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« Guérir la vieillesse » – dernier livre de Jean-Marc Lemaitre : réalité prochaine ?

Directeur de recherche Inserm au sein de l'IRMB, Jean-Marc Lemaitre publie aux éditions humensciences "Guérir la vieillesse". Avec lui, faisons le point sur les avancées spectaculaires de la recherche pour maintenir la jeunesse le plus longtemps possible en bonne santé.

Occitanie Méditerranée
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Rappelez-nous les signes les plus évidents du vieillissement et peut-être ceux que l’on imagine le moins ?

Jean-Marc Lemaitre : La peau est le plus gros organe de notre corps. Son vieillissement est visible, mais il n’est que la partie émergée de l’iceberg. Avant tout, si nous vieillissons, c’est parce que les cellules qui constituent nos tissus et organes vieillissent. Ce qui à priori peut paraitre comme une évidence et que je répète inlassablement depuis que je travaille sur le vieillissement, n’a acquis ses lettres de noblesse qu’en 2013. Une revue synthétisant les recherches de nombreux laboratoires dans le monde a défini et validé un nombre restreint de marques du vieillissement cellulaire, qui font aujourd’hui consensus dans la communauté. Ces marques sont sans aucun doute le point de départ des altérations de structures et de fonctions des tissus et organes à l’origine des pathologies liées à l’âge que l’on connait tous (López-Otín et al. 2013).

Y‑a-t’il des âges identifiés pendant lesquels le vieillissement connait des phases ?

J.M. L. : Il est difficile de l’affirmer, parce que nous sommes tous inégaux face au vieillissement. Cependant, quelques études récentes tendent à le suggérer. En mesurant le niveau de près de 3000 marqueurs protéiques circulants dans le sang de plus de 4000 individus de 18 à 95 ans, des chercheurs ont montré en 2019 que nombre de ces marqueurs subissent de brusques changements – les fameux « coups de vieux » – à trois âges de la vie : 34, 60 et 78 ans. Tout cela mérite d’être approfondi.

Le vieillissement d’après vos propos serait une pathologie que l’on peut soigner. Depuis quand est-ce une évidence pour vous et sur la base de quels résultats scientifiques ?

J.M. L. : Je n’ai jamais eu de doute sur le fait que les pathologies liées à l’âge – diabète, maladies cardiovasculaires, arthrose, ostéoporose, maladies neurodégénératives – ne sont que les conséquences du vieillissement de nos tissus, de nos cellules. C’est la raison pour laquelle je me suis intéressé depuis 2006 à la sénescence et au vieillissement cellulaire.

Encore fallait-il formuler que la vieillesse pouvait être considérée comme une maladie de nos cellules et en apporter les preuves irréfutables. Avec mon équipe, nous avons montré en 2011 qu’en reprogrammant des cellules sénescentes et vieillissantes de centenaires, nous pouvions les rajeunir. Nous avons ainsi acquis la preuve que le vieillissement cellulaire était réversible (Lapasset et al. 2011). 

Il a fallu ensuite démontrer que la reprogrammation pouvait améliorer chez l’animal la détérioration des tissus et prévenir l’apparition des pathologies liées à l’âge. C’est ce que nous avons fait avec d’autres laboratoires (Ocampo et al. 2016). Aujourd’hui, nous sommes en capacité de dire qu’une reprogrammation courte sur l’ensemble des cellules d’un modèle de souris appliquée tôt dans la vie, prévient le vieillissement de nombreux tissus et l’apparition de pathologies liées à l’âge en augmentant la longévité de 15% (Alle et al. 2021). Pour aller un peu plus loin encore, une reprogrammation tout au long de la vie de l’animal augmente sa longévité de 30%. 

Dans un futur proche, peut-on imaginer un traitement personnalisé disponible sur simple recommandation médicale pour ralentir, voire inverser le cours du vieillissement ?

J.M. L. : C’est l’objectif à atteindre, mais il faut pour cela que la vieillesse puisse être considérée comme une maladie afin de pouvoir envisager de la traiter.

Il faudrait dans un premier temps réussir à évaluer le degré de vieillesse d’un individu, autrement dit, estimer son « âge physiologique » qui peut être distinct de son « âge chronologique ». Nous menons actuellement ce type de recherche dans mon équipe. Cette première étape permettrait d’évaluer la vitesse à laquelle chaque individu vieillit et de lancer un signal pour une prise en charge personnalisée.

La metformine, médicament destiné aux diabétiques, serait un remède prometteur pour lutter contre le vieillissement. Vraiment ?

J.M. L. : En effet, c’est la molécule aujourd’hui la plus prometteuse sur le sujet. Elle est prescrite depuis 1979 contre le diabète de type 2. En 2005, des chercheurs britanniques ont montré qu’elle pouvait prévenir le cancer. Au niveau cellulaire la metformine pourrait mimer certains effets de la restriction calorique qui augmentent l’espérance de vie chez l’animal. Aux États-Unis, une étude appelée Targeting Aging with Metformin vient d’être lancée sur 3000 personnes âgées de 65 à 79 ans pour évaluer son effet sur la progression du vieillissement. Menée par le gérontologue Nir Barzilai, directeur de l’AFAR (American Federation For Aging Research), cette étude devrait donner ses premiers résultats dans 5 à 6 ans.

Quelles sont les prochaines étapes que vous vous êtes fixé avec votre équipe pour contrer les mécanismes du vieillissement ?

J.M. L. : La poursuite de mes travaux sera centrée sur deux clefs du vieillissement qui faisaient déjà parties de mes hypothèses lorsque j’ai créé mon équipe Atip-Avenir en 2006 : la sénescence cellulaire et ce que j’ai l’habitude d’appeler la déprogrammation du génome avec l’âge. Supprimer les cellules sénescentes sur des modèles de souris augmente la longévité en bonne santé, tout comme la reprogrammation cellulaire appliquée sur l’ensemble des cellules de l’animal. Ces deux axes de recherche font actuellement l’objet de financements colossaux, aux USA. Jeff Besos vient de financer à hauteur de trois milliards de dollars le laboratoire Altos Lab travaillant sur la reprogrammation cellulaire. Par ailleurs, les travaux de James Kirkland sur l’activité des sénolytiques pour détruire les cellules sénescentes a déjà obtenus des financements qui font rêver.

Un institut de la longévité à Montpellier : mythe ou réalité prochaine ?

J.M. L. : Nous verrons si ce projet que je souhaite porter sera soutenu, et s’il pourra s’intégrer au sein de la Med Vallée. C’est mon ambition. Cet institut verrait converger recherche fondamentale, recherche clinique et start-up pour inventer une nouvelle médecine centrée sur la longévité. Traiter la vieillesse comme une maladie à part entière serait le principe de base de tous les projets de recherche et développement de cet institut.