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Comment la Covid-19 a changé notre quotidien de travail

Occitanie Méditerranée
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La crise sanitaire a eu des conséquences importantes sur notre rapport aux autres, notre manière de travailler. Un an après, faisons le point : qu’est-ce qui a véritablement changé dans nos organisations de travail ? Ces bouleversements vont-ils perdurer dans le temps ? La visioconférence nous aide-t-elle vraiment à rester connecté les uns aux autres ? Pour échanger sur ces questions, trois personnels Inserm Occitanie Méditerranée prennent la parole.

1 – Quelle fonction occupez-vous et quelles sont vos missions ?

Charlotte Dumonte : Je suis responsable de l’administration et du pilotage de l’Institut des Neurosciences de Montpellier (Inserm, Université de Montpellier). Mon rôle est un peu celui d’un chef d’orchestre : permettre à nos équipes de recherche de réaliser au mieux leurs projets, et à mes collègues de travailler dans de bonnes conditions. Au quotidien, je peux être sollicitée pour des questions triviales, puis stratégiques en moins de 5 minutes. Je suis donc un peu jongleuse également.

Tangui Maurice : Je suis Directeur de recherche CNRS, chef d’équipe et directeur du laboratoire « Mécanismes Moléculaires dans les Démences Neurodégénératives » (Inserm, EPHE, Université de Montpellier). Je consacre la moitié de mon temps aux tâches administratives liées au laboratoire ou au travail en section au comité national du CNRS, l’autre moitié à la recherche scientifique. L’année 2020 a été très particulière avec l’évaluation HCERES du laboratoire, d’un côté, et la crise sanitaire, de l’autre. Avec Nadine Mestre-Francès, co-directrice du laboratoire, nous nous sommes mobilisés comme jamais pour passer ces échéances de façon très satisfaisante.

Sabrina Réty : Je suis responsable du pôle accompagnement professionnel et action sociale rattaché au service Ressources humaines de la délégation régionale Inserm Occitanie Méditerranée. La mission principale de mon équipe est de conseiller les structures de recherche, d’accompagner les agents Inserm dans leur parcours professionnel (formations, suivi individualisé) et d’assurer les réponses à leurs besoins en matière de suivi médical, aménagement de poste, politique handicap.

2 – La crise Covid et le confinement ont-ils profondément modifié l’organisation de votre travail ? 

Charlotte Dumonte : Pendant le confinement et jusqu’à la suppression des quotas de présence, le changement a été brutal. Aujourd’hui, le quotidien est presque redevenu normal. Le télétravail a pris son essor, même si dans une unité comme la nôtre il est difficile de le généraliser. Les résultats de recherche ne peuvent, en effet, être produits qu’à la paillasse. J’ai donc beaucoup de problématiques à gérer. Mais nous avons tiré des enseignements de l’année 2020 et sommes prêts si un nouveau confinement d’ampleur était annoncé.

Tangui Maurice : Nous avons dû nous adapter. Nos animaleries – vivarium drosophiles, animalerie poissons-zèbres et animalerie rongeurs et primates – sont restées fonctionnelles. Après avoir utilisé rapidement tous les animaux dans les protocoles en cours, nous n’avons pas eu besoin de nous séparer de lignées maintenues au long cours. Aucune manipulation n’a été perdue et nous avons repris rapidement les expériences à la sortie du confinement.
Disposant de locaux spacieux, nous avons en sortie de crise mis en place un plan progressif de reprise d’activité par période de quinze jours : retour des personnels impliqués dans l’expérimentation tout d’abord, puis ceux qui étaient en télétravail ensuite. Le retour 100% au laboratoire a été effectif mi-juin. Aucun incident sanitaire ou psychologique n’a été rapporté durant cette période, ce qui est extrêmement important. Depuis, suivant les consignes sanitaires de nos tutelles, et les fluctuations de la crise sanitaire nous adaptons notre organisation.

Sabrina Réty : Le premier confinement a été un véritable bouleversement dans notre organisation de travail et parfois sur le plan personnel. C’est une période sans précédent pour laquelle nous imaginions, je crois, une issue rapide. L’organisation du travail à distance grâce au télétravail a bien répondu à la nécessité de faire vite et efficace, mais ce fonctionnement dans la durée n’est peut-être pas aussi optimal qu’espéré. C’est une remise en question assez brutale de nos manières de fonctionner et de communiquer.

3 – La visioconférence s’est invitée de façon massive dans toutes les organisations professionnelles. Selon votre expérience, est-elle un moyen de rapprocher les gens et de les faire collaborer ?

Charlotte Dumonte : La visioconférence est ambivalente. Elle rapproche les gens qui sont loin géographiquement ou qui, dans notre situation professionnelle, ne peuvent pas se retrouver physiquement. Mais la communication interpersonnelle est moins fluide et les signaux non verbaux sont atténués. Tout ce qui donne du relief à une conversation en somme ! Comme pour tout le reste, c’est un peu comme la vie d’avant, mais en moins convivial.

Tangui Maurice : Pour des discussions de travail, la visioconférence remplace avantageusement les appels téléphoniques à plusieurs : on se voit, on partage des documents en temps réel et les discussions sont efficaces. En revanche, pour ce qui des congrès virtuels ou des jurys de concours, par exemple, la qualité des interactions est très limitée.
Dans le cas d’un congrès habituellement, toute la socialisation qui se passe autour des présentations, les rencontres fortuites ou préparées autour d’un repas à discuter science en toute liberté, ne se fait plus. Dans le cas des jurys de concours, le temps est globalement optimisé. La qualité du travail est donc très correcte, mais là encore on perd une part importante des interactions sociales entre membres de la commission qui souvent permettent d’affiner les points de vue et donc de fait contribuent à la qualité de l’évaluation.

Sabrina Réty : De façon massive, c’est le mot ! La visioconférence d’un côté est pratique pour garder le lien. Mais communiquer constamment par le biais d’un écran retire du contact humain, de la proximité qui sont les maîtres-mots de notre métier. Une visioconférence ne remplacera jamais une réunion en présentiel : au-delà de l’instant même de la réunion, l’avant et l’après sont propices aux échanges entre individus. La visioconférence nous prive de ces moments.
Nos agendas par ailleurs se sont remplis de visioconférences en tout genre que nous acceptons presque trop facilement. Comme si le travail à distance nous obligeait à être plus disponible pour chacun de nos interlocuteurs. Les temps occupés par les visioconférences à répétition peuvent nuire au travail de fond.
Alors la visioconférence, oui, mais lorsque la situation sanitaire s’améliorera, son utilisation devra être bien dosée.

© Freepik

4 – Professionnellement que retirez-vous de positif de cette période ?

Charlotte Dumonte : Quand le confinement a été déclaré en mars 2020, nous avons dû nous séparer d’une grande partie de nos animaux. Cela a été un sacrifice énorme pour les équipes de recherche et certaines en paient encore le prix. Mais cela nous a finalement permis d’engager une réflexion de fond sur l’organisation de l’animalerie et de la faire évoluer.

Tangui Maurice : Le premier confinement nous a permis de finaliser de nombreux articles en cours. La production scientifique n’a donc pas diminué, au contraire. On pourrait craindre un effet « retard » plusieurs mois après le confinement à cause des manipulations qui ne se sont pas faites, mais nous avons géré la crise pour limiter au maximum l’impact sur l’avancement des projets.
La science est un vecteur de rencontre, d’échanges avec des collaborateurs du monde entier. Cette année restera une année presque blanche pour ces échanges. Nous ne nous sommes pas déplacés et n’avons pas reçu nos collègues étrangers au laboratoire. Plusieurs programmes et de réseaux collaboratifs que nous animons sont en stand-by. Il me tarde que ces dynamiques reprennent à nouveau.

Sabrina Réty : Sur le plan professionnel, la crise a accéléré la mise en place de certains outils que nous tardions à utiliser, comme les formations à distance et les entretiens en visioconférence. Dans un contexte ordinaire, avec une équipe qui télétravaillerait partiellement, ce sont des outils que nous aimerions voir perdurer. Leur utilisation ne serait toutefois pas systématique.
Sur le plan humain, un élan de solidarité s’est développé au niveau de l’équipe. Nous sommes plus soucieux les uns des autres, et le fait de moins se voir nous encourage à rester davantage en contact.
Cette période nous aura amené tout un tas de choses finalement : les plus négatives nous serviront de base pour mieux faire, et les positives s’installeront dans le temps. Je retiens personnellement notre capacité à nous adapter.

5 – Plus largement, avez-vous appris quelque chose sur vous que vous n’imaginiez pas ?

Charlotte Dumonte : Pas vraiment. J’ai plutôt été puiser dans certains traits de ma personnalité : savoir garder mon sang-froid, bien résister au stress, être capable de me mobiliser rapidement. Avec le recul, je suis fière d’avoir réussi à maintenir un niveau d’énergie aussi important sur toute cette période. Sinon je m’en doutais un peu, mais cela s’est confirmé : l’instruction en famille, ce n’est pas pour moi !

Tangui Maurice : Face à la pression qu’imposent les évènements, j’ai fait contre mauvaise fortune bon cœur : j’ai accepté d’entrer dans une certaine routine, elle-même contrainte, ces dernières semaines, par le couvre-feu. Une certaine monotonie s’installe…dans un métier qui était tout sauf monotone entre expérimentations, rédactions, formations et missions diverses à Paris ou à l’étranger, dans d’autres Universités ou auprès de sociétés privées. Contraintes et monotonie me font ressentir aujourd’hui de façon plus aiguë cette « liberté du chercheur » que nous revendiquons à juste titre et qui est le moteur essentiel de notre créativité scientifique.

Sabrina Réty : Je ne pense pas avoir appris quelque chose sur moi en particulier, mais j’ai plutôt redécouvert la valeur de certaines choses : les moments simples, en famille, entre amis, ce que l’on partage autour d’un café, d’un repas ou au détour d’un couloir. C’est lorsque nous sommes privés de ces instants que nous nous rendons compte de leur importance.
Nous venons travailler chaque jour pour accomplir nos missions, mais pas uniquement…ce qui donne du sens à notre travail, c’est notre appartenance à un collectif, les discussions que nous avons ensemble, les rires, les mécontentements. Cette richesse du quotidien manque.
Ah quand même, si, j’ai appris quelque chose sur moi : me réinventer culinairement tous les jours. Fini le petit plaisir du restaurant quand on a plus rien dans le frigo. Il a donc bien fallu compenser par des recettes maison.