Albert Weixlbaumer Directeur de recherche de l’équipe « Régulation de la transcription » à IGBMC (Inserm/Université de Strasbourg/CNRS) est lauréat du Prix Bettencourt Coups d’élan pour la recherche française. Découvrez son portrait.
C’est à l’IGBMC qu’Albert Weixlbaumer, un des lauréats du Prix Bettencourt Coups d’élan pour la recherche française de la Fondation Bettencourt Schueller nous accueille. Cet Autrichien, père de 3 enfants, s’est installé à Strasbourg en 2014 par un concours de circonstances. Après une thèse effectuée à Cambridge et un post-doctorat à New York, il est invité à faire une présentation à l’IGBMC par des chercheurs qui deviendront par la suite ses collègues. « La France est très attractive, il est possible dès les débuts de carrière de passer le concours pour un poste permanent, nous confie-t-il. Cela veut dire ne pas s’inquiéter pour le futur de sa famille. C’est un grand privilège et il n’y a pas à ma connaissance, d’autres pays où cela est possible. En plus à l’époque, notre institut était le seul en France et un des rares dans le monde à avoir Titan KRIOS, un microscope électronique permettant d’étudier la biologie structurale à haute résolution. Toutes ces conditions réunies m’ont amené à m’installer en France ajoute-t-il ».
Et des équipements de pointe, ce Strasbourgeois de cœur en a besoin pour étudier l’expression génique. Pour lui, le corps humain est un meuble dont tous les gènes stockés dans l’ADN sont les instructions au montage que le corps comprend. Pourtant, même si ce mode d’emploi est déchiffrable, Albert cherche à savoir comment notre corps transmet l’information au moment propice. C’est sur ce processus de régulation de l’expression génique que se base ses recherches. « Ce mécanisme m’intéresse parce qu’il concerne tous les aspects de la biologie. Si en tant qu’organisme vous souhaitez répondre à un environnement, comme créer des anticorps contre un certain virus, vous avez besoin d’ajuster votre expression génique. Comprendre ce mécanisme est une question fondamentale. J’aime à penser que si on veut guérir une maladie ou trouver un remède, nous avons besoin de comprendre le processus avant de commencer la réparation, se passionne-t-il avant de continuer par une illustration. L’exemple que j’aime prendre est celle de la voiture : si vous souhaitez la réparer vous avez besoin de comprendre son fonctionnement. Si vous ne le connaissez pas, vous ne savez pas à quoi elle est sensée ressembler, par conséquent, impossible de la réparer. »
Pendant très longtemps Albert et son équipe ont utilisé la bactérie comme modèle expérimentale car très souvent bien conservée. Mais le modèle bactérien a ses limites. Certains aspects de l’expression génique ne peuvent être compréhensibles que par la recherche chez l’humain. Et ça, la fondation Bettencourt l’a bien compris. Pourtant, il ne s’attendait pas à en être lauréat. « C’était une surprise » se réjouit-il avant d’ajouter : « L’entretien était sur Zoom, il était difficile de juger les réactions des personnes, mais j’étais sûr d’avoir raté le prix. J’étais même déjà en train de m’attrister auprès de mes collègues quand j’ai reçu l’appel pour me dire que j’étais lauréat. Il est parfois difficile de comprendre notre travail et son importance, et je suis ravi que la Fondation Bettencourt voit les choses comme moi ».
Albert Weixelbaumer pourra grâce au prix Bettencourt continuer ses recherches comme il l’entend et subvenir aux besoins de son équipe. Contrairement à d’autres pays, grâce aux postes de chercheurs titulaires en France, il lui semble plus facile de travailler sur des sujets qui le passionne. « Ici, les chercheurs peuvent se permettre de prendre plus de risques dans la recherche, ils sont encouragés à travailler sur des problèmes complexes, alors qu’à l’étranger par peur de perdre leurs postes, ils étudient des sujets sur lesquels ils sont sûrs de pouvoir publier. Par contre le financement n’est pas le même » relativise-t-il.
Enfin, le généreux prix Bettencourt lui permettra d’entreprendre de nouvelles études jamais effectuées auparavant. « Il est difficile de trouver des financements si on ne peut pas prouver la faisabilité des projets. C’est une épée à double tranchant. D’un côté nous devons présenter des projets innovants et d’un autre côté nous devons être sûrs que l’argent est bien investi. Mais parfois nous devons essayer la folie pour savoir si cela va fonctionner. Mais s’il n’y avait pas de financement pour essayer ces projets ambitieux, nous ne saurions jamais. Le prix Bettencourt me permet de réaliser cette feuille de route pour laquelle je suis très optimiste »
Portrait réalisé par Ammra Tan