Article “Effects of the right to be forgotten for childhood or breast cancer survivors : Results of a quasi-experimental study in France”, paru dans le Journal of cancer Survivorship, https://doi.org/10.1007/s11764-025 – 01830‑4
Dernier auteur et auteur correspondant : Agnès Dumas, agnes.dumas@inserm.fr
En France, le droit à l’oubli permet depuis 2017 aux personnes guéries d’un cancer de ne plus mentionner leur maladie lors d’une demande de crédit et d’assurance emprunteur. Cette loi, pionnière en Europe, visait à lutter contre une discrimination financière invisible mais tenace : l’exclusion de l’accès au crédit pour cause d’antécédent de cancer. Notre étude vient d’en évaluer les effets chez des personnes traitées pour un cancer du sein ou de l’enfant. Les résultats montrent que le taux de difficultés a significativement baissé, notamment chez les anciens malades du cancer de l’enfant, mais qu’il reste des freins pour les personnes traitées pour un cancer du sein. Des données essentielles alors que l’Union européenne réfléchit à harmoniser les droits des anciens malades du cancer.
- Plus de 3 millions de françaises et français vivent avec le cancer ou en ont été guéries. Les progrès importants effectués ces dernières années en termes de guérison du cancer soulèvent de nouvelles problématiques. Notamment, l’accès au crédit est difficile en raison de la demande de souscription à une assurance emprunteur parfois inaccessible, soit en raison de son coût, soit car il s’avère impossible de trouver un assureur acceptant une personne ayant un risque aggravé de santé. Il faut savoir qu’un ménage sur 2 est concerné par une demande de crédit en France. Le crédit immobilier, à lui seul, concerne un Français sur trois.
- Depuis 2017, le Droit à l’oubli (DAO) permet à tous les anciens malades de ne pas déclarer l’antécédent de cancer après un certain délai (5 ans si la fin des traitements a lieu avant 21 ans, 10 ans si la fin des traitements a lieu après). Des grilles de référence encadrent la réduction de ce délai en fonction du type de cancer.
- En 2024, huit autres pays européens avaient adopté ou mis en œuvre une législation inspirée du DAO français. Plusieurs associations de patients en Europe ont appelé à une extension du DAO à l’ensemble des pays européens.
- Notre étude ELOCAN visait à évaluer les effets du DAO sur la réduction des difficultés rencontrées par les anciens malades du cancer vis-à-vis de l’accès à l’assurance emprunteur.
- Pour cela, une étude contrôlée avant-après a été menée en utilisant différentes sources de recrutement pour enrôler des anciens malades du cancer du sein et de l’enfance (cas) et des personnes sans antécédents de cancer (témoins), notamment grâce à la plateforme collaborative citoyenne des Seintinelles et la cohorte FCCSS (French childhood cancer survivor study), une cohorte multicentrique de personnes traitées pour une tumeur solide ou un lymphome avant 2000 en France.
- Les critères d’éligibilité étaient les suivants : les anciens malades du cancer devaient avoir demandé un prêt immobilier après un cancer pédiatrique ou du sein pour lequel les traitements étaient terminés depuis au moins 1, 5, 7 ou 10 ans selon les critères des grilles de référence, sans récidive ni nouvelle apparition de cancer au moment de la demande de prêt. Pour être éligibles, les témoins devaient avoir demandé un crédit immobilier sans antécédent de cancer au moment de la demande.
- Les difficultés d’accès à l’assurance emprunteur signalées par les anciens malades du cancer et les témoins avant et après l’adoption de la loi (2010 – 2022) ont été recueillies à l’aide d’un questionnaire en ligne et comparées entre les groupes. Les groupes ont été appariés à l’aide d’un score de propension sur l’âge, le sexe, le montant du capital assuré et les variables liées à la santé.
- Résultats : La probabilité d’éprouver des difficultés à obtenir un prêt a diminué de manière significative après le DAO. Sur 552 répondants appariés (ratio cas-témoins de 1:3), des difficultés d’accès à l’assurance liée au prêt ont été signalées par 65 % des cas contre 16 % des témoins avant le DAO et par 35 % des cas contre 15 % des témoins après le DAO. Dans les analyses de sous-groupes, les résultats sont restés significatifs uniquement pour les anciens malades du cancer de l’enfant.
- En conclusion, malgré une diminution significative de la proportion d’anciens malades du cancer rencontrant des difficultés après l’adoption du DAO, il existe des difficultés possibles dans la mise en œuvre, la diffusion et l’utilisation de la loi, en particulier pour les personnes traitées à l’âge l’adulte.

