Comment votre chemin a‑t-il croisé celui de l’Inserm ?
Laetitia Linares : D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours voulu faire de la recherche médicale dans le but de faire avancer la connaissance et les progrès sur la thématique cancer. Après une thèse en Allemagne et quatre années de post-doctorat, je me suis naturellement tournée vers l’Inserm où mes projets en cours et mes souhaits à venir trouvaient toute leur place.
Alexandre David : A mon retour de post-doctorat au National Institute of Health, j’ai passé les concours de l’Inserm et du CNRS. Voulant intégrer une institution plus orientée vers la recherche médicale, mon choix s’est logiquement porté sur l’Inserm
Sur quoi travaillez-vous ?
L. L. : Mon objectif est de comprendre le rôle du métabolisme dans le développement tumoral, en focalisant mon travail sur les « sarcomes », cancers rares (moins de 2 % des nouveaux cas de cancers en France) très peu étudiés, et pour lesquels il n’existe aucun traitement à l’heure actuelle. Pour faire simple, nous cherchons à comprendre ce que mangent les cellules cancéreuses pour grossir, l’idée étant de les priver de cette nourriture pour les éliminer.
A. D. : Je travaille sur un domaine émergent : celui des modifications chimiques de l’ARN, également nommé « épitranscriptome ». Mon groupe étudie plus particulièrement le rôle de ce « code invisible » dans l’évolution du cancer et la capacité des cellules cancéreuses à s’adapter aux traitements et à d’autres environnements tissulaires (métastases).
Vous êtes nommés DR2 Inserm. Qu’est-ce que cela signifie pour vous ?
L.L. : Je dirige une équipe de recherche avec toutes les responsabilités managériales, administratives et scientifiques que cela suppose. Cette nomination au grade de DR2 est une reconnaissance par mes pairs et l’Inserm de tout le travail engagé depuis ces dernières années.
A. D. : Il s’agit avant tout de la reconnaissance d’un travail d’équipe. Nous nous sommes investis sans relâche ces dernières années pour créer un consortium pluridisciplinaire unique en France dans le domaine de l’épitranscriptome. Ma nomination DR2 est le fruit de cet investissement.
Quels sont vos moteurs professionnels ?
L. L. : La curiosité, le questionnement permanent, le fait de partir d’une hypothèse, de construire un projet autour et de le mener à terme. Tout ce cheminement avec les membres de mon équipe est source de satisfaction. Il y a par ailleurs les discussions avec les membres de mon équipe et les chercheurs du domaine. Ces échanges quotidiens ouvrent l’esprit et font germer les idées.
Il y a aussi la joie de la découverte, bien évidemment. Pour finir, j’évoquerai la transmission du savoir aux nouvelles générations par le biais de l’enseignement et de l’encadrement. Ce volet m’apporte et m’importe beaucoup.
A. D. : Tout d’abord l’épanouissement des membres de mon groupe de recherche, en particulier les étudiants. C’est un plaisir de les voir progressivement prendre des initiatives et devenir indépendants. Mon autre moteur professionnel est la curiosité scientifique, sans laquelle je n’aurais pas choisi cette orientation de carrière. Enfin, le contact et la communication avec les collègues sont également de puissants moteurs. Nous avons cette chance remarquable de travailler en parfaite entente avec des équipes de différents champs disciplinaires, au niveau local mais également international. C’est une grande famille.
Un mot sur les prochains objectifs scientifiques que vous vous êtes fixés ?
L.L. : Mon prochain objectif est de comprendre comment la tumeur reprogramme son environnement et découvrir un nouveau traitement qui redonnerait espoir aux patients atteints de sarcome.
A. D. : Mes prochains objectifs sont essentiellement portés sur la transposition de nos découvertes vers la clinique. D’une part, nous souhaitons combiner « signatures de biomarqueurs » et intelligence artificielle afin de détecter la présence de cancer à des stades précoces et établir une meilleure stratification des patients (associée à une prise en charge personnalisée). D’autre part, nous développons de nouvelles molécules ciblant les acteurs de l’épitranscriptome afin de proposer des alternatives thérapeutiques à faible impact sur les tissus sains.