Les contenus de la région '' vous seront proposés par défaut, en plus des contenus nationaux sur tout le site. Ce choix s'appliquera également lors de vos prochaines visites.

Vous disposez d'une adresse @inserm.fr, @aviesan.fr, @anrs.fr,
Connectez-vous pour accéder aux pages réservées, pour voir directement
les contenus de votre délégation et pour organiser vos outils Inserm.

Elles sont l’Inserm 2022 #1 – Portrait de Danièle Noël

En Occitanie Méditerranée, l’Inserm met à l’honneur les femmes de l’Institut pendant tout le mois de mars à travers les interviews « Elles sont l’Inserm ». Faisons connaissance cette semaine avec Danièle Noël, Directrice de recherche au sein de l’IRMB.

Occitanie Méditerranée
A+ / A-

Quel est votre parcours professionnel ? Qu’est-ce qui a suscité votre curiosité pour les sciences ?

Danièle Noël : Je suis issue d’un milieu modeste. Ma famille a tout fait pour que je poursuive des études et a toujours respecté mes choix d’orientation. Ma mère en particulier m’encourageait à avoir un métier pour être autonome. Curieuse de nature et avec un esprit cartésien, j’ai suivi le modèle de mes deux frères engagés dans une carrière scientifique. Nous avons respectivement une thèse de sciences dans des domaines différents : sciences de l’évolution, chimie marine et biologie-santé pour ma part.

Mon parcours professionnel est plutôt atypique. J’ai d’abord obtenu une maîtrise de sciences et techniques en microbiologie axée sur l’industrie agro-alimentaire. Après trois années de CDD en laboratoire, les opportunités de la vie m’ont amenée à déménager et à reprendre des études de DEA.
J’ai ensuite effectué une thèse de sciences sur l’étude des cellules immunitaires des invertébrés marins, avant d’enchaîner sur un post-doctorat en thérapie cellulaire et génique à l’institut de génétique moléculaire de Montpellier dans l’équipe de Marc Piechaczyk. 


En 1999, j’ai rejoint le groupe de Christian Jorgensen pour initier un nouveau projet sur les capacités régénératrices des cellules stromales mésenchymateuses dans la polyarthrite rhumatoïde et l’arthrose.

Cela fait maintenant une vingtaine d’années que je travaille dans ce domaine au sein d’un environnement professionnel particulièrement stimulant.

© Danièle Noël – 2003, équipe de Christian Jorgensen

Pouvez-vous nous expliquer en quelques mots simples l’objet de vos travaux de recherche ?

D. N. : Mon activité est centrée sur l’étude des cellules stromales mésenchymateuses ou cellules agissant sur la réparation et la régénération tissulaires. Je m’intéresse à leurs applications cliniques dans les maladies rhumatismales et auto-immunes que sont l’arthrose, la polyarthrite rhumatoïde, et la sclérodermie systémique. Deux axes sont privilégiés :
– la thérapie cellulaire basée sur les capacités réparatrices et protectrices de ces « cellules médicaments » après simple injection dans une articulation malade ;
– l’ingénierie tissulaire, basée sur la capacité de ces cellules à se différencier en chondrocytes et générer du cartilage.
Depuis plus récemment, je m’intéresse aux vésicules extracellulaires produites par ces cellules qui contiennent un grand nombre de molécules actives responsables de leur effet thérapeutique. Elles pourraient à terme remplacer les cellules pour certaines applications cliniques.

En quoi consiste votre activité professionnelle ? Quel est l’enjeu de votre travail ?

D. N. : Je suis responsable d’un groupe de recherche composé d’une dizaine de collaborateurs. Au quotidien, mon travail consiste à écrire des projets de recherche pour obtenir des financements, à encadrer et former les étudiants en thèse et en post-doctorat ainsi que les ingénieurs. Je contribue également à l’évaluation de la recherche et à la diffusion des résultats de mes travaux à travers l’écriture de publications scientifiques ou la participation à des congrès.

© Marie Maumus 2020 – Equipe de Danièle Noël au sein de l’IRMB.
De g. à dr. 1er rang : Claire Loussouarn, Noémie Petitjean, Claire Bony, Danièle Noël, Marie Maumus, Pauline Rozier, Alexandre Maria.
De g. à dr. 2ème rang : Jérémy Boulestreau, , Jérémy Salvador, Philippe Guilpain, Benoit Suzon, Lilian Solé, Alexandre Théron.

L’enjeu de mon travail est considérable, car le domaine de la médecine régénératrice avance vite et les attentes sont immenses. J’ai la chance de contribuer à la mise en place d’essais cliniques coordonnés par Christian Jorgensen pour évaluer l’efficacité de nos traitements cellulaires chez les patients atteints d’arthrose (essais de phase I et II ADIPOA) et de dégénérescence lombaire (RESPINE).

Les données actuelles indiquent très concrètement une diminution de la douleur et une amélioration de la marche des personnes atteintes de ces affections chroniques. Si l’efficacité du traitement est avérée en phase 3 sur un panel plus important de patients, on peut espérer retarder de plusieurs années la pose de prothèses.

J’avoue que je n’aurais jamais imaginé en début de carrière parvenir à de tels résultats. C’est une grande satisfaction de voir le fruit de nos recherches apporter une réponse concrète à des problématiques de santé particulièrement invalidantes. 

Résultats de l’injection de vésicules extracellulaires (EV) de cellule stromales mésenchymateuses dans l’articulation de souris arthrosiques. A g., la dégradation du cartilage (couleur rouge) chez les contrôles (col) et le cartilage non dégradé chez les souris traitées avec EV.
A dr., le cartilage visualisé en 3D avec un code couleur : rouge, le cartilage est intact ; vert il est dégradé.
Dessous, quantification du volume du cartilage dégradé chez les contrôles arthrosique (col).

Qu’appréciez-vous le plus dans votre métier ?

D. N. : Le défi permanent et le fait qu’il n’y ait pas un jour qui se ressemble. J’apprécie également la chance qui m’est donnée de rencontrer des collègues d’horizons variés et venant de pays différents. Le contact avec les plus jeunes et mon rôle de transmission sont pour finir une source de grande satisfaction.

Les femmes sont sous-représentées dans les domaines de la science, la technologie, l’ingénierie, les mathématiques (Source ONU Femmes). Y’a‑t-il des obstacles à lever dans votre métier lorsque l’on est une femme ?

D. N. : J’ai eu la chance d’avoir des responsables hommes très concernés par l’égalité professionnelle femmes-hommes et qui m’ont tous soutenue dans mes démarches et actions pour obtenir un poste académique. Cela m’a pris du temps car je me suis insidieusement enfermée dans un schéma de pensées ne favorisant par la confiance : sentiment d’imposture, forte culpabilité pendant les périodes d’absence pour congé maternité, plafond de verre. Beaucoup de femmes aspirant à une carrière scientifique ont également connu ces blocages. Mon milieu familial éloigné du monde de la recherche, le manque de référent féminin dans le domaine et la société très patriarcale ont participé à installer ce manque de confiance.

Les jeunes doctorantes d’aujourd’hui se posent toujours beaucoup de questions sur leurs possibilités de carrière dans l’académique ou le privé et leur capacité à y arriver. Je fais partie de l’association Femmes & Sciences et je m’investis dans le programme de mentorat pour soutenir ces jeunes femmes. A travers des ateliers, des cercles de discussion et un accompagnement personnalisé, je leur donne des conseils et les motive pour qu’elles se sentent légitimes. Je suis convaincue que certains obstacles seront plus faciles à franchir pour celles qui auront pu bénéficier de ce programme.

Au cours de votre parcours, vous êtes-vous heurtée à des remarques sexistes ou en avez-vous été témoin ?



D. N. : Comme je l’ai dit, j’ai eu la chance personnellement d’avoir été soutenue tout au long de mon parcours par un entourage bienveillant sans avoir à faire face à des remarques ou des attitudes inconvenantes. J’ai dû faire face à une certaine compétition femme-homme sur le plan professionnel, mais sans subir de comportements sexistes.

En revanche, j’ai entendu des remarques déplacées vis-à-vis de collègues féminines de la part de certains hommes. J’ai encore très nettement en mémoire une phrase prononcée par un confrère pour qualifier une chercheuse qui m’a énormément choquée, surtout dans le milieu professionnel où la réserve est de rigueur. Cette attitude était tout simplement inacceptable.

© Claudia Pereira 2022

Pour une jeune femme souhaitant s’orienter vers le métier de chercheuse, quels conseils lui donneriez-vous ?

D. N. : C’est un métier passionnant, mais exigeant et les postes sont rares. On y trouve beaucoup de satisfaction et un peu de désillusion aussi, mais la balance reste favorable. Je dis souvent aux plus jeunes qui s’interrogent sur leur carrière : faites ce que vous aimez et quels que soient les obstacles vous y arriverez !

Si vous n’aviez pas embrassé cette carrière, qu’auriez-vous aimé faire ?

D. N. : Je me suis posée la question à plusieurs reprises, en particulier en début de carrière lorsque les CDD s’enchaînaient et que les résultats des concours étaient négatifs. Finalement, j’ai persévéré. Je crois que le métier de chercheuse était plus que tout autre celui que je voulais faire.

Un mot de la fin ?

Quel que soit l’obstacle, il est toujours possible de le contourner ou de l’enjamber. Faites-vous confiance !