Des progrès importants ont été réalisés dans la compréhension des mécanismes cellulaires et moléculaires du développement des vertébrés. Pourtant, notre connaissance des spécificités de l’embryogenèse humaine repose pour l’essentiel sur des données anatomiques du siècle dernier et reste encore très limitée.
Établir la diversité et connaitre l’origine embryonnaire des cellules du corps humain sont des questions essentielles en science et en médecine. Comprendre comment des centaines de types de cellules se différencient et s’organisent en tissus et en organes est crucial pour connaître le fonctionnement normal du corps humain et ses perturbations chez les patients qui souffrent de maladies congénitales.
Le but du programme transversal HuDeCA est de constituer le premier atlas des cellules de l’embryon et du fœtus humain. Ce projet s’inscrit dans le cadre de l’Human Cell Atlas ou HCA, initiative internationale de cartographie des cellules du corps humain normal et pathologique, adulte ou en développement.
HuDeCA a fait l’objet d’un appel à projets en 2018. Il réunit un consortium de onze équipes de recherche travaillant sur plusieurs axes pour mettre en place des plateformes de collecte d’échantillons, d’analyses par des technologies de pointe, de stockage et de diffusion des résultats. Tout cela concoure à faire d’HuDeCa une ressource pérenne et sans pareil au monde à ce jour.
Axes de travail
Axe 1. Plateforme de gestion et biobanque d’échantillons embryonnaires et fœtaux
Le premier objectif de cet axe vise à constituer la plus grande collection d’échantillons embryonnaires ou fœtaux humains en Europe continentale, au contrôle qualité strict et aux annotations standardisées.
Un deuxième objectif est de mettre cette biobanque unique à la disposition des laboratoires de l’Inserm. D’autres groupes de recherche en France et à l’étranger pourraient également accéder à cette collection de façon à favoriser les collaborations.
Un troisième objectif est de tirer parti des métadonnées obtenues à partir des échantillons pour tenir compte des conditions qui peuvent altérer le destin des organes en développement : poids corporel maternel, tabagisme…
Pour atteindre ces objectifs, trois centres, hôpitaux et laboratoires ont uni leurs forces, leurs technologies et leurs plateformes pour garantir l’accès aux spécimens utilisés afin de réaliser les autres axes. Ces établissements ont plusieurs années d’expérience dans la collecte d’embryons et de fœtus humains. Ils possèdent les autorisations éthiques requises.
Axe 2. Diversité des cellules et des tissus embryonnaires et fœtaux humains
Pendant le développement, les différents types cellulaires qui constituent l’embryon et le fœtus humain apparaissent, prolifèrent et se différencient selon une chronologie précise et génétiquement contrôlée. Cependant, la diversité de ces types cellulaires ainsi que la séquence et la localisation de leur apparition sont toujours mal caractérisées. Ce flou empêche la construction de scénarios et de modèles réalistes des événements cellulaires et tissulaires qui aboutissent à la formation du corps humain.
Pour déterminer la nature et le lien des types cellulaires, une liste de leurs caractéristiques spécifiques doit être établie :
- la composition moléculaire des types cellulaires (acides nucléiques, protéines, lipides, métabolites…),
- leur stade d’apparition,
- leur position dans l’embryon et le fœtus,
- leurs relations clonales,
- leurs propriétés physiques (forme, taille, propriétés mécaniques…),
- leurs capacités développementales.
Connaître cette carte d’identité cellulaire permettra de construire un atlas des cellules de l’embryon humain. Les techniques d’immunocytochimie cyclique, de protéomique et de transcriptomique, sur cellules uniques, et des coupes de tissus embryonnaires permettront d’établir la carte d’identité moléculaire des différents types cellulaires de l’embryon et du fœtus. Elles permettront aussi de suivre leur évolution au cours du développement. Les techniques d’imagerie 2D et 3D établiront la position et confirmeront le stade d’apparition des différents types cellulaires.
Axe 3. Construction et mise à disposition de l’atlas numérique
Le projet HuDeCA générera une énorme quantité de données hétérogènes à différents niveaux de complexité :
- données relatives à la transcriptomique (séquençage d’ARN de cellule unique, ATAC-seq, séquençage d’ARN de noyaux uniques, transcriptomique spatiale)
- données d’imagerie (images histologiques 2D, images 3D, images brutes et traitées telles, volumes reconstruits).
L’objectif de cet axe est la mise en correspondance entre les différents types de données.
L’intégration des résultats nécessite un haut niveau d’interopérabilité dans la collecte et l’annotation des données. Pour cela, nous intégrerons les données dans un outil web collaboratif accessible à toute la communauté scientifique : le portail HuDeCA. Une fonctionnalité critique de ce portail reposera sur sa capacité à archiver et à faciliter l’accès à des types de données hétérogènes provenant de toutes les approches technologiques menées au sein du consortium, comme les données descriptives, transcriptomiques ou d’imagerie.
Axe 4. Bases transcriptomiques et cellulaires des différences du sexe dans le développement des organes humains
Le sexe est un facteur important qui influence les processus régulateurs transcriptionnels d’un organisme. Il est largement associé à des différences phénotypiques cruciales, notamment pour la reproduction.
Les gènes qui présentent des niveaux d’expression sexuellement dimorphiques sont enrichis dans plusieurs voies biologiquement importantes de certains organes. C’est notamment le cas de la réponse immunitaire et du métabolisme des lipides dans le foie, du métabolisme des muscles, de l’activité ATPase dans le cerveau et dans le cœur.
L’objectif de cet axe est d’étudier le dimorphisme sexuel des embryons humains par une analyse multiniveaux des données de séquençage d’ARN à cellule unique et protéomiques. Nous créerons aussi un atlas à cellule unique trans-tissulaire des anomalies congénitales du système génito-urinaire fœtal. Pour ce faire, nous exploiterons pleinement les ensembles de données protéomiques, obtenues dans l’axe 2, pour capturer l’ampleur des différences développementales liées au sexe.
Composition du consortium
Coordinateur : Alain Chédotal (Inserm, Institut de La Vision, UMRS968, Paris)
Équipes Inserm :
- Bruno Canque, Institut de Recherche Hôpital Saint Louis, Inserm U1126, Paris
- Nelly Achour Chneiweiss, Hôpital Antoine Béclère, U967, Paris
- Frédéric Chalmel, IRSET, U1085, Rennes
- Heather Etchevers, Hôpital de La Conception, Inserm U1251, Marseille
- Paolo Giacobini, Hôpital Jeanne de Flandre, BRC-CHU, Inserm U1172, Lille
- Jean-Léon Maître, Institut Curie,U934, Paris
- Sévérine Mazaud-Guittot, IRSET, Hôpital Rennes, U1085, Rennes
- Catherine Patrat, Institut Cochin, U1016, Paris
- Raphaël Scharfmann, Institut Cochin, U1016, Paris
- Michèle Souyri, Hôpital Saint-Louis, U1131, Paris
- Stéphane Zaffran, Marseille Medical Genetics,U1251, Marseille