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« On ne peut pas développer de projet sur les maladies rares sans l’adhésion des familles »

Grâce à ses collaborations avec les familles de personnes atteintes de maladies rares affectant le développement le médecin-chercheur Didier Lacombe, fait progresser la prise en charge et les connaissances de pathologies, telles que les syndromes de Costello et de Rubinstein-Taybi.

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Comment s’est mis en place votre travail avec les associations ?

J’ai toujours pensé qu’il fallait collaborer avec les patients, pour mieux développer la recherche clinique. En 1985, à Bordeaux, j’étais l’un des rares médecins à travailler sur les anomalies génétiques du développement et les maladies rares. Trois personnes de l’Association française contre la myopathie (AFM-Téléthon) sont venues me rencontrer au début de l’aventure du Téléthon vers les années 1988 – 1989 pour me proposer une collaboration.

Très vite, j’ai compris que nous avions tous à y gagner. Cette démarche nous faisait descendre de notre piédestal… mais on ne peut pas développer de projet sur les maladies rares sans l’adhésion des familles. Cela suppose de répondre à toutes leurs questions, qui peuvent parfois être brutales. Il faut être proche des gens et disponible : les familles ont mon adresse e‑mail, je réponds à tous leurs messages, y compris par visioconférence.

Avec les familles et les présidents des associations, nous avons développé des relations amicales. Nous nous voyons en dehors de l’hôpital, déjeunons régulièrement ensemble pour faire le point, mes enfants ont vu grandir les leurs et vice versa…

Dans mon domaine, les plus belles histoires se sont faites grâce aux associations. 
Didier Lacombe
Chef de service de génétique médicale au CHU de Bordeaux
Directeur de l’unité Inserm Maladies rares : génétique et métabolisme
Portrait de Didier Lacombe

Pourriez-vous nous donner des exemples de recherche ?

Syndrome de Rubinstein-Taybi

Comme, je suivais des patients atteints du syndrome de Rubinstein-Taybi, j’ai sollicité les familles. Je me suis souvenu de l’exemple de l’AFM-Téléthon, je leur ai dit : « Si on veut favoriser la recherche, c’est bien de créer une association de patients. » Je suis ainsi devenu leur garant médical et scientifique. Cette démarche suppose une autre vision du médecin, loin de l’image du mandarin. Ensemble, nous avons organisé des actions d’information, des tables rondes, des groupes de paroles par tranches d’âge… J’ai également mis en place une consultation multidisciplinaire avec psychologue, orthophoniste, dentiste et assistant social. Nous leur avons aussi proposé de faire partie des protocoles de recherche clinique.

Puis, j’ai rencontré un avocat dont un enfant était atteint de ce syndrome, et qui s’intéressait à la recherche. Il a créé une fondation pour lever des fonds, et, de mon côté, j’ai obtenu des financements (via le programme hospitalier de recherche clinique national). Nous avons ainsi pu designer un essai monocentrique avec une molécule.

Cet essai n’a pas abouti, mais ça a été une belle expérience et cela nous a donné des pistes de recherche pour le futur. Ce sont nos relations avec l’association et la fondation qui ont permis de créer une base de données de patients très importante (Genida), à laquelle les patients contribuent directement.

Le syndrome de Rubinstein-Taybi est un syndrome malformatif rare caractérisé par des anomalies congénitales (microcéphalie, faciès caractéristique, pouces et gros orteils larges et retard de la croissance postnatale), une petite taille, un déficit intellectuel et des troubles comportementaux.

Syndrome de Costello

Il y a vingt ans, j’ai diagnostiqué un syndrome de Costello sur une petite fille qui venait de naître. Son grand-père a créé l’Association du syndrome de Costello, avec d’autres familles bordelaises. J’ai présidé son conseil scientifique, et la région Nouvelle-Aquitaine a financé des réunions annuelles qui ont ensuite été élargies au niveau européen.

Tous les ans, nous choisissons un ou deux thèmes (dents, cerveau…) et faisons venir les jeunes patients à l’hôpital. Le temps d’un week-end, nous examinons trente enfants. Cela permet d’améliorer les connaissances sur la maladie, de publier, et d’améliorer la prise en charge.

Nous avons généré un modèle souris de la maladie, grâce à un partenariat avec l’Institut clinique de la souris à Strasbourg. L’association a payé ce modèle pour le mettre à la disposition des chercheurs.

Un chercheur de l’unité, spécialiste des mitochondries, est venu rencontrer les enfants et les familles. Il a émis des hypothèses, notamment à partir du modèle murin financé par l’association de patients, auxquelles personne ne croyait, sur le manque d’énergie de ces patients. Grâce à un financement de l’ANR, il a pu tester son hypothèse. En effectuant des biopsies sur les patients, et en travaillant sur la souris, il a prouvé le défaut du métabolisme énergétique chez ces enfants. Cela nous a permis de faire une hypothèse thérapeutique et de breveter une molécule grâce à laquelle nous espérons pouvoir débuter prochainement un essai à visée thérapeutique afin d’améliorer certains symptômes de la maladie. Notre démarche revient donc vers le patient.

Le syndrome de Costello est une maladie rare multisystémique caractérisée par un retard de croissance staturo-pondérale, une petite taille, un retard de développement ou un déficit intellectuel, une laxité articulaire, une peau flasque et une dysmorphie faciale. Une atteinte cardiaque et neurologique est fréquente, et il existe un risque accru de développer certaines tumeurs tout au long de la vie.