Dans quelles conditions avez-vous rencontré les associations avec lesquelles vous avez travaillé ?
Nous cherchions à constituer une cohorte de patients atteints de polypose adénomateuse familiale, pour étudier leur réponse immunitaire à partir d’échantillons de sang. Nous avons d’abord contacté des gastro-entérologues, qui ne suivaient pas suffisamment de patients pour réaliser cette étude. Mais l’un deux nous a suggéré de contacter l’association Polyposes familiales France, et la plateforme de l’institut Pasteur Icareb (Investigation clinique et accès aux ressources biologiques). Hélène Laude et Marie-Noëlle Engeheuer d’Icareb ont confirmé qu’il serait possible d’assurer, au sein de la plateforme, les consultations de participation à la recherche de ces patients. Ensemble, nous avons contacté l’association, qui a répondu très rapidement.
Polyposes familiales France s’est montrée d’autant plus intéressée que la polypose familiale est une maladie rare, sur laquelle peu de recherches sont menées. Nous leur avons envoyé une publication détaillant les données préliminaires relatives au projet, un communiqué de presse Inserm/Institut Pasteur, et notre projet de recherche, qu’ils ont soumis pour avis à leur conseil scientifique et médical. Après un avis positif, nous nous sommes rencontrés. La présidente de l’association, Muriel Le Bidan, et Christine Micallef, membre du conseil d’administration, sont devenues nos interlocutrices privilégiées. Grâce à nos discussions, nous avons adapté certains aspects du projet. Elles ont notamment relu les formulaires de consentement et les fiches d’information et travaillé ces documents avec les médecins d’Icareb.
Je suis devenu membre de l’association, et j’ai participé aux réunions patients-médecins qu’elle organisait. Nous avons créé un flyer et un poster pour présenter le projet aux patients et aux cliniciens, lors de trois réunions à Paris, Marseille et Bordeaux. Le recrutement s’est ensuite fait grâce à l’association dans toute la France.
La polypose adénomateuse familiale est caractérisée par le développement, dès la deuxième décennie, de centaines (voire de milliers) d’adénomes dans le côlon, le rectum, puis le duodénum. Ils induisent un risque de 100 % de survenue de cancer colorectal. Ce risque diminue significativement après l’entrée des patients dans un programme de dépistage, de prise en charge et de suivi. Ce programme implique, notamment, un traitement chirurgical lourd (avec ablation d’une large portion de l’intestin) et des suivis endoscopiques rapprochés. Il s’agit d’une maladie génétique rare dont la cause la plus fréquente consiste en des mutations germinales du gène APC.
Quelles différences avec une recherche « classique » ?
La phase initiale a été très importante, et elle a permis de mûrir et de mener différemment le projet. Icareb a joué un rôle majeur. La plateforme avait déjà une cohorte d’individus sains, acceptée par le comité éthique, pour participer à des projets de recherche qui pouvaient comporter des données génétiques. Elle a servi de base à notre demande de constitution d’une cohorte de patients. Grâce à l’interaction entre l’association et Icareb, nous n’avions pas à collecter d’échantillons dans différents hôpitaux. L’implication de l’association a facilité l’obtention de l’agrément du comité éthique, et a amélioré la fiabilité d’obtention d’échantillons pour notre recherche. Icareb organisait les visites et recevait tous les participants (patients et témoins) qui pouvaient venir de toute la France.
Le recrutement des patients s’est fait grâce aux réseaux sociaux de l’association. Les volontaires demandaient à participer, et posaient beaucoup de questions sur le projet. C’était intéressant de voir comment ils percevaient positivement la recherche. Ils n’étaient pas du tout méfiants, mais ils voulaient des informations, notamment sur les échantillons de sang et les objectifs. Nous les avons tenus informés de nos progrès, par des présentations lors de leurs réunions patients-médecins, et par des résumés publiés une fois par an dans le bulletin de Polyposes familiales France. Des membres de l’association ont contribué à la rédaction de ces résumés pour que le langage soit accessible à tous.
Grâce à l’association, nous avons rencontré des patients, mais aussi des cliniciens spécialistes de la polypose. Nous avons appris sur les différents types de polypose, sur le vécu des malades, sur les différents gènes pouvant être mutés, et sur les différents degrés de gravité de la maladie. Nous avons beaucoup apprécié la grande motivation de patients pour participer à l’étude et l’avis des spécialistes
Institut Pasteur-Inserm
Nous leur avons expliqué que nos découvertes n’auraient pas d’application immédiate pour les patients, mais qu’elles génèreraient des connaissances qui, elles, contribueraient à une meilleure compréhension des mécanismes de la maladie et ouvriraient la porte à des projets futurs. J’ai beaucoup apprécié le dynamisme et générosité des membres de l’association, qui comprenaient que la recherche pouvait être bénéfique, même si les résultats n’étaient pas immédiats. Il n’y avait pas de hiérarchie de pouvoir ni des connaissances entre les chercheurs et les patients, car chacun a partagé son savoir et son expérience. L’aspect humain de cette collaboration s’est révélé très enrichissant. Il a permis de faire la recherche d’une façon différente !