La directive européenne 2010/63, transposée en droit français par le décret 2013/118 et ses 5 arrêtés en date du 1er février 2013, renforce la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques. Ces textes imposent que la mise en œuvre de tout projet scientifique qui utilise des animaux soit conditionnée par l’obtention préalable d’une autorisation du ministère chargé de la Recherche. Cette autorisation n’est délivrée qu’après une évaluation éthique du projet par un comité d’éthique en expérimentation animale (CEEA).
Pour émettre un avis, le CEEA analyse la justification de l’utilisation du modèle animal et les moyens mis en œuvre pour limiter les contraintes imposées aux animaux. Une évaluation éthique des dommages infligés aux animaux versus les bénéfices attendus et leur chance de succès est ainsi réalisée.
CNEA et CNREEA : quels sont les rôles et les missions des instances nationales ?
Afin d’encadrer et de faire évoluer la recherche qui implique des modèles animaux, la France s’est dotée d’une commission nationale d’expérimentation animale (CNEA) dès 1987, rebaptisée Commission nationale pour la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques (décret 2020-274 du 17 mars 2020), et d’un comité national de réflexion éthique sur l’expérimentation animale (CNREEA) en 2005.
Le rôle de la CNEA, placée auprès des ministres chargés de la Recherche et de l’Agriculture et dont le secrétariat est assuré par le ministère de la Recherche, est de donner des avis sur tout projet de modification de la réglementation ou de la législation relative à l’expérimentation animale, et sur l’approbation des formations réglementaires à destination des personnels des établissements d’expérimentation animale.
Placé auprès de la CNEA, le CNREEA a pour mission d’émettre des avis sur les questions éthiques soulevées par l’expérimentation animale. L’une de ses premières actions a été d’élaborer la Charte nationale portant sur l’éthique de l’expérimentation.
Les comités d’éthique en expérimentation animale (CEEA)
Depuis les années 2000, de nombreux comités d’éthique régionaux en expérimentation animale existent en France pour répondre à la demande des chercheurs, mais aussi aux exigences de certains éditeurs scientifiques ou agences de financement de la recherche. Mais si la soumission d’un projet à un comité d’éthique était au départ une démarche volontaire, l’évaluation éthique d’un projet est devenue obligatoire depuis 2013.
Les CEEA sont enregistrés par le ministre chargé de la Recherche et sont reconnus comme seule autorité compétente pour l’évaluation éthique des projets utilisant des animaux à des fins scientifiques. Actuellement, il existe environ 130 comités d’éthique. Chaque établissement qui utilise des animaux à des fins scientifiques est rattaché à un, et un seul d’entre eux, mais plusieurs établissements peuvent dépendre d’un même comité.
Le mode de fonctionnement de ces comités est défini par le décret 2013-118 et l’arrêté relatif à l’évaluation éthique et à l’autorisation des projets impliquant l’utilisation d’animaux dans des procédures expérimentales. En complément, et à la demande du ministère chargé de la Recherche, un référentiel pour l’organisation et le fonctionnement de ces comités a été élaboré par le Groupe de réflexion interprofessionnel sur les comités d’éthique appliqués à l’expérimentation animale (GRICE) et approuvé par le CNREEA.
Leurs missions
Les CEEA doivent :
- procéder à l’évaluation éthique prospective des projets,
- rendre un avis motivé sur les projets,
- procéder à leurs appréciations rétrospectives le cas échéant. L’appréciation rétrospective est imposée pour tous les projets qui incluent des procédures avec des primates ou classées comme sévères, quelle que soit alors l’espèce utilisée.
Les comités participent également à la promotion des bonnes pratiques relatives à la règle des 3 R.
Chaque comité doit également transmettre un bilan annuel de son activité au ministère chargé de la Recherche et se soumettre à un éventuel audit sur son fonctionnement.
Leur composition
Un CEEA réunit des compétences pluridisciplinaires et se compose à minima de 5 personnes bénévoles : un vétérinaire, un concepteur de projets, un applicateur, un soigneur et une personne non spécialisée dans les questions relatives à l’utilisation d’animaux à des fins scientifiques (il peut s’agir, par exemple, d’un membre d’une association de patients, d’un personnel administratif, d’un philosophe…). Le CEEA peut également, en cas de besoin, faire appel à des experts extérieurs au Comité. (art 3 – arrêté du 01/02/2013)
Les membres des comités s’engagent par écrit à respecter :
- les principes énoncés dans la Charte nationale portant sur l’éthique de l’expérimentation animale,
- leur indépendance et leur impartialité (retrait des évaluations en cas de conflit d’intérêt avéré ou pressenti) et la confidentialité des échanges.
L’évaluation éthique des projets
Les points clé de l’évaluation
Un certain nombre de critères sont pris en compte pour l’évaluation des projets par les CEEA (art 4 – arrêté du 01/02/2013) :
La licéité du projet
Elle impose de démontrer la stricte nécessité d’utiliser des animaux pour atteindre l’objectif scientifique qui s’applique à des domaines précis :
- la recherche fondamentale
- les recherches translationnelles ou appliquées
- la santé des hommes, des animaux et des plantes, la recherche agronomique, la protection de l’environnement, la préservation des espèces, l’enseignement supérieur ou technique, les enquêtes médicolégales.
La démonstration de l’application de la règle des 3R
Remplacer
« Les procédures expérimentales ont un caractère de stricte nécessité et ne peuvent pas être remplacées par d’autres méthodes expérimentales n’impliquant pas l’utilisation d’animaux vivants et susceptibles d’apporter le même niveau d’information ».
Le remplacement peut être :
- total : grâce à l’utilisation de méthodes adéquates (in silico, in vitro etc…). On parlera alors de méthodes substitutives ;
- partiel : avec le remplacement d’une espèce par une autre dont la sensibilité à la douleur serait moindre.
Le comité s’assure de la justification du recours au modèle animal (impossibilité d’atteindre les objectifs scientifiques par des méthodes substitutives) et lorsque qu’elle est avérée, le comité doit évaluer la pertinence de l’espèce choisie et considérer si l’utilisation d’espèces animales moins sensibles, comme les invertébrés (Nématodes, Drosophiles etc…) est possible pour répondre à la question scientifique.
Réduire
La réduction désigne toutes les solutions dont le résultat se traduit soit :
- par une diminution du nombre d’animaux impliqués dans des procédures expérimentales, tout en obtenant suffisamment de données pour atteindre les objectifs de l’étude ;
- en maximisant le nombre d’informations obtenues à partir d’un même animal ce qui peut limiter ou éviter l’utilisation subséquente d’animaux supplémentaires, et ce, sans pour autant compromettre le bien-être animal.
Ainsi, les évaluateurs du comité d’éthique devront s’assurer de l’utilisation de groupes statistiques appropriés, de la pertinence des tests statistiques prévus, de l’utilisation de techniques ou de pratiques qui permettent d’obtenir plus d’informations à partir d’un même nombre d’animaux : études longitudinales (imagerie, télémétrie…) ou réutilisation (animaux de réforme).
Raffiner
Le raffinement désigne toute méthode qui vise à limiter les contraintes imposées aux animaux lors des procédures, mais aussi avant et après . Le raffinement inclut :
- Les conditions d’hébergement (groupes sociaux, enrichissements…)
- Le choix des techniques qui doivent privilégier les actes les moins invasifs pour l’animal (imagerie…).
- Les modalités d’anesthésie/analgésie
- Les modalités de suivi des animaux lors d’une procédure (observations comportementales, pesées…).
Toute procédure expérimentale devra être accompagnée de points limites (ou critères d’arrêt) bien définis et en cohérence avec les possibles contraintes liées à l’expérimentation. La description claire de la nature et de la fréquence des observations est attendue. Une grille de score est en général appréciée. Les actions engagées à l’apparition de points limites (gestion de la douleur, réhydratation, arrêt anticipé de l’expérimentation…) doivent être clairement définies et effectives lors de la mise en œuvre du projet.
L’analyse « Dommages / Avantages »
Il s’agit ici de mettre en balance les bénéfices attendus par la mise en œuvre du projet et la probabilité d’obtenir un résultat exploitable, au regard de la nature et des dommages imposés aux animaux.
L’appréciation de la classification des procédures expérimentales selon leur degré de gravité.
Il relève du comité d’éthique de valider (ou reclasser éventuellement) le degré de gravité proposé par le concepteur pour chaque procédure. Cette analyse repose sur l’estimation de l’intensité et de la durabilité des contraintes imposées à l’animal mais aussi sur leur répétition dans le temps. Le degré de gravité devra donc prendre en compte l’ensemble des gestes techniques utilisés dans une procédure mais aussi leurs effets cumulés (cf annexe de l’arrêté du 1er février 2013 relatif à l’évaluation éthique et à l’autorisation des projets impliquant l’utilisation d’animaux dans des procédures expérimentales)
L’avis
Lors des débats au sein du comité pour une évaluation, il est important que toutes les sensibilités puissent s’exprimer et qu’au moins un membre de chaque catégorie soit partie prenante de la décision qui émane du comité d’éthique.
En pratique, de nombreux échanges ont lieu entre le comité d’éthique et le concepteur du projet pour obtenir des précisions, suggérer des améliorations afin de diminuer les contraintes ou dommages infligés aux animaux. Ils permettent en général de trouver le compromis juste entre atteinte des objectifs scientifiques et limitation des contraintes pour l’animal.
L’évaluation d’un projet, y compris les échanges entre les parties, doit se réaliser dans un laps de temps défini par la réglementation et fixé à sept semaines maximum au terme duquel un avis (favorable ou défavorable) à la demande d’autorisation de projet est formulé par le comité qui le transmet au ministère chargé de la Recherche. En cas de contestation du demandeur sur l’avis formulé, le CNREEA pourra être saisi pour solliciter une contre-évaluation.
Lorsque l’avis du CEEA est favorable, le ministère vérifie la constitution du dossier puis rédige une notification d’autorisation de projet qui sera délivrée au demandeur. Le processus complet, du dépôt de demande d’autorisation de projet sur l’application Apafis à la notification par le ministère chargé de la recherche, dure 8 semaines, au maximum. Le projet autorisé sera réalisé dans l’établissement utilisateur agréé par le ministère de l’Agriculture et mis en œuvre par des personnels formés.