie Santé option neuroendocrinologie.
En 1986, j’ai obtenu une bourse du ministère pour réaliser ma thèse. J’ai rejoint l’équipe de Ridha Kassab à Montpellier et travaillé sur les mécanismes de la contraction musculaire. Mon doctorat en main, j’ai rejoint pour deux ans le laboratoire de Michael Walsh au sein de l’Université de Calgary au Canada.

Je garde un excellent souvenir de cette parenthèse à l’étranger. Sur le plan personnel tout d’abord, parce que je suis devenue maman pour la première fois, puis sur le plan professionnel parce que j’étais considérée comme un chercheur à part entière, maître de mon projet. Cette liberté était nouvelle et m’a beaucoup apporté.

En 1991, j’ai été reçue au concours chercheur à l’Inserm. Pour moi, c’était un peu comme une consécration. Mes idées, mon travail et mes compétences étaient reconnus par mes pairs. J’ai donc quitté le Canada et intégré l’unité Inserm « Physiopathologie Musculaire » à Montpellier, dirigée par Jean Léger. J’ai alors orienté mon travail sur la myopathie de Duchenne. Cette maladie rare est une forme de dystrophie musculaire progressive généralisée et héréditaire, débutant dans l’enfance et d’évolution grave pour laquelle seuls les garçons sont atteints.

En 1998, le groupe au sein duquel je travaillais a rejoint l’unité Inserm « Enzymologie : mécanismes moléculaires et contrôle génétique » dirigée par Claude Balny. Je me suis formée à la biologie moléculaire puis à la biologie cellulaire ce qui m’a ouvert des horizons. En 2002, j’ai fait le choix de changer d’environnement de travail pour me challenger…puis finalement, après plus de 20 ans de recherche, j’ai voulu mettre mes compétences au service des autres et j’ai décidé d’embrasser une carrière dans l’accompagnement de la recherche.

Un changement de carrière vers des fonctions d’accompagnement de la recherche : comment s’y prépare-t-on ?

A. B‑K. : Le maître mot est « préparation » justement. Quitter un métier aussi passionnant que celui de chercheur ne se fait pas sur un coup de tête, mais bien parce que quelque chose nous anime ailleurs. A 47 ans, j’ai décidé avec l’aval de l’Inserm, mais également en ayant évalué l’impact familial que cela pouvait avoir, de m’orienter vers la valorisation et le transfert de technologie, domaines de plus en plus prégnants en recherche académique.

Pour maîtriser votre sujet, vous êtes retournée sur les bancs de l’école…

A. B‑K. : En effet. En 2010 j’ai obtenu le Diplôme Universitaire de Valorisation de la Recherche appliquée et de l’innovation biomédicale à l’Université de Paris V. J’ai également suivi le cours Paul Roubier sur le droit de la propriété intellectuelle à l’Ecole de Management de Lyon. Je me suis donc armée pour réussir cette reconversion professionnelle, ce qui, je crois, est une nécessité. Aujourd’hui je suis responsable de la stratégie scientifique et du partenariat au sein de la délégation régionale Occitanie Méditerranée, et j’en suis très heureuse.

Je pense avec le recul que le virage que j’ai osé prendre m’a repositionnée dans la ligne directrice qui est la mienne : aider, accompagner, soutenir les autres. Cette ambition a donné une nouvelle dimension à ma carrière et j’ai été promue Directrice de recherche en 2016.

En quoi consiste votre activité professionnelle ? Quel est l’enjeu de votre travail ?

A. B‑K. : J’ai deux fonctions qui sont étroitement liées : la valorisation et le partenariat institutionnel.

La valorisation consiste à rendre utilisable et commercialisable le produit de la recherche. Mon rôle est d’en promouvoir tous les aspects auprès des chercheurs de la circonscription. Il y a en amont le versant sensibilisation sur les différents aspects que compte ce sujet. On parle de propriété intellectuelle, de création d’entreprise dans le cadre de la loi sur l’innovation par exemple.

© Réseau C.U.R.I.E.

Je les conseille ensuite sur les démarches à entreprendre et je les accompagne dans leurs projets de valorisation pré-partenarial.

A un niveau plus macroscopique, je détecte les travaux, outils et résultats susceptibles de faire l’objet d’une valorisation. J’assiste ensuite les chercheurs dans la rédaction de leurs déclarations d’invention.

Je négocie et établis également les contrats de valorisation : contrats de confidentialité, de collaboration ou accords de transfert de matériel biologique (Mta). Je travaille bien sûr en lien étroit avec tous les acteurs régionaux de la valorisation, et avec notre filiale de valorisation Inserm Transfert.

Concernant la partie partenariat, je seconde le délégué régional dans la mise en place au niveau local de la politique de site définie par le national. Je participe à de nombreux groupes de travail, représente l’Inserm dans des conseils d’administration ou des structures de gouvernance. J’accompagne ainsi le développement des partenariats régionaux.

Qu’appréciez-vous le plus dans votre métier ?

A. B‑K. : Ce métier a de multiples facettes, et n’est en rien répétitif. A chaque situation sa spécificité, son lot de difficultés. Je dois régulièrement conforter mes connaissances juridiques. Sur le plan stratégique, mon travail avec Inserm Transfert m’apporte énormément. Intellectuellement, je me nourris de la lecture des projets de valorisation déposés par nos chercheurs. Je garde à travers cela le lien avec mon précédent métier.

La valorisation à l’Inserm en région Occitanie Méditerranée a fait son chemin, et si j’y suis pour quelque chose c’est surtout parce que les chercheurs m’ont fait confiance. 
Armelle Bonet-Kerrache

A. B‑K. : Sur le plan partenariat, j’ai à cœur de promouvoir notre Institut auprès des instances politiques locales, de porter la vision stratégique de l’Inserm au niveau de nos partenaires scientifiques. Cette activité me donne, entre autre, une vue assez claire du paysage régional en matière de santé et de recherche médicale. C’est extrêmement intéressant et valorisant.

Les femmes sont sous-représentées dans les domaines de la science, la technologie, l’ingénierie, les mathématiques (Source ONU Femmes). Y’a‑t-il des obstacles à lever dans le domaine de la recherche lorsque l’on est une femme ?

A. B‑K. : Il me semble, aujourd’hui encore mais peut-être moins qu’hier, que les femmes directrices de structure sont assez minoritaires, alors que leurs qualités scientifiques ou managériales sont manifestes. Ce paradoxe trouve son origine à la source justement. Si l’on avait poussé ces femmes dès leur plus jeune âge à être ce qu’elles sont de fait – l’égal de l’homme – il n’y aurait peut-être pas aujourd’hui autant d’autocensure.

L’éducation me parait donc la clef pour changer la donne et notamment l’éducation par l’exemple : lorsqu’une petite fille voit sa mère réussir et être épanouie professionnellement, elle peut s’identifier.

Être une femme scientifique et être mère n’est pas toujours une équation simple dans le cadre de nos organisations de travail actuelles. La période d’absence suite à une maternité n’est pas si facile à concilier avec l’avancement des travaux de recherche.

Cette phase devrait être mieux accompagnée, mais surtout comprise et totalement acceptée. Nos critères d’évaluation du travail réalisé par les femmes scientifiques pourraient s’adapter en conséquence : un rythme d’évaluation respectant les périodes d’absence, moins de pression sur le nombre d’articles publiés à l’année N par exemple. Mais il me semble que les choses évoluent positivement dans ce sens depuis quelques années.

Que représente pour vous la journée internationale des droits des femmes ?

A. B‑K. : J’aurais souhaité qu’elle n’existe plus. Mais en l’état actuel des choses elle reste malheureusement utile.

Si vous n’aviez pas embrassé cette carrière, qu’auriez-vous aimé faire ?

A. B‑K. : Lorsque j’ai changé de carrière, je me suis familiarisée avec le droit. On pourrait croire que c’est un peu rébarbatif, mais pas du tout. Il y a dans la démarche juridique des similitudes sur le plan intellectuel avec la recherche scientifique, des mécanismes de construction de projet assez proches. Si l’on couple à cela l’idée que j’aime être au service des autres, peut-être qu’une carrière de magistrat ne m’aurait pas déplu.

Armelle Bonet-Kerrache au sein de la Délégation régionale Occitanie Méditerranée. © Claudia Pereira

Un mot de la fin ?

A. B‑K. : J’ai envie de dire aux plus jeunes, femmes et hommes, qui se posent des questions sur leur avenir professionnel, de faire ce qu’ils veulent…mais de le faire bien. Ne vous mettez pas de barrière, ne préjugez pas de vos capacités à réussir et donnez-vous les moyens.



Claudia Pereira
Responsable Communication
Délégation Régionale Inserm Occitanie Méditerranée