Valérian Dormoy, enseignant-chercheur à l’Inserm UMR‑S 1250 Pathologies Pulmonaires et Plasticité Cellulaire (P3Cell) – Inserm/Université de Reims Champagne Ardenne en collaboration avec des chercheurs de l’Institut Pasteur, a identifié des mécanismes moléculaires et génétiques impliqués dans la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO). Ces résultats sont publiés dans Nature communications.
Cette pathologie respiratoire chronique évolutive est définie par une obstruction permanente des voies aériennes. Elle touche, dans la population française, 5 à 10% des plus de 45 ans selon Santé publique France. Toux chronique, expectorations et essoufflement s’aggravent au fil des ans et deviennent invalidants. Des études génétiques précédemment menées chez l’humain ont associé, dans un premier temps, cette pathologie à des gènes situés sur le chromosome 15, qui codent pour des sous-unités du récepteur nicotinique de l’acétylcholine (nAChR). Découvrez l’interview avec Valérian Dormoy, chercheur Inserm/Université de Reims Champagne Ardenne.
La BPCO est-elle une pathologie génétique ou est-elle provoquée par des facteurs externes ?
C’est une pathologie déclenchée et exacerbée par des facteurs externes sous contrôle de l’environnement global, comme la pollution ou la fumée de cigarette L’étude de la contribution génétique jusqu’à présent n’a pas donné grand-chose mais étant donné que toute la population n’y est pas sensible, le génome et son altération doit jouer un rôle. Seul le déficit en Alpha 1 antitrypsine a été démontré génétiquement et a permis une prise en charge thérapeutique ciblée pour ces patients identifiés. Mais cela correspond à environ 1% des patients BPCO. Le reste, est purement de l’association génétique démontrée statistiquement, sans que nous puissions agir d’un point de vue moléculaire et thérapeutique.
Dans quel contexte avez-vous effectué cette étude ?
Des travaux ont été initiés dans le laboratoire il y a déjà une quinzaine d’années. A la base, nous nous intéressions aux récepteurs nicotiniques sur le versant cancer : la plasticité cellulaire des cellules cancéreuses pulmonaires était modulée par certains récepteurs nicotiniques. Après des années de recherche, sur la caractérisation moléculaire de certains de ces récepteurs nicotiniques, une collaboration s’est mise en place avec l’Institut Pasteur à Paris pour essayer de décoder l’implication de ces récepteurs dans des contextes un peu plus larges au niveau pulmonaire.
Nous avons notamment exploité un modèle de souris génétiquement modifié qui exprimait le SNP* rs16969968 présent sur la séquence génétique codant pour la sous-unité α5 des récepteurs nicotiniques. Il avait été démontré génétiquement comme associé, notamment au cancer, à l’addiction tabagique et un peu plus récemment à la BPCO.
Au cours des recherches, le laboratoire s’est rendu compte que ces souris développaient des lésions qui ressemblaient à ce que nous voyions chez des patients BPCO. C’est-à-dire, des patients avec de l’emphysème, du remodelage épithélial et de l’inflammation. En plus de permettre la caractérisation phénotypique de l’altération génétique, nous mettons en évidence la possibilité d’utiliser ces souris comme modèles expérimentaux de BPCO car il n’existe pas vraiment de modèles murins reproduisant l’ensemble du tableau clinique de cette pathologie.
*SNPs prononcés snips : Single nucleotide polymorphisms correspond à un seul nucléotide modifié provoquant des variations mineures du génome au sein d’une population
En quoi cette étude était importante ?
Le point le plus important est que nous avons pu valider expérimentalement une association génétique avec une pathologie respiratoire majeure. Comme nous comprenons certains éléments moléculaires et cellulaires, nous pouvons cibler et rétablir l’homéostasie chez les patients. Cela nous permet de vraiment comprendre des aspects supplémentaires de la pathologie quant à sa genèse ou son développement pour apporter de nouvelles stratégies thérapeutiques.
Quelles vont être les prochaines étapes ?
L’étude que nous avons publiée est à 95% sur le modèle murin. C’est certes une jolie démonstration parce que nous pouvons comprendre d’autres aspects de la pathologie. Par contre, nous devons à présent passer à l’étape suivante, c’est-à-dire chez l’humain, notamment chez les patients BPCO et patients cancéreux. Corriger ou moduler les altérations induites par ce SNP sera évaluer pour restaurer la fonction pulmonaire. C’est de la recherche à long terme. Mais notre objectif maintenant est de revenir sur le patient.
Article rédigé par Ammra Tan
Source : https://doi.org/10.1038/s41467-021 – 26637‑6
https://www.pasteur.fr/fr/espace-presse/documents-presse/bronchopneumopathie-chronique-obstructive-mutation-genetique-confirmee-facteur-predisposition