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Frédéric Laumonnier, un produit local du Centre-Val-de-Loire.

Frédéric Laumonnier, chercheur Inserm, s’est prêté au jeu d’une interview pour vous présenter son parcours, son laboratoire et ses travaux de recherche. Entre génétique et neurosciences, Frédéric s’intéresse aux troubles neurodéveloppementaux.

Grand Ouest
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Vous êtes chargé de recherche au sein de l’Inserm. Quel est votre parcours ? 

J’ai effectué mon parcours universitaire à Tours, tant sur le plan de la formation que sur les stages de recherche, notamment en génétique humaine et moléculaire. J’ai soutenu ma thèse de Sciences en 2004 dans l’unité Inserm 619 dans laquelle je poursuis mes projets de recherche (UMR 1253, Imagerie et Cerveau). Au cours de mon doctorat, je me suis penché sur l’identification de facteurs génétiques impliqués dans les troubles neurodéveloppementaux, notamment les déficiences intellectuelles ou les troubles du spectre de l’autisme. 

Zoom sur l’autisme 

Note : Pour en savoir plus sur les troubles autistiques – Lire le dossier 

J’ai poursuivi mon cursus scientifique avec un postdoctorat à Cambridge (Royaume-Uni) au Wellcome Trust Sanger Institute, dans l’équipe du Pr Seth Grant (Team genes to Cognition). J’ai eu la chance de trouver un environnement idéal pour approfondir mes connaissances théoriques et techniques sur la neurobiologie de la synapse et des complexes protéiques de la densité post-synaptique (1). 

Mon projet visait à : 

  • Déterminer comment les interactions entre les protéines postsynaptiques pouvait moduler la morphologie et la dynamique de formation des synapses, 
  • Évaluer comment des mutations de ces protéines impactaient ces paramètres. 

J’ai en particulier travaillé sur des cultures primaires de neurones, issus de l’hippocampe de cerveau de souris embryonnaire. Cette structure contient une population riche en neurones glutamatergiques (2) dont les réseaux sont altérés dans les troubles neurodéveloppementaux. 

Actuellement, nous étudions dans mon équipe l’impact de mutations génétiques sur le développement in vitro de ce modèle cellulaire, en particulier sur l’élongation axonale, l’arborisation dendritique, la formation et la maintenance des synapses. C’est une part significative de notre activité de recherche qui vise à fournir des arguments sur la pathogénicité des variants génétiques identifiés en dépistage clinique. Ces nouvelles connaissances apportent également des informations pour les familles des patients concernés sur les causes possibles de la pathologie. 

Zoom sur le fonctionnement neuronal 

Après mes deux années postdoctorales, j’ai réussi le concours Inserm Chargé de recherche (CR2) en 2006, avec un projet autour des réseaux génétique et neuronaux dans les troubles neurodéveloppementaux, s’intégrant dans les thématiques de l’Unité Imagerie et Cerveau de Tours. Aujourd’hui, j’officie toujours dans le même laboratoire qui m’a accueilli durant ma thèse, renommé depuis iBrain. 

Focus sur le laboratoire iBrain. 

Une petite présentation de votre laboratoire ? 

UMR 1253 – Imagerie et Cerveau – Tours

L’unité 1253 « iBrain », Imagerie et Cerveau est une unité mixte de recherche sous tutelle de l’Inserm et de l’Université de Tours. Le laboratoire est composé de trois équipes (voir schéma ci-dessous) dont les axes de recherches sont différents mais complémentaires. L’équipe 1 étudie les bases neuro-fonctionnelles de l’autisme et de la dépression. L’équipe 3, elle, développe des technologies et des méthodologies d’imageries dédiées à l’exploration cérébrale. Au sein de l’équipe 2, dont je suis le responsable, nous nous intéressons aux bases génétiques et à la physiopathologie des déficiences intellectuelles et de la Sclérose Latérale Amyotrophique.

Si certains thèmes de recherche peuvent apparaître complexes, iBrain œuvre au décloisonnement de la recherche médicale. Nous sommes particulièrement impliqués dans la diffusion des sciences et de la recherche auprès du Grand Public. Par exemple, nous animons régulièrement des Journées Portes Ouvertes et des ateliers pour la Fête de la Science. 

Mon équipe a participé à plusieurs reprises au programme Antenne Inserm Jeunes. Un chercheur s’associe avec un enseignant de SVT d’un Lycée (Lycée Saint-Denis, à Loches) pour développer un projet autour d’une thématique, liée aux activités de recherche de l’Unité. Les jeunes volontaires issus de classes de seconde à la terminale, produisent des supports scientifiques présentant différents sujets autour de la thématique choisie. L’objectif est de présenter leur production au public. La dernière session, animée avec mon collègue Jean-Michel Escoffre, leur a permis de discuter des troubles du neurodéveloppement et des ultrasons en recherche et application médicale. Les conditions sanitaires n’ont malheureusement pas permis la mise en place d’un temps d’échange avec le Grand Public. Il s’agit en tout cas d’une initiative enrichissante tant pour les lycéens que pour nous, chercheurs, et qu’il faut continuer de soutenir. Cela suscite souvent un intérêt voire des vocations vers des études en santé ! 

La protéine PTCHD1 offre de nouvelles perspectives d’étude dans les troubles neurodéveloppementaux. 

Vous êtes coordinateur du projet ANR ASDecode. Quel est l’objectif de ce projet ? 

Nous avons démarré en janvier 2021 un projet de recherche sélectionné par l’ANR (Agence Nationale de la Recherche). Il s’agit du projet ASDecode (Approches translationnelles pour la caractérisation de la voie PTCHD1 impliquée dans les troubles neurodéveloppementaux). Deux autres instituts sont partenaires : l’équipe du Dr Stéphane Martin à l’Institut de pharmacologie moléculaire et cellulaire situé à Nice, et l’équipe du Dr Yann Hérault à l’Institut de génétique et de biologie moléculaire et cellulaire, l’IGBMC, basé à Strasbourg. 

La protéine PTCHD1 est aujourd’hui mal caractérisée et nous manquons d’outils pour l’étudier. Néanmoins, différentes études montrent qu’elle présente une localisation au niveau des synapses glutamatergiques. Il pourrait s’agir d’un récepteur, mais ce n’est pour le moment qu’une hypothèse, car nous ne connaissons pas son ligand. Finalement, pourquoi étudier cette protéine ? Parce que le gène est porteur de nombreuses mutations observées chez des patients atteints de troubles neurodéveloppementaux. 

Avec le projet ASDecode nous souhaitons : 

  • Comprendre le rôle de la protéine PTCHD1 au niveau synaptique et au cours du neurodéveloppement, et évaluer l’impact des mutations sur des modèles cellulaires neuronaux et murins. 
  • Evaluer des approches thérapeutiques précliniques sur des modèles murins par des stratégies de thérapie génique ou pharmacologiques. 

Nos travaux couvriront différents domaines : aussi bien de la transcriptomique (3) et de la protéomique (4) en lien avec l’IGBMC, que de la métabolomique et de l’imagerie cérébrale in vivo (PET – positron emission tomography) avec l’équipe 3 d’iBrain, ou encore de la neurobiologie cellulaire (avec l’IPMC). 

Nous travaillerons en particulier sur : 

  • Des cultures primaires de neurones issus de nos modèles murins. 
  • Des neurones humains dérivés de lignées IPSC de patients (cellules souches pluripotentes induites) avec mutation du gène PTCHD1. 

Sur ce dernier aspect, nous travaillerons en lien avec la plateforme IPSC de l’université de Nantes, avec laquelle nous collaborons déjà sur un autre projet autour des déficiences intellectuelles et impliquant un certain nombre de partenaires au niveau du Grand Ouest. 

Zoom sur les IPS

Note : Pour en savoir plus sur les IPSC et la reprogrammation cellulaire – Lire le dossier 

Un mot de la fin ? 

Qu’auriez-vous envie de dire aux jeunes qui souhaitent s’engager dans la recherche médicale ? 

Le métier de chercheur est passionnant et couvre un cadre très large de compétences. Il nécessite d’abord d’être attiré par la découverte scientifique, qui est par définition un processus long et source de questionnements, de doutes, mais aussi d’opportunités, d’échanges, de collaboration et de communication. Il faut être conscient que le cursus est relativement long (Doctorat et plusieurs années de postdoctorat). La maîtrise de l’anglais est nécessaire, c’est le langage « universel » du chercheur (publications, congrès internationaux, collaborations). La recherche nécessite également d’aller constamment à la recherche de financements qui prend une part importante de notre temps. 

Finalement je pense que le métier de chercheur peut se définir par un mélange subtil entre la découverte scientifique, la diffusion des connaissances, la transmission du savoir, sans oublier la nécessité d’alimenter financièrement nos activités de recherche. C’est donc un travail particulièrement exigeant, mais pour lequel nous avons toujours en tête notre envie d’explorer et de décrire de nouveaux concepts et mécanismes biologiques. 

(1) Densité post-synaptique : région particulière de la membrane post-synaptique dans laquelle se concentrent les récepteurs. 

(2) Neurones glutamatergiques : Neurones excitateurs dont l’activation dépend du glutamate, le principal neurotransmetteur excitateur du système nerveux central. 

(3) – Transcriptomique : La transcriptomique consiste à étudier l’ensemble des ARN messagers d’une cellule, appelé transcriptome. 

(4) – Protéomique : La protéomique consiste à étudier l’ensemble des protéines d’un organisme, d’un fluide biologique, d’un tissu, d’une cellule ou même d’un compartiment cellulaire. Cet ensemble de protéines est nommé « protéome ». www​.inserm​.fr