Pouvez-vous nous présenter en quelques mots votre parcours à l’Inserm ?
Je suis ingénieure d’études en expérimentation « in vivo » au sein de l’unité « Innovations thérapeutiques en hémostase » (ITHEM). L’activité de recherche du laboratoire se concentre sur la physiologie de l’hémostase et la thérapeutique de la thrombose veineuse et artérielle et ses conséquences ischémiques. J’ai intégré l’Inserm en contrat à durée déterminée en 2006 et ai été titularisée en 2008. J’ai bénéficié du dispositif de recrutement par la voie contractuelle directe, dédiée aux travailleurs avec une reconnaissance de travailleurs handicapés. Je souffre de problèmes d’audition et ce handicap a généré un certain nombre d’obstacles au long de ma carrière professionnelle. Au début de ma carrière, j’éprouvais beaucoup de difficultés à parler de ma surdité et préférais la passer sous silence. Ça a été le cas par exemple, lorsque je me suis présentée à un concours Inserm en 2005, avant d’intégrer mon unité actuelle. Je n’avais aucune aide technique pour pallier mes problèmes d’audition et lorsque j’ai passé l’oral, ça a été compliqué pour moi et je n’ai pas été reçue. J’ai cependant appris plus tard que l’un des membres du jury de ce concours avait recommandé mon CV au directeur de l’unité au sein de laquelle j’ai été accueillie.
Votre handicap a‑t-il des incidences sur votre quotidien au travail ?
J’ai le sentiment de passer à côté d’un grand nombre d’informations. Lors des réunions et des pauses-café, je suis souvent en retrait parce que je ne parviens pas à suivre les échanges. Il est vrai que j’ai une très bonne élocution et, de ce fait, mes collègues pensent que je suis capable de suivre leurs conversations. Or, ça n’est pas le cas, j’ai réellement besoin que mes interlocuteurs prennent du temps pour me transmettre l’information. Lorsque je travaille sur un projet, le fait d’être malentendante ne me permet pas de réagir rapidement. Suivre une conversation de groupe orale génère souvent un sentiment de frustration et d’isolement chez un sourd, qui récupère seulement 25% des informations en « lisant sur les lèvres ». Les informations circulent vite et un écart se met en place. Au début, cet écart est relativement faible, puis, plus le temps passe, plus il s’agrandit. Aujourd’hui, je me rends compte que le fait d’avoir passé sous silence mon handicap a été une erreur. Dans une telle situation, une sensibilisation de l’équipe peut aider à résoudre les difficultés.
Des outils sont-ils mis à votre disposition pour vous aider face à ces difficultés ?
J’ai eu connaissance du système Tadeo® en 2008. C’est la Mission handicap de l’Inserm qui m’en a parlé et qui m’a proposé d’essayer cet outil. Il s’agit d’une plateforme de transcription instantanée, sous forme écrite ou en langue des signes, réalisée à distance. Lorsqu’il y a un séminaire ou une réunion de travail, je réserve la plage horaire via la plateforme et le système me permet de suivre les échanges. C’est un outil très pratique qui me permet de compenser mon handicap.
Ce témoignage montre l’intérêt d’évoquer ses difficultés auprès du médecin de prévention, dans le cadre de la première visite ou de visites à la demande. C’est l’occasion pour nous d’évaluer la situation et de préconiser, le cas échéant, une visite chez un ORL, une déclaration de maladie professionnelle ou une reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH). Dans un deuxième temps, nous pouvons alors proposer des aménagements, mettre en place des outils adaptés comme Tadeo, ou encore sensibiliser l’entourage professionnel…
Anne Affre, médecin de prévention