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Elles sont l’Inserm 2022 #3 – Portrait de Françoise Paris

Médecin, PU-PH, chercheuse et directrice de l'unité Inserm "Développement embryonnaire, fertilité et environnement" à Montpellier, Françoise Paris fait figure de modèle dans le paysage de la recherche où les postes de direction sont encore majoritairement occupés par des hommes. Découvrez son parcours.

Occitanie Méditerranée
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Quel est votre parcours professionnel ? Qu’est-ce qui a suscité votre curiosité pour les sciences ?

Françoise Paris : Je suis médecin, professeur des universités-praticien hospitalier en endocrinologie pédiatrique au CHU de Montpellier. Suite au concours d’internat de fin d’études médicales, je me suis spécialisée en endocrinologie, puis en endocrinologie pédiatrique. Le fait de travailler avec le Pr. Charles Sultan m’a permis d’avoir accès à une carrière universitaire. Je me suis alors intéressée de façon approfondie au domaine scientifique plus fondamental en lien avec ma spécialité.

Pour ce qui est de mon appétence pour les sciences, je suis curieuse de nature et essaie de comprendre les mécanismes des différentes pathologies que j’ai à gérer au quotidien. Je pense que ce trait de caractère a été favorisé par mon environnement familial. Mes parents étaient tous les deux chercheurs, l’un en aquaculture et l’autre en physiologie végétale.

En quoi consiste votre activité professionnelle ? Quel est l’enjeu de votre travail ?

F. P. : Mon activité professionnelle est partagée entre une activité clinique de biologie moléculaire, une activité d’enseignement, et la recherche. Sur le versant clinique, je travaille dans le domaine de l’endocrinologie pédiatrique. Dans ce cadre, je suis essentiellement des enfants ayant des troubles de croissance, de puberté, ou des déséquilibres thyroïdiens. Je suis plus spécifiquement investie dans le domaine des variations du développement génital (VDG) étant coresponsable avec mon collègue chirurgien pédiatre, Nicolas Kalfa, du centre de référence pour ces anomalies. Ces dernières concernent des enfants pour lesquels il existe des anomalies du développement sexuel durant la vie fœtale nécessitant une prise en charge spécifique anté / néonatale, mais également durant la période pubertaire, puis à l’âge adulte. Par ailleurs, en collaboration avec Anne Bergougnoux, généticienne, j’assure le diagnostic moléculaire de ce type d’anomalies. Notre groupe gère ces pathologies à tous les niveaux – clinique, chirurgical et moléculaire – de la période fœtale à l’âge adulte.
Mes activités d’enseignement sont axées sur l’endocrinologie et la gynécologie pédiatrique. Pour ce qui est de la recherche, je m’intéresse plus spécifiquement au domaine des polluants endocriniens environnementaux impliqués entre autres dans les VDG et les précocités pubertaires, ainsi qu’au mécanisme moléculaire des VDG.

Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur ce que l’on fait au sein de votre unité de recherche ?

F. P. : L’unité 1203 DEFE que je dirige s’intéresse à la fertilité et au développement embryonnaire précoce. Personnellement je travaille plus dans le domaine de la mécanistique des anomalies moléculaires retrouvées chez certains patients porteurs de VDG. Je continue par ailleurs à être très investie dans le domaine environnemental, l’une de nos thésardes travaillant plus spécifiquement sur les effets de la dioxine.

© F. Paris – Membres de l’unité Inserm 1203 DEFE dirigée par Françoise Paris

Quels sont les principaux défis à relever lorsque l’on est Directrice d’un laboratoire de recherche ?

F. P. : Qu’il s’agisse d’un laboratoire de recherche ou de la direction d’une équipe médicale, l’un des principaux enjeux est de créer une cohésion entre les personnes appartenant à ce groupe de travail. Ceci est d’autant plus vrai concernant l’U1203, que nous sommes une unité bi-site Toulouse-Montpellier. Pour ce faire, au-delà de la nécessité de partager un intérêt commun pour les thématiques de recherche développées dans l’unité, je m’attache à promouvoir des valeurs fondatrices pour moi, indispensables au bon fonctionnement du groupe : la confiance, l’entraide et l’intégrité scientifique. Le directeur adjoint de l’U1203, Eric Huyghe, PU-PH au CHU de Toulouse en urologie et moi-même, partageons ces valeurs et sommes par ailleurs tout à fait complémentaires dans nos activités de recherche.

Un autre défi clé qu’il me semble important de relever est de définir des axes de recherche pertinents et porteurs pour l’unité et de stimuler l’intérêt des plus jeunes pour ces projets. Pour cela je m’appuie sur des échanges nourris avec les titulaires de l’unité. C’est ensemble que nous donnons le cap scientifique.

Enfin, je m’attache à créer et conserver des liens avec d’autres équipes du domaine. C’est indispensable pour partager la connaissance, pousser la réflexion sur un sujet donné, développer des projets collaboratifs, et partager du savoir-faire sur des problématiques plus techniques.

Les femmes sont sous-représentées dans les domaines de la science, la technologie, l’ingénierie, les mathématiques (Source ONU Femmes)…Y’a‑t-il des obstacles à lever dans votre métier lorsque l’on est une femme ?

F. P. : Effectivement, les inégalités femmes-hommes persistent. Dans le domaine médical et universitaire dans lequel j’évolue depuis longtemps, nous sommes parfois encore contraintes de nous affirmer face à certains hommes enclins à des excès de « virilité » pouvant amener à une certaine misogynie. Bien heureusement le plus souvent les choses se passent bien, les femmes ayant appris à occuper leur place.

Au cours de votre parcours, vous êtes-vous heurtée à des remarques sexistes ou en avez-vous été témoin ?

F. P. : A titre personnel je n’ai pas été confrontée à des remarques sexistes, mais c’est un phénomène qui existe. Les hommes à l’initiative de ces remarques savent très bien identifier les personnes avec lesquelles ils pensent pouvoir se permettre ce type de dérapage. Dans le domaine médical, il me semble que peu de femmes se laissent ébranler par ces comportements ayant généralement suffisamment de répondant pour y faire face. 

En revanche, la charge de travail quelque fois lourde et les enjeux de carrière importants peuvent représenter un point de faiblesse pour les femmes à certains moments de leur carrière. Je pense en particulier aux périodes de maternité qui devraient être collectivement mieux accompagnées pour décharger les femmes d’un trop plein d’activité et du sentiment de culpabilité que l’absence engendre.

Beaucoup de femmes encore aujourd’hui assument les responsabilités familiales, et l’éducation des enfants. Ces femmes devraient toujours bénéficier d’une écoute bienveillante de leur hiérarchie et d’une certaine souplesse quant à la gestion des maladies infantiles, l’absence pour rendez-vous médicaux par exemple. Certains hommes en position de management me paraissent avoir encore du mal à adopter la bonne attitude face à ces situations du quotidien. Ils abordent ces absences comme un manquement aux obligations professionnelles. Il faut nécessairement évoluer sur ces questions…et rappeler peut-être qu’un enfant se fait à deux.

Pour une jeune chercheuse souhaitant s’orienter vers le métier de chercheur, quels conseils lui donneriez-vous ?

F. P. : Si une jeune femme souhaite s’orienter vers le métier de chercheur c’est qu’elle a déjà une appétence pour la recherche. Je lui conseillerais donc de se donner les moyens d’y parvenir. La recherche nécessite par ailleurs un certain nombre de qualités telles que la curiosité, la rigueur, la ténacité, l’humilité et la capacité à échanger avec les autres. Ce dernier point me semble très important puisque la science, y compris médicale, évolue et que la confrontation d’idées et de points de vue est indispensable à la progression de la recherche et du savoir.

Si vous n’aviez pas embrassé cette carrière, qu’auriez-vous aimé faire ?

F. P. : Rien d’autre que mon métier de médecin ! ce métier fait partie de moi et m’apporte énormément du point de vue humain en particulier. Le fait d’avoir pu embrasser une carrière universitaire m’apporte également beaucoup : transmettre des connaissances et des savoir-faire aux plus jeunes, les aider à développer leurs capacités d’observation et leur esprit critique, sont des sources de grande satisfaction. La recherche complète parfaitement le reste de mon activité. Étant transversale, elle me permet de répondre à des questions concernant l’état de santé de mes patients.

Un mot de la fin ?

F. P. : Je dirais avant tout à l’attention des plus jeunes, que c’est un privilège de faire un métier que l’on aime. Pour y parvenir il faut réaliser bien en amont une démarche introspective de façon à identifier avec certitude le domaine d’activité dans lequel on est le plus susceptible de s’épanouir.

La recherche est un domaine passionnant que je ne peux que promouvoir. Très vaste du point de vue thématique, allant du fondamental à l’appliqué, il y en a pour toutes les sensibilités. Les femmes, et ce n’est plus à prouver, ont toute leur place dans ce domaine d’activité.